J.- Claude Molinier: Psychanalyse et linguistique

Alger, 21 février 2009

(Exposé présenté à l’hôpital Maillot, Bab-El-Oued ; Service de psychiatrie du Dr Benouniche)

Quels rapports, quelles relations entretiennent la linguistique et la psychanalyse ? La
réponse est bien loin de l’évidence qui consisterait à penser qu’elles auraient un objet
commun qui serait le langage. Au moment de la préparation de cette présentation je me
suis rendu compte de la complexité que j’essayais de réduire en questionnant ses rapports.
Je dois dire aujourd’hui que malgré mon effort il est difficile de dépasser cette limite à partir de laquelle, rebondissant de notion en notion mal comprises ou mal cernées, on finit par délivrer des contre sens qui n’ont pas malheureusement pas entièrement disparu de la
littérature psychanalytique actuelle. Plutôt que de relations où l’une fournirait à l’autre les
notions ou concepts qui pourraient lui faire défaut nous essaierons de penser ces notions en termes de rencontres. J’ai délimité ce travail autour des termes et concepts essentiels
importés de la linguistique dans la psychanalyse et permettant d’entendre le moins mal
possible ce que veut dire Lacan en tant que lecteur de Freud. Nous le verrons, il s’agit de
points de croisement entre linguistique et psychanalyse en lesquels ces termes se
transforment dans leur usage et dans leur sens. Ainsi peut se mettre en évidence la
spécificité de la psychanalyse quant à la singularité et l’originalité de son objet. Ce que je
souhaite vous apporter en tout cas ce sont les termes essentiels de la psychanalyse issus de
la linguistique qui vous permettront, je l’espère, de mieux entendre ce qui sera exposé ici
concernant les Concepts Fondamentaux.
Généralités au niveau des différences.
L’étymologie, cad l’histoire de la formation des mots peut rendre compte de traces, de
sédiments déposés au cours de la longue histoire de la langue. Elles peuvent se manifester
sous le regard du chercheur mais Il est évident que le locuteur (celui qui fait usage de la
langue pour le linguiste) ne saurait en avoir conscience. Pourtant cette « inconscience »,
cette non-conscience, ne renvoie nullement à un oubli susceptible d’être appréhendé dans
les termes de l’ ICS freudien.
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Ce dernier ne saurait apparaître dans une relation directe à la langue comme objet d’étude
(ce qu’elle est pour le linguiste). Ainsi le rapport de la psychanalyse à la langue se fera par
exemple au regard de la littérature de façon indirecte. Lorsque Freud dans la solitude et
l’isolement au sein de la communauté scientifique lit l’OEdipe de Sophocle, il rencontre
Sophocle comme compagnon de route. Cette tragédie il ne l’analyse ni ne l’interprète , bien
au contraire il considère que l’oeuvre de Sophocle est en elle-même déjà une interprétation
du sujet parlant, une tragédie qui le révèle dans sa structure ; c’est elle qui va analyser en
tant que telle l’Hamlet de Shakespeare révélant ce qui s’y cache en termes de refoulement :
si la première apparaît à Freud comme une tragédie de la révélation c’est dans l’après-coup
de la seconde qui est une tragédie du refoulement interprétée par la première. De même on
peut plus généralement considérer que pour la psychanalyse la langue se passe bien de
l’analyste pour interpréter déjà le sujet parlant. Par le jeu d’une homophonie, d’une
particularité étymologique, par tel détail d’une oeuvre y compris d’une oeuvre d’art (de
Freud à Lacan les exemples ne manquent pas) la langue en des émergences ponctuelles
interprète déjà ce que le psychanalyste n’a plus qu’à savoir lire. Mais justement cette
ponctualité est la marque d’une subjectivité, cad aussi d’une singularité et d’une originalité
qui ne saurait intéresser (sauf de façon latérale ou secondaire) le linguiste. D’autre part elle
concerne l’émergence fragile de ce qui va aussitôt bien souvent disparaître dans l’ensemble,
dans le corps si vous voulez, de l’oeuvre elle-même. A l’inverse la linguistique ne va
s’intéresser qu’aux régularités constituant la langue comme la structure formelle d’un
système qui peut bien échapper à la conscience du locuteur mais ne relève en rien de
l’inconscient freudien. Ce dernier ne se surprend que dans des transferts, des résistances ou
des refoulements dont Freud suit les effets certes au niveau du langage (comme celui du
rêve) mais qui sont avant tout des effets de parole. Or c’est bien la parole qui se trouve
exclue du champ scientifique de la linguistique tel que le définira F. de Saussure. C’est ainsi
la première différence importante qui nous introduit immédiatement à la seconde qui
concerne plus précisément le sujet parlant. Nous l’avons appelé locuteur du côté de la
linguistique pour bien marquer une différence. Aussi loin que la linguistique ait pu en
pousser la définition ( y compris dans la linguistique dite de l’énonciation qui s’intéresse
moins aux énoncés et plus à l’ acte de parole cad au fait de « dire » (Ducrot, Searle,
Benveniste entre autres)) il restera de l’ordre peu ou prou d’un sujet psychologique voire à
la limite d’une sorte d’Ego Transcendantal (pour l’exprimer en termes philosophiques) mais
n’approchera jamais la notion de sujet parlant et ajoutons désirant (car l’incidence du désir
s’ y trouve immédiatement articulée). En effet ce sujet pour le linguiste reste toujours plus
ou moins maître de la langue mais surtout il l’utilise comme un instrument et d’abord aux
fins de communication. Bien au contraire pour la psychanalyse le sujet semble plutôt
« instrumenté » lui-même par le langage, cad que c’est le langage qui le détermine bien plus
que lui-même ne s’en sert. Ceci va rejaillir sur la conception du discours, notion qui implique
toujours la dimension d’une adresse, d’une relation à l’autre. Pour le linguiste, le langage est
avant tout une synthèse logique, un acte de compréhension assurant la communication ; le
discours est ainsi de l’ordre d’un lien social relativement simple dans son schéma : le
locuteur devient l’émetteur d’un discours dont l’autre est le récepteur avec comme
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instrument la langue qui assure la transmission d’informations sur des réalités extra-
linguistiques. Pour la psychanalyse le sujet dépend beaucoup plus d’un acte qui, lui, ne
dépend pas d’un choix ou d’une volonté psychologique car avant d’être de communication il
s’agit d’un acte de parole qui peut dépasser en ses effets celui qui en est « habité ». Car ce
qui est au ressort du discours par lequel il s’adresse à l’autre est plus une vérité subjective
qui hante l’ICS qu’une volonté de communiquer : l’agent du discours n’est plus le locuteur du
linguiste mais s’il est sujet il l’est en tant qu’assujetti au langage dont il est l’effet alors qu’il
croit lui-même s’en servir. Cet ordre du discours en psychanalyse sera donc défini de façon
originale mais c’est une question dont je ne peux parler ici. Sachez seulement que l’on peut
définir ce que Lacan nomme « le discours de l’analyste » qui renvoie à une disposition
particulière de la relation du sujet à l’autre auquel il s’adresse dans le cadre du transfert
(qui est l’un des Concepts fondamentaux dont on vous parlera lors d’une prochaine session).
Freud, Lacan et la linguistique.
Quel fut le rapport de Freud à la linguistique ? Mis à part sa question concernant le sens
antithétique des mots primitifs soit la recherche souhaitant fonder sur le passé de la langue
le principe de non-contradiction qu’il rencontre au niveau des processus primaires dans l’ICS
