Séminaire Le sinthome : Leçon II du 9 décembre 1975 : Travail de Cartel par Sylvie Liotard avec Odile Boccard, Elisabeth Fradet, Astrid Ha et Frank Salvan

Frank nous a suggéré ce début très intéressant : « De retour des Etats-Unis, où il a passé 15jours, Lacan reprend ses considérations sur le nœud borroméen et cette leçon est pour lui l’occasion d’insister sur le rôle du 4ème rond. Le nœud rosace du tout début de la leçon, est bien là pour illustrer l’intérêt qu’il va porter au nouage du nœud borroméen par le 4ème rond ».

Cela nous ramène effectivement à ce que Lacan nous dit à la fin de la leçon, sous une forme interrogative en parlant de Joyce : « ….ce 4ème terme, celui à propos de quoi, aujourd’hui, j’ai voulu simplement vous montrer qu’il est essentiel au nœud borroméen lui-même ? ».

Après avoir terminé de lire cette leçon, je me suis dit : « Mais où nous a-t-il dit que c’est essentiel ? », ceci m’a fait reprendre ma lecture, d’autres personnes dans le cartel ont eu ce même sentiment.

 

Nous avons donc suivi la leçon pas à pas, comme nous le dit Lacan concernant le nœud borroméen ou la fonction du nœud, il nous dit cela : « C’est en effet pas par hasard, n’est-ce pas, c’est peu à peu que vous avez vu… que vous avez pu voir, c’est à dire entendre, pas à pas, comment j’en suis venu à exprimer par la fonction du nœud ce que j’avais d’abord avancé comme, disons, triplice du Symbolique, de l’Imaginaire et du Réel » p.34.

On dirait que Lacan nous suggère qu’avec le nœud borroméen, pour en saisir quelque chose, il faudrait voir, entendre et manipuler par le mouvement du pas à pas.

Ne pas aller trop vite, c’est également ce que Charles Melman nous suggère en nous proposant de revenir cette année sur les séminaires des « Non-dupes errent » et « RSI ».

 

Avec nos difficultés, nos hésitations et nos divergences, petit à petit, ce que nous pouvions en dire a pris forme, ce qui ne serait peut-être pas identique à un autre moment, dans un autre contexte.

Tout ceci me semble en relation avec ce que nous dit Lacan concernant son cheminement avec le nœud borroméen dans cette leçon.

Il nous dit ceci : « Il est très difficile de penser au nœud », un peu plus loin il reprend : « Le nœud borroméen est constitué par une géométrie qu’on peut bien dire interdite à l’imaginaire », il poursuit  « qui ne s’imagine qu’à travers toutes sortes de résistances, voire de difficultés », ceci donnant sa substance au nœud. On peut remarquer la forme négative devant « s’imagine ».

Il nous dit également que « le désir de connaître rencontre des obstacles », ce qui peut être mis en lien avec le Réel et la science qu’il évoque plus loin. Il termine dans cette leçon sur le registre de la difficulté de penser le nœud par : « C’est pour incarner cet obstacle que j’ai inventé le nœud, et que au nœud il faut se rompre ».

La première définition de se rompre est « se casser, se briser », on trouve ensuite « s’accoutumer à », dans le « il faut se rompre », nous pouvons entendre  toute la difficulté du nœud borroméen. Dans la même leçon Lacan nous dit que le nœud sert à nous repérer.

 

Dans son texte : « La Dentellière » du 19/06/2012, sur le site de l’ALI, Marc Darmon débute son texte par un extrait d’un texte de Descartes que Lacan citait et qui est celui-ci : « Il ne faut pas s’occuper tout de suite des choses difficiles et ardues, mais qu’il faut approfondir tout d’abord les arts les moins importants et les plus simples……ceux des femmes qui brodent ou font de la dentelle…..tous ces arts exercent admirablement l’esprit pourvu que nous ne les apprenions pas des autres mais que nous les découvrions par nous mêmes….. ».

Ce court extrait, aborde l’importance de pouvoir manipuler, en commençant par le plus simple et en découvrant par soi-même. Il permet également de faire une transition avec la suite du texte de Marc Darmon sur notre difficulté à manipuler les ronds de ficelle pour faire les nœuds, il parle même de « répugnance », peut-être due au fait, d’après ce que nous dit Lacan dans RSI, que le nœud borroméen serait du côté du refoulé primordial lui-même.

 

D’après Darmon le concept donne une image rassurante d’un cercle qui contient, nous pourrions dire du côté de l’Imaginaire, avec les ronds de ficelle les cercles sont évidés  et donc de cette façon, il faut faire avec ce qui leur ex-siste, ce qui se tient au dehors, peut-on dire du côté du Réel ?

 

Il nous invite ensuite à faire un nœud à 4, mais avant, nous allons revenir sur le nœud borroméen à 3, en s’appuyant sur la partie du livre de Jeanne Granon Lafont « La topologie ordinaire de Jacques Lacan » concernant les nœuds borroméens.

Le nœud borroméen est une certaine façon de nouer des brins de ficelle et dès qu’il y a plusieurs ficelles, on peut parler de chaîne, ce qui est important pour le nœud à 4.

Le nœud borroméen désigne en fait une chaîne borroméenne et bien sûr, une chaîne borroméenne est telle que si l’on coupe un rond, n’importe lequel, tout se sépare.

 

Avec la chaîne, nous voyons une certaine linéarité du nœud et la possibilité de multiplier le brin central en forme de croissant, ce qui permet de passer au nœud à 4. Lacan utilise le plus souvent la représentation permettant de voir dans le tracé « la fonction identique de chacun des ronds ». Le compte commence à 3, le nœud borroméen apporte la nécessité du 3.

Les 3 ronds jouent chacun le même rôle, 2 ronds sont posés l’un sur l’autre et le 3ème vient les lier ensemble, ce qui permet de voir les intersections et les coincements. L’écriture du nœud à 3 montre l’homogénéité des 3 consistances du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire. Dans le nouage, ils ont la même fonction, ils sont de « communes mesures ». Dans le nœud à 4, il y a toujours apparition de sous-groupes 2 à 2.

 

Pour revenir à l’invitation de Marc Darmon de fabriquer un nœud à 4, j’en ai effectivement fabriqué un, peut-être pour me sortir de l’imaginaire du nœud, en effet, sur le papier, je ne voyais pas comment en coupant l’un des ronds, les autres se détacheraient (voir figure p.34).

Avec la manipulation des ronds de ficelle, il me semble avoir avancé dans ce que peut représenter un nœud à 4. J’ai pu ainsi visualiser où se situent les faux-trous, notion qui jusque-là m’était totalement abstraite.

Dans un nœud à 4, il y a 2 faux-trous et les ronds sont solidaires 2 à 2. Marc Darmon nous dit que le milieu est composé du 3ème et du 4ème rond, faisant faux-trou et venant lier le 1er et le 2ème. Un faux-trou est le trou situé entre les deux consistances pliées en demi-oreille.

 

La manipulation permet également de s’apercevoir que le nœud à 4 introduit un certain ordre, il n’y a plus d’indifférenciation des ronds comme avec le nœud à 3 puisque le 4ème rond vient s’accrocher à un particulier.

Il faut noter l’importance de ce « un particulier » pour la question de la nomination. Je cite Marc Darmon pour passer de 3 à 4, en introduisant la nomination comme 4ème terme : « Il faut le nombre 3 pour que ça tienne, mais aller dire là-dedans lequel est le réel….., lequel fait nœud…..Il semble qu’avec le 4ème une distinction s’introduise : le Nom-du-Père avec le 4ème comme nomination, Lacan nous dit que c’est la seule chose dont nous soyons sûrs que ça fasse trou ; mais il n’est pas obligé que ce soit au trou du symbolique que soit conjointe la nomination ». A la fin  de la leçon, nous reviendrons sur le 4ème terme et la nomination.