(ce qui, nous venons de le voir, ne présentait aucun intérêt quant au rapprochement entre le
passé de la langue et l’histoire du sujet parlant) Freud ne s’est guère intéressé à la recherche
linguistique, à sa méthode scientifique. La grammaire comparée par exemple était en plein
essor à son époque et prenait pour objet non seulement la langue allemande mais aussi les
langues dites classiques ; langues qui, on le sait, intéressaient Freud au plus haut point. Il est
resté pourtant, alors qu’il est difficile de penser qu’il n’en eut pas connaissance, tout-à-fait
silencieux à l’égard de ces travaux. Nous verrons plus loin pourtant comment il a pu être dit
qu’il anticipa dans ses propres travaux les découvertes de la linguistique moderne.
Lacan lui s’intéressa beaucoup plus à la linguistique scientifique : il parle ainsi souvent de
Benveniste et surtout de Ferdinand de Saussure et de Roman Jakobson. Pourtant sa propre
position par rapport à cette science n’est pas si éloignée de celle de Freud lui-même. Pour
bien marquer cette distance on sait qu’il emploiera pour désigner l’usage qu’il fait de la
linguistique le terme de « linguisterie » (Encore). La distance est tout aussi mesurable
lorsque forgeant le terme (en un seul mot) de « Lalangue » il définit ce qui va beaucoup plus
loin que le concept de « langue » tel que l’entend le linguiste. Linguistique et psychanalyse
restent fondamentalement distantes. On mesure cette distance quand après avoir assisté à
l’exposé de Lacan sur « Fonction et champ de la parole et du langage » Benveniste
exprimant son adhésion interprète une phrase de Lacan dans un sens diamétralement
opposé : l’ICS dira-t-il est la condition du langage alors que ce que soutenait Lacan c’est
« « Le langage est la condition de l’inconscient » ce qui entraîne aussi que ce soit
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l’inconscient qui dés lors devient la condition de la linguistique elle-même (et non du
langage…). On comprend le désaccord.
Connu pour l’usage intensif qu’il fit du terme de signifiant issu de la linguistique
saussurienne ses lecteurs ont quelquefois oublié que la « grande affaire » de Lacan fut,
comme il l’a lui-même rappelé, le signe. Ce signe vers lequel il revint à la fin de ses travaux
pour lesquels il dut accomplir ce qu’il désignera comme un « long détour par le signifiant ».
Son approche du signe le rapprochera beaucoup plus de la lettre que du signifiant en tant
que tel. Mais elle reste relativement peu dégagée encore du fait de l’abord difficile de ses
dernières élaborations.
Qu’en est-il donc de ce signe, initialement, lorsque Lacan le cueille dans la linguistique
scientifique ?
Le signe et la linguistique structurale.
Rappelons d’abord que le signe pour le logicien, non pour le linguiste, renvoie à un ordre de
représentation : pour le résumer ainsi le signe est alors ce qui représente quelque chose
pour quelqu’un (par exemple la fumée est le signe du feu et pourquoi pas, selon le contexte,
du fumeur, etc…)
Mais qu’en est-il du signe pour le linguiste ? Pour le comprendre nous devons aborder les
fondements de la théorie saussurienne. Pour Ferdinand de Saussure le langage n’est pas
l’objet de la linguistique parce qu’il n’est pas homogène et engendre des antinomies : ce
caractère non unitaire ne permet pas de le définir comme objet : ainsi plusieurs sciences
peuvent aborder tel ou tel de ses aspects démontrant ainsi qu’il ne peut constituer
justement le champ d’une seule (la psychanalyse à ce titre est bien l’illustration de ce que
Saussure pose ainsi). Une langue au contraire peut être considérée sous l’angle des
régularités, des constances soit aussi du caractère répétable des phénomènes qui s’y
produisent. Ainsi elle s’oppose aussi à la parole : en effet une occurrence singulière de la
langue constitue une donnée linguistique indépendante des circonstances de son apparition,
ce qui n’est pas le cas de la parole. Enfin la langue est une matérialité psychique soit « une
somme des empreintes déposées dans chaque cerveau de la collectivité » alors
qu’évidemment la parole n’a rien de collectif et n’est que le lieu de « manifestations
individuelles et spontanées ». Saussure retient la langue comme objet de ses travaux,
excluant de son champ la parole mais aussi le langage en tant que manifestant un caractère
non unitaire. Comment dés lors entendre la célèbre phrase de Lacan : « l’inconscient est
structuré comme un langage » ou le langage figure « comme un » justement. Il semblerait
qu’il y ait divergence alors que précisément c’est bien cet « UN » là qui va nous retenir car
Lacan en définira le concept à partir justement des travaux de Saussure….pour en faire autre
chose.
Pour Saussure le signe n’est pas à définir comme le ferait une théorie du signe, comme l’a
fait par exemple la Logique de Port-Royal. Pour lui il s’agit d’un concept primitif qui n’est
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justement pas à définir. Le signe au contraire est ce qui va servir à définir l’ « élément
linguistique » en tant que tel (et c’est ce qui intéressera Lacan). Pour Saussure le signe se
rencontre primitivement comme « une entité psychique à deux faces….nous appelons signe
(dira-t-il) la combinaison du concept et de l’image acoustique ». La langue est un système
de signes et l’élément linguistique est le signe. Ce dernier est fondamentalement structuré
par une réciprocité : « une suite de sons n’est linguistique que si elle est le support d’une
idée….(inversement) des concepts…ne deviennent entités linguistiques que par association
avec des images acoustiques ». Ainsi va-t-il nommer les constituants du signe : signifiant
pour désigner l’image acoustique d’une suite de sons, la matérialité sonore, et signifié pour
désigner l’idée. Retenez pourtant qu’il ne s’agit pas d’une relation de représentation comme
dans une logique du signe mais seulement d’une relation réciproque d’association : il n’y a
de signifiant qu’associé à un signifié et…réciproquement. C’est cela l’essentiel. Le signe dans
son ensemble ainsi défini ne représente pas la chose signifiée : il n’y a pas de théorie de la
représentation chez Saussure. Ainsi le signifié saussurien devient à proprement parlé
…insaisissable ! Car s’il renvoie au concept, comme le dit Saussure, alors on voit mal ce qu’il
peut en être de ce concept. Le signifié est d’abord et essentiellement posé comme
radicalement distinct du signifiant. De plus il se trouve être déterminé par le signifiant et en
retour lui-même le détermine…Le signifié en fait pour Saussure, et en tant que concept, est
l’ensemble des occurrences d’un signifiant (on le conçoit mieux si l’on pense que le signifié
de l’arbre est l’ensemble de ses occurrences cad des contextes possibles de son emploi).
Pour Saussure en effet « la langue est une forme et non une substance » : il ne saurait donc
introduire la moindre substance dans le signe fut-elle sous la forme du terme d’idée sur la
face du signifié. Par ailleurs cette notion d’ensemble des occurrences contextuelles le
conduira à la notion de famille de signifiants, de « groupements associatifs » que nous
retrouverons plus loin avec Lacan. Toutefois n’allons pas trop vite dans ce qui réduirait le
signifié en un arrangement de signifiants. Car la question s’en trouve pour l’instant
seulement déplacée. En effet le maintien de cette double face du signe, l’hétérogénéité
Sa/sé Saussure y tient et il a raison…Ainsi si pour Saussure le signifiant est bien un
représentant psychique, la question demeure : de quelle représentation est-il le
représentant ? On peut la nommer « concept » mais le concept saussurien n’a alors rien à
voir avec le concept au sens logique voire psychologique. Pour reprendre un terme traduit
de Freud par Lacan : le signifié n’est qu’un tenant-lieu de représentation…C’est ce que veut
dire Saussure par le terme d’ « arbitraire du signe »: entre signifiant et signifié il y a une
négativité, simplement une absence de relation. L’important c’est que le signifié tienne sa
place…Saussure va alors proposer l’analogie de la feuille de papier : au recto la pensée, au
verso le son ; ce qui se trouve au verso n’a aucune relation avec ce qui se trouve au recto.
Mais alors ce signe qui est UN d’origine et pourtant constitué selon cette double face qu’est-
ce qui le fait tenir ? Qu’est-ce qui fait tenir ensemble, comme UN, Sa et Sé, alors même qu’il
s’agit de deux dimensions distinctes, séparées et hétérogènes ? Ce fut bien aussi une
question essentielle pour Lacan jusqu’à la fin de son travail et de sa vie : mais ce fut pour
lui avec trois dimensions, R, S et I (évoquer le noeud borroméen).
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Restons avec Saussure qui, pour répondre à sa propre question produira une autre analogie
comme sortie tout droit d’une image de la Genèse. Imaginez sous le souffle rectiligne du
vent la surface d’abord lisse et plane de la masse amorphe d’une nappe d’eau. La brise
soufflant dans une direction constante va rider la surface de l’eau en formant une vague.
Celle-ci peut bien se décomposer en ces deux éléments que sont l’eau et le vent, comme un
signe en ses deux faces, la vague dans sa forme reste irréductible autant à l’un qu’à l’autre :
le vent n’est pas un phénomène ondulatoire alors que l’eau tend naturellement vers
l’immobilité. La vague ne naît que de la rencontre ponctuelle de la brise et de l’eau comme
le signe dans la langue issu quant à lui de celle des flots de la pensée et du souffle du son.
Filant l’analogie remarquons que pour être ponctuelle cette rencontre n’en est pas moins
répétitive. La vague n’existe pas de façon isolée : l’unicité de la rencontre s’articule à sa
répétition. Il n’y a pas de vague seule. Car ce qui se répète instaure une division dont
s’engendre la multiplicité. Ainsi en ira-t-il du signe dans la langue n’existant que par une
rencontre et simultanément dans la multiplicité. Conception fondamentale du signe en tant
qu’élément compté comme UN mais qui simultanément ne tient que de sa relation avec les
autres. C’est à partir de cela que la linguistique scientifique trouvera son fondement
épistémologique donnant naissance au structuralisme. Statut scientifique original et
novateur dans lequel il suffit (comme le précisera J.-C Milner) de se donner deux flux, deux
magmas et un seul évènement, la rencontre. Cette seule rencontre suffit à faire venir à
l’existence des entités, des éléments se définissant à partir d’une pure différence issue de la
division qu’elle instaure en se répétant. Division que Lacan nommera coupure. Ce qui n’est
pas difficile à concevoir si nous revenons vers la première analogie, celle de la feuille de
papier. Cette coupure est le support de propriétés différentielles et ainsi l’élément dans un
tel système va se définir négativement et différentiellement, de manière oppositive et
relative:
-il est ce que ne sont pas les autres.
-il n’est que de sa différence avec les autres
Ainsi Saussure peut dire que « dans la langue il n’y a que des différences sans terme
positif ». Nous pouvons aller plus loin car cette curieuse unité que définit l’élément
linguistique se trouve sans disparaître traversée elle-même par la coupure maintenue par la
distinction interne signifiant/signifié. Ainsi cet élément que Saussure appellera de plus en
plus « valeur » plutôt que signe subvertit l’ordre scientifique traditionnel qui de mémoire de
philosophe définit l’élément par l’identité de soi à soi : en effet nous voilà avec un élément
qui se définit comme pure différence et de plus différent de lui-même. Nous savons qu’en
biologie Monod et Jacob revendiqueront cette filiation scientifique concernant leurs travaux
sur le code génétique.
Lacan et l’algorithme saussurien.
C’est comme cela en effet qu’il va nommer ce qu’il écrit ainsi :
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Cette écriture est de Lacan, on aurait du mal à la trouver telle quelle dans le Cours de
Linguistique Générale. Par ailleurs Lacan nommant cette écriture algorithme indique comme
le fit Saussure avec le terme de « valeur » la distance prise à cet endroit avec le terme même
de signe ainsi redéfini comme « élément » d’un système. Remarquons qu’à mettre ainsi le
Signifiant en position supérieure Lacan redouble le poids de la signification du S majuscule
en marquant ainsi pour lui la primauté du Signifiant sur le signifié (Saussure représentait la
pensée, le signifié donc pour lui, plutôt au dessus ce qui ne signifiait pas, par ailleurs, une
quelconque primauté de l’un sur l’autre). Ne nous méprenons pas toutefois sur la
signification de cette primauté : Lacan maintient bien l’hétérogénéité des deux faces de
l’élément et la distinction des places. C’est pour cela qu’il insistera sur la barre entre elles
deux, infranchissable précisera-t-il, pour pouvoir définir ensuite dans quelles conditions elle
peut être franchie. Mais pour lui aussi elle a valeur de pure différence, de coupure
homogène à celle qui s’inscrit aussi entre deux Signifiants comme à ce qui divisait nos vagues
saussuriennes il y a quelques instants. Toutefois la barre dans cet algorithme renvoie
également à autre chose : à côté du Signifiant et du signifié elle constitue en elle-même le
troisième terme de l’algorithme. En effet elle renvoie à ce troisième composant du signe en
linguistique que l’on nomme le Référent. On peut trouver là un abord praticable de cette
troisième dimension qui intéressera au plus haut point la psychanalyse et que Lacan
nommera le Réel. En effet le référent renvoie en linguistique, à partir du Signifiant, non au
signifié en tant que concept mais bien à la chose réelle, cad pour le linguiste à la chose dans
sa réalité extérieure, extra-linguistique. Pour Lacan et la psychanalyse cette chose en tant
que telle est toujours ratée. « Le collimateur ne fonctionne pas » dira Lacan ; le Réel pour lui
c’est d’abord l impossible. Pour en rester à ce qui nous intéresse ici nous pouvons dire que
cette barre prend alors une double fonction : elle maintient l’hétérogénéité et la place du
signifié où glisse le flot du sens et de la pensée (sous le Signifiant) faute par ailleurs de la
chose de la « réalité » qui au niveau du référent pourrait réellement l’arrêter en saisissant
quelque chose. C’est pourquoi Lacan proposera pour l’opposer à la chose que la linguistique
situe au niveau du référent le terme de l’ « achose » (dont la graphie exhibe un « a »
privatif). La chose freudienne, comme il la nommera, qui se situe dans le Réel comme le
référent ultime de notre pensée et de notre discours est impossible à saisir. Dés lors on
peut se demander ce qui peut arrêter ce flot voire cette hémorragie de la pensée et du sens
qui glisse et court sous la barre : nous le verrons plus loin avec la notion lacanienne du point
de capiton mais aussi avec l’opération de la métaphore. Mais il n’est pas possible d’éluder
les étapes permettant d’y parvenir. Revenons donc vers cette écriture de l’algorithme
saussurien destinée aussi à nous éloigner de l’écriture très diffusée du signe saussurien qui a
pu engendrer une incompréhension de la pensée de son auteur :