 

Ce 4ème terme resterait noué à l’une des consistances, par exemple R et S noués par le quatrième et le I. De cette configuration nous dit Marc Darmon, Lacan parle de nomination imaginaire qui serait le faux trou, c’est une nomination qui ferait faux trou avec les trous du corps, si l’on peut dire.

Cette nomination imaginaire reste liée au rond imaginaire, il y a donc une distinction des ronds par rapport au nœud à trois.

Marc Darmon en déduit que l’on pourrait penser de la même manière à une nomination symbolique, entre réel et imaginaire, liée au rond du symbolique et une nomination réelle, entre imaginaire et symbolique, liée au rond du réel.

 

Lacan, dans sa relecture de Inhibition, Symptôme et Angoisse de Freud, dans le séminaire R.S.I, rapporte l’inhibition à la nomination imaginaire, le symptôme à la nomination symbolique et l’angoisse à la nomination réelle.

 

Colette Soler, dans son livre L’aventure littéraire ou la psychose inspirée, nous dit que pour Joyce, le quatrième rond aurait permis de faire tenir le nœud de façon borroméenne.

Ce serait par la publication de ses livres que Joyce parviendrait à la nomination symbolique.

 

Patrick Guyomard, lors des journées du séminaire d’été sur RSI, nous a dit que la question de la  nomination, c’est de « se faire un nom », c’est avec la question de la nomination que le nœud à 4 s’imposait et que Joyce, dans son œuvre, se fabriquait du père. Ceci introduisait le séminaire sur le Sinthome.

 

Dans la suite de la leçon, Lacan passe, a priori sans transition, à la problématique de l’initiation en psychanalyse, il nous dit «  qu’il n’y a pas à proprement parler d’initiation ». Si l’initiation suppose un savoir défini à transmettre, la psychanalyse, elle, transforme sur la base d’un savoir supposé avec l’ambiguïté que souligne Lacan d’un sujet non seulement double, mais divisé.

 

Dans la dernière leçon de RSI, du 13 Mai 1975, Lacan écrit : « Je n’y suis, moi, que pour peu de choses, étant déterminé comme sujet par l’inconscient, ou bien, par la pratique, une pratique qui implique l’inconscient comme supposé. Est-ce à dire, que comme tout supposé, il soit imaginaire ? C’est le sens même du mot sujet, supposé comme imaginaire. »

 

Colette Soler dans une émission de France Culture, Les nouveaux chemins de la connaissance, intitulée « le réel est-il supportable ? », nous dit : « qu’il n’y a qu’une façon pour la psychanalyse de se transmettre, c’est qu’il y ait des analystes ».

Tout ce qui est théorie bien sûr est capital, tout ce qui est de l’enseignement, l’étude de la clinique, est essentiel, aucun analyste ne s’avance dans la psychanalyse seulement avec son analyse. Mais, c’est par son analyse qu’il est supposé avoir été transformé comme sujet de telle sorte qu’il puisse assumer la tâche analytique.

On ne peut pas dire que cela se transmette de l’un à l’autre, ça se perpétue, par le fait qu’il y ait des analystes qui continuent : il y a de l’un, de l’un, de l’un…

 

Lacan dans RSI, leçon du 18 février 1975, nous dit que la pratique du nœud s’apparente à la pratique analytique.

Je le cite : « Il n’y a pas à ma connaissance, quoi que ce soit, sauf à apprendre à le constituer et à l’apprendre par la tresse, ce qui assurément n’est pas à proprement parler une façon mentale de résoudre la question… »

A la suite, toujours dans RSI, Lacan évoque le fait qu’il y aurait une relation entre l’expérience analytique et le nœud, est-ce dans son « il faut en user bêtement », ne pas être dans le savoir mais dans un décryptage.

Nous voyons courir dans cette leçon 2 du Sinthome, une intrication entre la pratique analytique et le nœud borroméen.

 

La parution contemporaine d’un ouvrage d’Erich Fromm intitulé La mission Sigmund Freud, va être l’occasion pour Lacan de revenir sur ce qu’il entend par vérité.