    arbre

On conçoit que l’image de l’arbre à l’étage du signifié correspond mal à la définition du concept selon Saussure. On est dans l’ordre du « vous voyez ce que je veux dire »…Pour tourner cette représentation en dérision Lacan la détourne pour en représenter l’idée de la ségrégation urinaire :

portes

Je ne développerai pas ici les conséquences pourtant intéressantes de cette transformation
car ce n’est pas vraiment notre propos aujourd’hui… (histoire des deux enfants dans le train :
« raconter » selon le temps…ce qui importe n’est pas le signifié (à l’étage des portes de
l’isoloir) mais la querelle naissante sur la « ligne » du signifiant (autour du phallus
« séparateur »)) Retenons seulement l’idée, en tout cas, qu’au niveau du signifié le sens, au
regard de la conception psychanalytique du fonctionnement de la langue, va se trouver
déterminé par le jeu du signifiant et par les lois qui en régissent le fonctionnement, d’où
cette primauté du signifiant pour lequel il retiendra la définition de l’élément linguistique
selon F. de Saussure : son caractère principal est d’être UN, unité donc mais définie selon les
termes de Saussure. Il n’est UN finalement que d’être UN d’une pure coupure. C’est-à-dire
UN en tant qu’unité différentielle, oppositive et définie négativement ; non seulement il est
pure différence, n’étant rien d’autre que ce que les autres ne sont pas et n’apparaissant
que dans l’ordre d’une coupure mais de plus il est différent de lui-même. Cette importance
de la coupure dans la genèse du signifiant est le ressort de l’interprétation psychanalytique
qui par une ponctuation du discours entendu fait surgir un signifiant inattendu. Pour le
signifiant en tout cas cette différence d’avec lui-même est cette qualité qui se saisit de façon
triviale dans un exemple qu’a produit Lacan dans le contexte d’une de ses conséquences à
savoir que le signifiant ne pouvait se représenter lui-même. Il s’agit de l’énoncé : « Le mot
obsolète est lui-même un mot obsolète » où l’on voit que le premier (obsolète) ne saurait se
confondre avec le second. En tout cas ce qu’il s’agit de retenir c’est que du fait de cette
différence d’avec lui-même le signifiant se répète, comme la rencontre de l’eau et du vent,
et il se répète toujours différent de lui-même : cette répétition du signifiant en tant que UN
est bien ce que Freud nommait « principe de répétition » (que vous retrouverez dans une
prochaine session comme « concept fondamental »). Nous avons vu avec Saussure qu’après
avoir posé le Signifiant comme représentant il était possible de se demander de quelle
représentation il était ainsi le représentant. Lacan posera autrement la question du
représentant dans la mesure où la psychanalyse a affaire, elle, à la parole d’abord. A la place
du locuteur nous l’avons vu elle désigne le sujet parlant et désirant : dés lors le signifiant, tel
un ambassadeur représentant un pays auprès d’un autre, est le représentant du sujet.
Lacan l’énoncera ainsi : « Un signifiant c’est ce qui représente le sujet pour un autre
signifiant »…à entendre aussi bien comme « auprès d’un autre signifiant » que comme « à
la place d’un autre signifiant ». Considérons le signifiant comme un anneau, les anneaux
s’enchaînant les uns aux autres forment une chaîne signifiante (celle qui est effectivement
prononcée). Poussons alors la logique de la répétition signifiante abordée plus haut dans
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cette chaîne. Le sujet représenté dés qu’il parle par un signifiant s’engage dans ce défilé de
la chaîne signifiante et l’on pourrait espérer qu’il rencontre auprès de l’autre signifiant (le
second) la représentation de ce qu’il est : cad la réponse à la question de son être de sujet.
La question de ce que je suis se posant dés la prime enfance. Je vais vous désespérer tout-
de-suite en vous disant que c’est bien ce qui ne se produit pas : cette question restant à
jamais sans réponse. En effet écrivons cette chaîne réduite au couple essentiel de deux
signifiants et à la relation de représentation : S1 ——– > S2 ; du fait de la logique de la
répétition et si nous ajoutons à l’autre signifiant en accord avec la loi de l’inconscient ce que
Lacan nomme un déchiffrage nous allons retrouver au niveau du second (noté ici S2) la
répétition du premier (S1) ; nous pouvons alors l’écrire ainsi dans la chaîne telle qu’elle va se
poursuivre: S1 (S1 (S1(S1(S1—– (S2))))) . Ainsi le second signifiant où le
sujet trouverait la réponse à la question de son existence est indéfiniment repoussé dans la
chaîne signifiante. Non seulement il ne trouve pas la réponse mais de plus émergeant avec le
premier signifiant il disparaît sous l’effet du « comportement », si j’ose dire, du « second ».
Son existence se réduit ainsi à cette forme répétée d’une éclipse subjective. Il y a là au
niveau de ce S2 qui recule indéfiniment l’indication de ce qu’il y a dans une langue, quelle
qu’elle soit, un terme manquant : au double sens du mot cad signifiant manquant et aussi
bien absence d’une fin. Autrement dit pas de « fin mot » : la langue est un système
incomplet. Bien sûr ce ne peut être que pour le sujet désirant que cette incomplétude se
manifeste (d’où le concept de Lalangue) car ce n’est que par rapport à « lui », à son
énonciation, qu’il est possible d’attester que « tout ne peut pas se dire ». Le linguiste et
épistémologue J.-C Milner développera avec rigueur ce thème dans son livre « L’amour de la
langue » en se penchant sur l’incidence du désir inconscient pour le sujet parlant : il
reprendra le terme de Lacan pour désigner ce caractère d’incomplétude. Lacan en effet
exprime cela en disant que la langue est « pas-toute » (ce qu’il dira aussi des femmes…mais
c’est une autre histoire qui ne peut être abordée dans le cadre de cet exposé. Retenons
seulement que ce terme manquant autour de quoi tourne la langue renvoie à la question de
l’être et au « féminin »).
Lacan et R. Jakobson
Afin d’en dire un peu plus sur ce signifiant manquant nous devons aborder la seconde
rencontre essentielle entre psychanalyse et linguistique au travers de l’oeuvre de Roman
Jakobson.
Ce dernier, linguiste et d’abord phonologue, nous permettra de préciser d’abord
l’algorithme saussurien présenté par Lacan. En effet la phonologie est l’approche formelle
du phonème défini comme étant la plus petite unité distinctive de la chaîne parlée. Cette
unité distinctive Jakobson l’étudie lui aussi selon la définition structuraliste de l’élément
selon Saussure. Ce faisant il deviendra le chercheur ayant avec succès poussé à son ultime
achèvement la découverte saussurienne. Le phonème en tant qu’unité distinctive va être
dégagé par la mise en contraste d’éléments plus complexes (morphèmes, monèmes) et
constitués par un ensemble de traits pertinents. Le phonème n’est finalement rien d’autre
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(comme le remarquera Lacan lui-même) que le signifiant lacanien : sans aucun rapport
avec le sens et isolé en tant qu’unité distinctive dont les seules propriétés sont liées à la
mise jeu d’une pure différence dans un système d’opposition. Chaque langue pourra ainsi
être décrite à partir d’un nombre limité de phonèmes (36 pour la L. française). Illustrons ce
que nous apporte l’analyse phonologique au niveau de l’algorithme saussurien et partant du
signifiant au sens lacanien. Si nous écrivons avec de simples lettres les phonèmes T et D,
nous allons d’abord définir par une mise opposition que l’on écrira T/D la pertinence de leur
distinction dans la langue française. On voit que si je dis TATA et si je dis DADA le
remplacement du T par le D entraîne un changement de sens (le sens ici ne sert que de
critère discriminant). La différence entre T et D est donc pertinente et l’unité distinctive
n’apparaît que par une mise en opposition des sons. Comment dés lors la définir en tant
que telle ? Nous allons faire intervenir ce que l’on appelle des traits pertinents. Ils sont
utilisés pour décrire les sons actualisés dans une langue et renvoient eux-mêmes de façon
descriptive à des caractéristiques physiques au niveau des organes de la phonation lors de la
prononciation des sons. Ainsi au niveau de la mise en opposition T/D, UN seul trait pertinent
les distingue c’est le trait nommé en phonologie « voix ». T est non voisé alors que D est
voisé. Observons alors que l’unité distinctive ne se réalise qu’au travers d’un système
d’opposition manifestant une pure différence qui se laisse ici définir par le jeu de la
présence et de l’absence d’un seul trait. Or, et ce sera de la plus haute importance pour ce
qui nous intéresse, ce trait pertinent en tant que tel, cad pris isolément, n’est pas lui-même
réalisé dans la langue au sens où il ne s’y manifeste pas isolément. Il ne se manifeste pas
seul ; seul il n’y est pas prononcé. Le trait ainsi défini ne se réalise que dans un système
d’opposition et par le jeu d’une présence et d’une absence. C’est pourtant lui qui soutient
l’ensemble du système ou en tant que tel il n’apparaît pas lui-même. Nous pouvons alors
pousser un peu plus loin en rapprochant ce trait pertinent de ce que Lacan appelle à
l’endroit du signifiant le trait unaire. Ce trait unaire définit cette unité ce « UN » bien
singulier du signifiant lacanien. Lacan le traduit à partir du terme employé par Freud au
niveau de l’identification : Ein enziger Zug, cad un seul trait. Lacan réduit là le signifiant à
son support minimal : un trait et rien de plus , un trait dont la seule qualité est d’être « UN »,
« UN » de pure différence, « UN » de coupure. Ce trait unaire domine l’ensemble du
système signifiant et devient le support de tout l’ordre différentiel. Ce qui met en
mouvement la chaîne signifiante c’est le jeu de la présence et de l’absence de ce trait
signifiant qui en tant que tel ne se manifeste jamais, tel le trait pertinent, dans la langue et
dont il devient pourtant le support. Retrouvons là le signifiant manquant de tout-à-
l’heure. En effet Lacan désignera dans un signifiant le support de toute chaîne signifiante
tout en le comptant comme manquant dans l’ensemble des signifiants lui-même… Ce
signifiant que l’on peut écrire finalement comme -1, manquant donc, c’est le Signifiant
Maître par excellence que la psychanalyse nomme Phallus. Pourquoi ? Ce nom lui vient
d’une signification et même de la signification fondamentale introduite dans l’ICS du sujet au
moment du complexe d’OEdipe et mobilisée par la fonction paternelle (intervenant selon une
opération métaphorique, sur laquelle nous allons nous pencher). La signification phallique
fait du Phallus (du Père) le terme majeur de l’ICS. C’est le Symbole en tant que tel comme
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l’exprimera Lacan. En tant que Symbole il ne manque pas mais renvoie au signifiant
manquant (disons qu’il le « marque »)…ce qui n’est pas la même chose ! Ainsi le Phallus est
le signifiant que Lacan qualifiera de Symbole majeur de l’ICS et c’est lui qui soutient
l’ensemble de l’ordre signifiant appelé Ordre Symbolique. En tant que signifiant manquant il
fonctionne à la manière de ce trait pertinent de la « voix » et sans se manifester dans une
existence effective au niveau de la chaîne signifiante il y soutient le jeu d’une présence-
absence et intervient comme coupure présidant ainsi à la naissance de tout signifiant. Au
regard de l’absence du Référent évoqué lui dans l’ordre du Réel il reste, sans le remplacer,
comme polarisant la signification au niveau du discours. C’est ainsi que Lacan pourra dire
que toute signification se réduit finalement à la signification phallique. C’est bien ce
signifiant comptant comme -1 qui nous fait saisir en quoi on ne peut définir la castration au
sens psychanalytique que comme une opération symbolique. Castration liée à la structure
même de l’ordre symbolique. C’est ainsi par l’intervention dans la langue de l’ICS au sens
freudien que s’introduisent ce manque et cette coupure qui sont au ressort de la découverte
saussurienne et partant du structuralisme scientifique. Nous pouvons mieux entendre alors
Lacan soutenant que « l’ICS est la condition de la linguistique ». Ce fut aussi l’une des
grandes découvertes de Freud séparant le génital (versant biologique) du phallique (versant
du langage).
Les lois de fonctionnement du signifiant : Métaphore et Métonymie.
Nous allons pour finir nous pencher sur les lois réglant le fonctionnement du système
signifiant dans l’ICS. Précisons tout d’abord comment la linguistique conçoit l’organisation du
signifiant. Elle la représente selon deux axes perpendiculaires : le premier, horizontal, est
l’axe orienté sur lequel se réalise de façon actuelle, contemporaine, la chaîne des signifiants
constitutifs des énoncés : les signifiants se succèdent selon un ordre obéissant aux règles de
la syntaxe. Cet axe est celui des combinaisons, de la contigüité et de la synchronie sur lequel
s’opère ce que le linguiste appelle encodage. Les linguistes le nomment axe syntagmatique.
Le second dit axe paradigmatique se trouve lui orienté à la verticale du premier. A chaque
point de la ligne horizontale correspond donc un axe vertical sur lequel les signifiants se
trouvent en position de similarité au regard d’une sélection qui vient y opérer. Ce que le
linguiste appelle décodage se trouve dans cette dimension de la diachronie qui renvoie à la
longue histoire de la langue durant laquelle s’est constitué ce stock, cet ensemble de
signifiants. Lacan va conserver ces deux orientations mais « renversera » ce rapport entre
diachronie et synchronie.
Nous allons comprendre pourquoi en nous penchant plus précisément sur le travail de
Jakobson. Très au fait de la chose poétique d’une part et de la rhétorique classique d’autre
11
part Jakobson va emprunter à cette même rhétorique les figures de discours comme
moyens de décrire le fonctionnement du langage. Son ouvrage le plus achevé à ce niveau
s’intitule « Deux types de langage et deux types d’aphasie » où la description des troubles
cliniques de l’aphasie suivra la distinction selon les deux axes de fonctionnement qu’il va
redéfinir en termes d’opérations réalisées par le sujet parlant. Ce dernier effectue deux
opérations pour fabriquer une phrase: l’une consiste à faire un choix (sélection pour des
raisons sémantiques) à l’intérieur du corpus qu’il connait (axe paradigmatique) et par l’autre
il combine par la syntaxe les éléments choisis (axe syntagmatique, de la synchronie).
Jakobson appelle la première opération « Métaphore » et la seconde « Métonymie ».
Empruntant les termes de Métaphore et de Métonymie à la rhétorique dans laquelle il
s’agissait de figures jouant dans l’ordre du sens, cad du signifié, il en fait tout autre chose à
savoir des opérations fondamentales du sujet parlant recouvrant les lois de
fonctionnement de l »ordre signifiant en tant que tel. Ainsi si l’on veut dessiner l’opération
métaphorique selon Jakobson et en matérialisant les deux axes par des lignes on obtiendrait
ceci:

axes

 

cad substitution, à une même place sur l’axe syntagmatique, d’un signifiant issu de l’axe
vertical (paradigmatique) par sélection selon une règle de similarité, à un autre signifiant.
On peut s’amuser de cette représentation car elle est identique à celle que l’on peut, avec
Lacan, définir comme illustrant …une métonymie. Vous comprendrez mieux pourquoi par
la suite…
En effet, Lacan va à son tour emprunter les termes de Métaphore et de Métonymie pour
désigner les deux lois fondamentales du langage que Freud, « anticipant » comme on a pu le
dire leur découverte linguistique, nommera au chapitre VII de « l’Interprétation des rêves »
respectivement « Condensation » et « Déplacement ». Nous le savons il s’agit pour Freud des
lois de disposition du discours latent dans son rapport au discours manifeste tel qu’il se
présente au rêveur. Tout thème inconscient émerge au niveau conscient sous la forme d’un
représentant qui peut supporter un motif unique ou unifier des représentations groupées:
c’est la condensation, manifeste aussi bien dans le mot d’esprit (exemple du
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« famillionnaire ») que tout simplement dans la constitution de ce que l’on nomme
« symptôme ». Par ailleurs un terme n’existe pas isolément mais se trouve pris dans une
chaîne associative en laquelle il se combine avec d’autres éléments ordonnés
successivement et auxquels il se trouve ainsi lié. C’est cette chaîne d’associations que Freud
nomme déplacement permettant un effet de masquage de dissimulation obéissant à la loi
du refoulement. La libre association dans l’analyse repose sur l’existence de ces deux lois de
fonctionnement.
Nommer « métaphore » la condensation freudienne et « métonymie » le déplacement mérite
toutefois quelques éclaircissements afin d’en assurer la légitimité. Ce faisant ces notions
pourront délivrer le sens qu’elles ont pris dans la psychanalyse.
Rappelons tout d’abord que l’incidence du désir dans la langue fait du sujet parlant un tout
autre sujet que celui qui, dans la linguistique, pourrait être conçu comme susceptible de
faire un choix sémantique selon l’axe d’une sélection (lui offrant un corpus mis à disposition
par la langue qui l’habite). A l’inverse d’un choix il s’agit plutôt pour lui de détermination par
le signifiant, signifiant se constituant selon un ordre que nul sujet ne saurait maîtriser : le
sujet est donc avant tout l’effet du signifiant qui le représente jusqu’à en porter la marque
de non identité à soi. Cette inadéquation de soi à soi, cette discordance se signifie aussi dans
le terme de « sujet divisé » qu’emploie Lacan pour désigner cet effet de coupure à
répétition. Ecartelé entre deux signifiants il ne rejoindra jamais la moitié qui lui manque…Le
sens fuit sans cesse tout autant que le désir court sous la chaîne signifiante qui se déploie
dans la parole. Il court et nous retrouvons dans ce glissement le sens du déplacement
freudien. Déplacement qui ne cesse pas, à défaut de trouver le terme ultime où il se saisirait.
On l’a déjà vu ce terme est manquant : et c’est bien dans cette vacuité, dans cette vacuole
ouverte par un manque inscrit dans le mouvement de la chaîne signifiante que vient se
placer l’objet perdu freudien, l’objet en tant que perte lui-même, qui est la véritable cause
du désir au sens psychanalytique (son origine est à situer dans ce dont Mireille Paulin vous
parlera en avril cad la « pulsion »). Voilà ce dont il s’agit dans la métonymie,
psychanalytiquement. La façon dont Lacan la définira conduira certains de ses élèves à
remarquer qu’il va inverser le sens des termes qu’il emprunte à Jakobson, parlant de
métonymie là où Jakobson désignait la métaphore. Lacan fera alors remarquer simplement,
avec beaucoup d’humour, qu’ils avaient mis du temps à s’en apercevoir…cad qu’ils suivaient
mal ce qu’il enseignait. Il ne s’agit pas d’une erreur de sa part mais d’une réécriture imposée
par ce que son expérience lui présente au niveau de la logique même du signifiant « en
exercice » (si l’on peut s’exprimer ainsi). En effet il note dans ses « Ecrits » qu’ à chaque
point de la chaîne signifiante, de la chaîne parlée, à chaque coupure signifiante si vous
voulez, est appendu à la verticale l’ensemble des contextes d’occurrence d’un signifiant ( ce
qui renvoie la verticalité à autre chose qu’à la règle de similarité) Ce qu’avance Lacan n’est
pas sans rappeler les groupements associatifs saussuriens dont nous avons déjà parlé (au
niveau de la notion saussurienne de concept); au dessous de la chaîne signifiante Lacan
installe donc, à l’étage du signifié, ce qui va constituer comme les portées d’une partition
musicale, en doublure de la chaîne signifiante effectivement parlée et présentes
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simultanément dans l’inconscient. Voilà donc le Signifiant descendu à l’étage du signifié
mais pour autant la barre saussurienne de l’algorithme n’est pas abolie ; bien au contraire
elle résiste. Ceci a donc pour effet non de produire un sens mais de le laisser glisser. C’est
bien là, dans le jeu étagé de ces divers niveaux, que court sous la barre à l’endroit du
signifié non seulement le sens mais le désir aussi : masqué, déguisé, non reconnaissable et
pour tout dire satisfaisant à la loi du refoulement par le jeu de la métonymie. Le
groupement associatif des signifiants obéit à l’ordre topologique par lequel Lacan conçoit le
signifiant dans l’inconscient ce qui pour le mathématicien correspond à un ensemble ouvert
(non fini) appelé « voisinage » (cf N. Charraud). Ecrivons alors la structure « métonymique »
à partir de l’exemple consistant à dire « trente voiles » pour dire « trente bateaux » :