Il résume ainsi les propos de l’auteur « en quoi donc, si j’ai bien lu, Freud, un bourgeois, et un bourgeois bourré de préjugés, a-t-il atteint quelque chose qui fait la valeur propre de son dire, et qui n’est certes pas rien, qui est la visée de dire, sur l’Homme, la vérité ? ».

Lacan souhaite y apporter cette correction : la vérité dont la quête est l’objet ne peut que se mi-dire.

 

Toujours dans l’émission de France Culture, Colette Soler nous donne comme point de vue concernant la vérité ceci : «  Au début, Lacan valorise beaucoup la vérité. Puis il en est venu, à la dévaloriser. A dire, la vérité est trompeuse, c’est un mirage. De toute façon, elle ment. Pourquoi, il la dévalorise ? Parce que d’une part elle ment, -avec les mots on n’arrive pas à rejoindre le réel- (c’est ça son mensonge), mais en plus, elle n’est jamais que mi-dite ».

Comme il le dit, au début de Télévision en mars 74, les mots manquent. Le début du texte Télévision est celui-ci : « Je dis toujours la vérité : pas toute, parce que toute la dire, on n’y arrive pas. La dire toute, c’est impossible, matériellement : les mots y manquent. C’est même par cet impossible que la vérité tient au réel. »

 

Dans « L’envers de la psychanalyse » p.71, Lacan nous dit que la vérité n’est pas d’accès facile, comme certains oiseaux, quand il était petit, on lui disait qu’il fallait leur mettre du sel sur la queue pour les attraper.

Il évoque également son premier livre de lecture, qui  s’intitulait « Histoire d’une moitié de poulet », qui n’est pas plus simple à attraper quand il faut lui mettre du sel sur la queue. Il fait le rapprochement avec son enseignement qui pourrait s’intituler « Histoire d’une moitié de sujet ».

Sur l’image, le poulet était du bon côté. Il écrit : « on ne voyait pas l’autre, la coupe, celle où elle était probablement, puisqu’on voyait sur sa face droite : sans cœur, mais pas sans foie, dans les deux sens du terme. »

 

Il en conclut que la vérité est cachée, mais qu’elle n’est peut-être qu’absence. Freud montre par  le mot d’esprit, le mot sans queue ni tête, l’importance du non-sens. Lacan reprend que la vérité s’envole quand on ne veut plus la saisir, il écrit : « d’ailleurs puisqu’elle n’avait pas de queue, comment auriez-vous pu ? ».

 

Concernant la vérité et le savoir, dans un texte de Slavoj Zizek sur « Désir : pulsions= Vérité : savoir » dans le livre « La subjectivité à venir », l’auteur fait un rapprochement entre vérité, désir et interprétation, alors que le savoir serait du côté de la pulsion et de la construction mentale. Si l’on prend le sujet supposé d’un savoir inconscient et divisé, qui ne peut que mi-dire sa vérité, nous pourrions faire l’hypothèse que la vérité ne s’approche que par l’interprétation et l’émergence du sujet de l’inconscient et du désir.

En considérant également le nœud borroméen à 3 mis à plat, on remarque que Lacan place l’inconscient du côté du symbolique mais aussi pour une petite part du côté du réel et de l’imaginaire (schéma dans RSI p.25).

Peut-on ainsi penser que cette vérité ne pourrait que se mi-dire par le fait qu’elle ne peut s’approcher du Réel qui n’est pas pensable ? Une partie de la vérité fait partie du Réel.

 

 

Quatre points, dans la leçon 2 du séminaire de Lacan, nous ont interrogés et vont dans le travail de Sylvie, permettre un éclairage plus clinique.

   Sylvie vous a parlé de l’initiation  de la psychanalyse, que Lacan évoque p.35 du Sinthome et des problèmes que cela soulève, et Lacan continue, dans l’analyse : « tout sujet y livre ceci qu’il est toujours et n’est jamais qu’une supposition ».

 

  Nous avons cherché dans le Littré la définition du mot supposition: « Hypothèse de l’esprit, un point géométrique est une supposition, une conjecture de l’esprit ».

 Cette définition s’adapte parfaitement à la théorie lacanienne du sujet supposé savoir, qui est la position dans laquelle l’analysant met l’analyste dans le transfert, mais aussi s’applique à l’analyste qui suppose lui aussi un sujet qui doit advenir.

 

La définition du sujet,  qui a évolué au cours des années  chez Lacan, a toujours été mise au travail dans tous ses séminaires. On peut citer le dictionnaire  de la Psychanalyse de l’ALI, dans la partie étymologie, le sujet est le sujet du  désir que Freud a découvert dans l’inconscient, c’est un effet de l’immersion de l’homme dans le langage, il ex -siste ce sujet, au prix d’une perte, la castration.

       Lacan, dans la suite de la phrase commentée, écrit : « Je veux dire que le sujet comme tel  est toujours,  non pas seulement double,  mais divisé. Il s’agit de rendre compte de ce qui, de cette division, fait le réel ». Cela m’évoque le langage  et  la castration, nous ne pouvons jamais dire ce que nous voulons dire, nous sommes pris dans un réseau langagier qui ordonne et sociabilise, mais en même temps nous fait perdre sans cesse quelque chose,  que nous ne pouvons  jamais dire et quand nous parlons  nous disons  autre chose  que ce que nous croyons. Dire le réel ne peut être symbolisé dans la parole.

 

Je voudrais raccrocher ceci, à ce que dit Mr Melman dans sa conférence sur le Réel. Je le mets volontiers à la discussion critique. Ces éléments « discrets » qui  tombent dans le réel,  sont pris dans une  combinatoire.  Je peux écrire a b c mais pas a c b  dans une langue donnée et donc certains chutent dans le réel. Ces déchets de lettre ne pourraient- ils pas former la  lalangue, à travers le prisme de l’Autre ?

 

    Au  paragraphe  suivant, Lacan parle du livre d’ Erich Fromm, qu’il nomme  « la psychanalyse appréhendée à travers son père »,  en travaillant sur le père réel nous citerons dans le séminaire sur «  la relation d’objet »  page 220 : « le père  réel dont l’enfant n’ a jamais qu’une appréhension très difficile en raison de l’interposition des fantasmes  et de la nécessité de la relation symbolique…s’ il y a une chose qui  est au fondement de notre expérience analytique,  c’est bien que nous avons énormément de peine à appréhender ce qu’il y a de plus réel autour de nous,  c’est à dire les êtres humains. »

Cette citation de Lacan,  nous permet de saisir d’une autre manière, qu’il n’y a pas d’initiation de la psychanalyse  puisqu’il n’y a que de l’un, ce qui rejoint ce que disait Freud « chaque histoire est singulière ».

 

Dans notre cartel, Astrid se rappelait avoir écouté une émission de radio où Michel Onfray  parlait de son livre sur Freud, il ne cessait de citer Fromm. Il prenait la biographie de Freud et en sortait  une psycho- analyse, il cherchait  le sens, tel fait entraîne tel caractère, il était dans une explication  de l’œuvre par la biographie.  Je me  sers de ce que dit  Colette  Soler,  dans « L’aventure littéraire ou  la psychose inspirée » où elle met en avant que  Lacan s’est efforcé de montrer,  que nous pouvons apprendre,  aussi bien de l’œuvre que de l’auteur,  de sa personne ou de sa vie,  mais sans pouvoir déduire l’une de l’autre. La psycho- biographie est possible mais elle n’explique pas l’œuvre.

Rien,  ni personne ne peut expliquer pourquoi Lacan est Lacan et Joyce est Joyce.  Les trois dimensions lacaniennes et le quatrième rond,  peuvent- ils nous permettre de saisir quelque chose du sujet dans ce nouage?