trente bateaux

Vous pouvez constater la ressemblance de cette écriture avec celle produite plus haut à
partir de Jakobson et correspondant alors à la métaphore. Mais il est possible d’en dire plus
au niveau de cette fameuse « inversion ». Car ces « contextes attestés » dont parle Lacan,
constituant l’ensemble des voisinages appendus de point en point à la chaîne parlée,
forment à sa verticale rien de moins que le savoir inconscient dont la caractéristique est
d’être en synchronie : ce qui est en accord avec l’énoncé freudien selon lequel
« l’inconscient ignore le temps » ; il est hors temps. Nous voyons donc la synchronie
s’installer dans la verticalité alors que la diachronie (qui implique le temps) s’installe dans
la linéarité des énoncés que constitue la chaîne signifiante. Celle-ci se déploie en effet dans
le temps et la temporalité articulée à l’ordre des places s’y trouve fondamentale : de façon
très élémentaire un terme apparaît bien avant ou après un autre, l’inversion du temps
inversant l’ordre va entraîner un changement. En inversant l’ordre temporel de la phrase
vous changez en effet la signification : on le voit bien avec « Pierre bat Paul » par exemple.
Ainsi par rapport à la linguistique la disposition synchronie-diachronie se trouve inversée
du fait de la prise en compte de la dimension de l’inconscient dans l’expérience de l’acte de
parole.
Pour revenir vers notre exemple le terme voile apparaît ici selon la loi réglée par la
métonymie à la place du « bateau » et est bien de l’ordre d’un échange de signifiant ce qui
semblait pourtant réservé à la métaphore. Pourquoi ? Parce qu’il y a bien un contexte où le
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signifiant « voile » apparaît en liaison avec le « bateau » : c’est ce que Lacan nomme le mot
à mot. La substitution ici opère donc entre deux signifiants appartenant à un même
voisinage. Et cette liaison métonymique se maintient dans un groupement associatif qui,
inconscient, joue sur une autre portée ne se manifestant pas dans le discours tenu. Ce qui
permet à la « voile » d’apparaître à la place du bateau c’est leur liaison dans l’un de ces
groupements associatifs glissant au dessous de la chaîne effectivement prononcée. De fait le
sens ici glisse, comme sur les diverses portées d’une même partition et l’on s’aperçoit bien
qu’il ne peut correspondre à l’emploi isolé du mot « voile ». Considérez ce jeu complexe et
incessant se reproduisant sans cesse de point en point de la chaîne parlée…La métonymie,
pour être l’une des lois de fonctionnement du langage au niveau ics, peut être également
utilisée par un bon orateur qui veut faire entendre quelque chose sans pour autant le
prononcer de façon trop manifeste. Moyen de déjouer parfois la censure dite sociale… C’est
ce que l’expression courante « faire lire (ou entendre) entre les lignes » exprime très bien: il
s’agit de jouer sur plusieurs portées simultanément pour faire entendre autre chose que ce
qui est dit (ce qui se saisit par exemple chez ce maître du signifiant qu’était Raymond Devos).
Quoi qu’il en soit ça peut continuer comme ça bien longtemps car il n’y a pas dans la
métonymie en tant que telle de principe d’arrêt. Or il faut bien que ça s’arrête sur un terme,
au moins pour que la phrase prenne un sens, même provisoire. Un bon exemple de
l’inachèvement qui conduit à laisser le sens en suspens est constitué par les « énoncés »
relevés dans les « Mémoires d’un névropathe » écrits par le Président Schreber ; il s’agit de
phrases interrompues ce qui se représente habituellement par des points de suspension.
Notez que dans cet exemple l’inachèvement prendra une autre dimension :
« Maintenant, je vais me… » « Vous devez quant à vous… » « Je vais y bien… »
Le sujet peut bien répliquer à la « voix » qu’il entend mais on perçoit le trou à l’endroit des
points de suspension renvoyant à la place du signifiant manquant entre l’Autre de la voix
hallucinée et lui-même : « Maintenant, je vais me… me rendre au fait que je suis idiot ».
De fait, plus banalement, une phrase ne réalise sa signification qu’avec son dernier terme,
cad celui par lequel enfin elle se boucle, se refermant sur un sens qui se produit de
l’ensemble des signifiants de la phrase et non, c’est évident, du signifié dont est capable
chaque terme pris isolément. Ce « dernier terme » qui ne sera jamais bien sûr nous l’avons
vu le terme ultime, toujours manquant, n’en est pas moins indispensable pour que le
moindre sens puisse se réaliser. Dans notre exemple on sait que cela va beaucoup plus loin
car c’est le sujet lui-même qui se trouve rester en suspens dans l’impossibilité de se réaliser
fut-ce dans l’instant d’une éclipse. Ce « dernier terme » (pas ce « terme dernier » …) renvoie
alors dans ce cas pour Lacan à ce qu’il appelle « point de capiton ». Souvenez-vous des flots
ou des flux qui s’écoulent sans cesse dans l’analogie utilisée par Saussure. Imaginez cela sous
la forme d’un matelas : le point de capiton c’est ce qui vient selon certains intervalles
resserrer ces flots, afin d’enserrer, de contenir quelque chose, avec d’abord pour effet de
boucler la signification et de produire un sens. Mais qu’en est-il quand il s’agit du sujet lui-
même? Leur absence dans le cas du président Schreber, le laisse subjectivement en suspens
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comme dans l’attente de quelque chose qui ne peut advenir, et constitue la marque même
de la psychose. Elle renvoie à la notion de « forclusion » chez Lacan. Ce qui nous conduit à ce
qu’il va nommer « Métaphore » comme loi de fonctionnement dont dépend aussi la
réalisation de tels points de capiton. La métaphore c’est rigoureusement la convergence et
la rencontre de deux métonymies : c’est à ce niveau qu’il sera légitime de soutenir que la
condensation freudienne peut être nommée métaphore. Il ne s’agit plus d’un mot à mot
mais d’un mot pour un autre. Un mot se substitue à un autre et c’est le mot chassé de sa
place qui est en relation de voisinage avec le reste de la phrase, contrairement à la
métonymie où le mot chassé n’est en relation de voisinage qu’avec celui qui l’a remplacé. Ce
mot prend alors pour fonction à la fois de faire surgir un sens nouveau et inattendu, cad de
le créer et simultanément, en cela même, de constituer au point d’arrêt dans la chaîne
signifiante (contrairement à la métonymie qui laisse glisser le sens). Voilà comment on peut
la représenter :