 

     Une amie magistrate,  me disait combien l’explication psychologique,  dont certains se servent pour expliquer la délinquance, est un  effet pernicieux  de la vulgarisation de la psychanalyse. De plus, depuis  Freud,  nous savons qu’un enfant qui a subi des violences, ne devient pas obligatoirement un délinquant mais qu’un délinquant  a souvent  subi des violences dans sa jeunesse.  L’après- coup est une des grandes découvertes de Freud.

 

 Nous reprenons le texte de la leçon 2. Lacan parle de son voyage aux Etats Unis et raconte qu’il a été « soufflé » par sa rencontre avec Chomsky. J’ai écouté une émission de radio sur France Culture,  où un linguiste parlait de Chomsky, il nous apprenait  que Chomsky avait une formation de mathématicien  et travaillait pour la CIA. Pour lui,  le langage  et la biologie sont des sciences à rapprocher et le chiffrage de l’ADN pouvait faire lien. On  ne peut pas ne pas penser à l’écriture de la lettre dans l’inconscient,  mais le rapprochement s’arrête là. Pour Chomsky il n’y a pas de sujet, cela fait penser à l’homme neuronal de Changeux,  qui avait fait grand bruit,  il y a quelques années. Dans un autre séminaire  Mr H parlait de l’impossibilité de discuter entre neurologue et psychanalyste  au sujet du schéma corporel,  pour les uns et de l’image du corps propre pour les autres.  Ce sont deux représentations différentes d’un même sujet (ce paragraphe mériterait un approfondissement, il est réducteur par rapport au travail de Chomsky).

 

A propos de ce qu’écrit Lacan p.39 : « le langage mange le réel », Colette Soler, dans l’émission  de radio déjà citée, dit que dès qu’ il y a émission d’un signifiant, il y a évidage du réel; c’est ainsi que l’on peut dire, que la découverte de l’ADN a permis à la médecine de faire de grands progrès . Par  exemple, la police scientifique a fait une grande avancée grâce à la recherche de l’ADN,  qui permet d’élucider des crimes,  mais on sait aussi que le réel se referme toujours sur une nouvelle opacité.

 

  Page 44,  Lacan écrit le mot pense et panse, cela nous a fait repenser à l’ émission  de  Colette Soler, où elle  disait que  les mots  font « mouche »  sur le corps, le tout petit apprend les mots à travers le discours de l’Autre pendant le nourrissage et les soins corporels, il les enregistre aussi  avec le discours  fait autour de son corps, de son sexe…

Nous pensons aussi à ce que dit Mr Melman au cours de sa conférence, quand il parle  de la pensée du névrosé obsessionnel ou hystérique (de mémoire : « il pense avec sa tête,  l’obsessionnel ? Non et l’hystérique ? Non ». Nous attendons la suite avec impatience.

 

Pour terminer, un cas clinique. Une analysante,  qui a perdu ses parents jeunes,  vers  20 ans, commence à pouvoir évoquer des souvenirs heureux que la famille a connu,  en évoquant  l’ un d’ eux , un pique nique dont elle avait pu  regarder la photo  en pleurant mais heureuse elle dit: « j’aurais aimé  manger cette photo pour les mettre à l’abri »,  je précise que cette analysante n’est pas psychotique. 

 

              E F

 

 

 

 

Dans la dernière leçon du 13/05/75 du séminaire RSI, Lacan nous dit que : » Le Réel tient dans ces termes que j’ai déjà fomentés du nom d’ek-sistence, de consistance et de trou, de faire de l’ek-sistence écrite comme je l’écris, à savoir ce qui joue jusqu’à une certaine limite dans le nœud, cela supporte le Réel. Ce qui fait consistance est de l’ordre Imaginaire comme le suppose ceci qui nous est vraiment tangible que s’il y a quelque chose de quoi relève la rupture, c’est bien la consistance, à lui donner le sens le plus réduit. Il reste alors, mais reste-t-il ? Pour le Symbolique l’affectation du terme trou… ».

Dans la leçon 2, il amène ces notions de consistance, de trou et d’ek-sistence du côté de la triplicité du nœud et de son rôle fondamental. Il écrit ainsi :  « la triplicité qui résulte d’une consistance qui n’est affectée que de l’Imaginaire, d’un trou comme fondamental qui ressortit au Symbolique, et, d’autre part, d’une ek-sistence qui, elle, appartient au Réel ».

 

Jeanne Granon-Lafont dans « La topologie ordinaire de Jacques Lacan » part du fait qu’il faudrait définir les relations entre les 3 ronds (Réel, Symbolique, Imaginaire) par l’existence, le trou et la consistance. En fait, ces 3 ronds ont une consistance (la corde), une ek-sistence ( ce qui se tient au dehors), et un trou ( ce qui vient faire bord), donc pour chaque rond, comme pour le nœud borroméen, il y a triplicité de la consistance, du trou et de l’ek-sistence, est-ce là la commune mesure ?

La consistance est du côté de l’imaginaire et l’imaginaire renvoie au corps, à la problématique de l’image dans le miroir. Lacan a montré la fonction structurante, pour le sujet, de la découverte de l’image de son corps dans le miroir. Jeanne Granon-Lafont nous dit, je la cite : «  Image d’un petit autre auquel l’enfant s’identifie dans une précipitation qui signe son entrée dans le symbolique. Il s’agit d’un nouage de 3 registres ».

 

Nous avons réfléchi à ce nouage, au moment du stade du miroir, et nous avons pensé que le Réel pourrait être ce qui est avant que l’enfant que l’enfant se reconnaisse dans le miroir, l’Imaginaire serait l’image de l’enfant dans le miroir et le Symbolique la nomination par l’Autre maternel avec un grand A, de cette image dans le miroir : « oui, là, c’est toi, Pédro mon fils ». Par le nouage, dans cette image, Jeanne Granon-Lafon nous dit que « l’enfant reconnaît l’objet du désir de sa mère. Il s’y identifie, il s’en habille et, par ce moyen, se met à consister le trou symbolique, auquel équivaut le manque que présentifie le regard de la mère ».

 

En conclusion, nous nous rapportons à la dernière interrogation de Lacan pour  cette leçon 2. Il nous dit ceci : « Comment un art peut-il viser, de façon expressément divinatoire, à substantialiser dans sa consistance, sa consistance comme telle, mais aussi bien son ex-sistence, et aussi bien ce troisième terme, qui est le trou…. ce quatrième terme, celui à propos de quoi, aujourd’hui, j’ai voulu simplement vous montrer qu’il est essentiel au nœud borroméen lui-même ? ».

Comme je j’ai dit au début de l’exposé de notre travail, le fait qu’il nous dise comme ça, tout simplement à la fin qu’il a voulu nous montrer dans cette leçon, que ce quatrième est essentiel au nœud borroméen lui-même, nous laisse toujours dans cette interrogation par rapport au nœud à trois.

 

Claire Duguet dans un texte s’intitulant « Quelques notes sur le père dans RSI et le Sinthome », nous dit que dans RSI, Lacan aborde la question de la nécessité d’un quatrième terme qui pourrait représenter les Nom-du-Père en s’appuyant sur la théorie freudienne où la réalité psychique et le complexe d’Œdipe représente le quatrième terme. L’interdit représente le trou dans le symbolique car le symbolique est nécessaire pour qu’il y ait du Nom-du-Père. Le trou dans le symbolique est le trou du refoulé originaire, celui du réel de la castration.

A partir de son travail sur Joyce, Lacan pense le quatrième rond impliqué dans le nœud borroméen. La topologie des nœuds est telle, qu’il faut un quatrième rond pour distinguer les trois autres.

Dans le Sinthome, la fonction des Nom-du-Père devient nommante et Joyce permet de saisir, que si les trois registres ne sont pas noués, il est possible, si la personne se fait un nom aux yeux d’un public, que cet «événement de nomination » fasse acte de filiation.

 

Pour terminer, elle nous dit que pour Lacan, le nœud est une représentation de l’inconscient, c’est à dire, et elle le cite « nous sommes dedans, nous y sommes pris ».