booz

C’est le ressort, parfois utilisé jusqu’à l’usure, de bien des créations « poétiques ».
L’opération métaphorique réalise un effet de sens par un signifiant qui, franchissant la
barre saussurienne (entre signifiant et signifié), vient occuper la place du signifié (Booz).
« Sa gerbe n’était point avare ni haineuse ».
Si nous prenons l’exemple de cette métaphore canonique analysée par Lacan et extraite du
poème de V. Hugo « Booz endormi », le signifiant GERBE vient à la place du Nom propre du
vieil homme (BOOZ) qui se trouve aboli là où il aurait dû se trouver. Booz chassé ailleurs et
passé à l’étage du signifié reste en relation métonymique avec le reste du texte alors que
« gerbe » qui a pris sa place se trouve « forcé » dans un contexte métonymique (celui de
l’énoncé) qui n’est pas, reconnaissons le, l’un de ses contextes habituels. On perçoit bien
dans cet exemple qu’il n’y a justement aucune relation de similarité entre Booz et la gerbe
qui l’évince de sa place ; c’est en quoi, entre autres, nous ne pouvons considérer ici la
métaphore à la manière de Jakobson selon l’axe d’une sélection. C’est bien la rencontre de
ces deux métonymies dont on voit comment elle enserre la phrase par l’opération de
substitution du signifiant qui produit la création du sens ; le sens jaillit avec le signifiant lui-
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même dans la généreuse fécondité de la gerbe ; évidemment on touche là à la question de
la paternité pour ce vieil homme dont la question se pose pour Ruth auprès de lui : qu’il
puisse ou non avoir encore une descendance. C’est le signifiant Booz qui, à l’étage du
signifié, maintient ce champ de signification qu’est la paternité par son lien métonymique
(contextuel) avec le reste de la phrase. C’est dans ce champ que la « gerbe » peut produire
son effet de sens… Mais tout autant le sens peut, passé l’instant de cet éclair, retomber dans
le non sens de la gerbe, bête à manger comme du foin (comme disait Lacan), n’ayant plus
rien à faire avec l’avarice ou la haine… La métaphore illustre dés lors à rebours comment le
sens peut-être créé à partir du non sens par le jeu simplement du seul signifiant réglé par les
lois du langage. De la même façon qu’une métaphore peut se défaire en filant vers le non
sens le symptôme qui en est fait (de l’opération métaphorique) peut se défaire des suites de
l’interprétation. (Ajoutons concernant le sens que pour compléter les dimensions de l’être
parlant pour Lacan nous rencontrons ici l’Imaginaire en tant que le sens se situe à
l’intersection de la dimension Symbolique et de la dimension Imaginaire ; la troisième
dimension, que nous avons évoquée, étant celle du Réel qui, lui, reste hors sens).
Cette opération métaphorique, dans son utilisation poétique, est le fait du choix du poète
qui va cueillir un signifiant, dans un « voisinage » étranger à celui constitué temporairement
par l’énoncé, pour l’insérer à l’endroit même où un autre avait sa place. Il en va autrement
lorsque dans l’ICS cette opération intervient au service du refoulement dans la rencontre de
deux chaînes associatives « qui n’avaient rien à faire ensemble » : il s’agit bien alors d’une
« Condensation » au sens freudien. Le signifiant qui vient alors à la place où le pousse
l’opération métaphorique va apparaître (contrairement à la poésie) d’abord dans le non-
sens: car il doit être déchiffré pour retrouver le sens qui s’y trouve maintenu encore dans
l’inconscient. Ainsi c’est la rencontre de chaînes associatives différentes, donc de
métonymies, qui par des effets de dislocation et de recomposition liés à cette collision va
produire un signifiant nouveau et inattendu se substituant à celui qui pouvait être
attendu: c’est cela une condensation dont l’opération appelée « Métaphore » est
responsable. Le fameux « mot » « famillionnaire » rapporté par Freud en constitue un bel
exemple. Il va surprendre Hirsch Hyacinthe, parlant de la façon dont il fut reçu par Salomon
Rothschild, au moment de prononcer le mot « familière » alors qu’erre quelque part dans
son inconscient celui de « millionnaire » : deux chaînes associatives (l’une prononcée l’autre
inconsciente) se rencontrent et donnent au niveau du télescopage ce signifiant embouti,
nouveau, porteur de ce qui fonctionne comme un trait d’esprit. Vous apercevez qu’il est
composé d’éléments signifiants d’abord dissociés de deux signifiants différents puis
recomposés :

:

Fa                                                        .er (familière)
.                           .MIL(L)I                                                                                 >>> famillionnaire
.                                                          .onnaire (millionnaire)

C’est le signifiant « MILI » (sans aucun sens) qui provoque la rencontre de deux
groupements associatifs cad de deux voisinages (celui de familière et celui de millionnaire).
Le signifiant nouveau surgissant comme un mot d’esprit résulte d’une recomposition par
condensation des fragments signifiants résultant de cette collision. Notons qu’à partir de cet
exemple du fonctionnement du signifiant on perçoit évidemment que le signifiant n’est pas
le mot. Non seulement il est hors sens en tant que tel mais de plus il doit être conçu dés le
niveau le plus élémentaire du phonème (Mili n’est pas un mot).
Au niveau des groupements associatifs dans l’ics, cad des voisinages, les signifiants n’ont pas
d’ordre défini. Le système ordonné des places apparaît avec la temporalité dans la chaîne
signifiante effectivement prononcée selon les règles de la syntaxe. Les lois de
fonctionnement du langage s’articulent à ce système ordonné des places. La relation du
signifiant à la place est essentielle. Qu’est-ce qui vous permet de dire que sur le rayon d’une
bibliothèque un livre manque si ce n’est qu’il devrait être là ? En effet il ne saurait manquer
dans l’absolu. De même un signifiant peut manquer à sa place. C’est bien ce qui arrive dans
le cas du président Schreber. Le signifiant qui fait défaut et ne permet donc pas le
« capitonnage » est dans ce cas un signifiant primordial : il s’agit de ce que Lacan appelle le
Nom-du-Père. Ce dernier n’est pas venu à l’existence à la place où il fut appelé dans l’ICS du
Sujet. C’est ce que Lacan nommera forclusion, à l’origine de la psychose. Car le Nom-du-Père
est responsable d’une opération métaphorique que j’ai évoquée plus haut autour de la
fonction paternelle dans le complexe d’OEdipe. La métaphore paternelle substitue au
Signifiant du Désir Maternel dont le signifié reste pour l’enfant énigmatique (cad dont le
sens reste absolument inaccessible) le Nom-du-Père qui introduit, en évinçant ce signifiant,
la signification phallique dans l’ICS du sujet. Ainsi le Phallus devient le terme du Désir de
l’Autre maternel. Je vais ici écrire cette métaphore selon les représentations déjà utilisées :

ndp

La signification produite introduit le Phallus comme terme du Désir dans l’ICS du sujet. La
castration signifie que ce terme va désigner un signifiant manquant. Venant donc à cette
place où le sujet attendez du signifiant la réponse à la question de son être. Dés lors c’est de
ne pas l’avoir que le sujet est poussé vers cette longue quête au travers de la métonymie
du désir, de métaphore en métaphore qui ne laisseront que la trace de ce qui toujours fera
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défaut. Ainsi Lacan peut-il écrire : « Car le symptôme est une métaphore, que l’on veuille ou
non se le dire, comme le désir est une métonymie même si l’homme s’en gausse ».
C’est l’absence ou l’échec de cette opération métaphorique qui se trouve mis en jeu dans la
psychose. D’autres écritures sont possibles mais je laisse le soin à G. Verdiani de vous en
parler plus longuement lors de la session de juin.
J.-C Molinier