Séminaire de Préparation du Séminaire d’hiver 2016, La technique psychanalytique de Freud 1/3

Rafaëlle Rolain et Lucille Lignée : Préparation du séminaire d’hiver Séance 1

Dans le cadre de la préparation du séminaire d’hiver qui a eu lieu en janvier 2016 sur La technique psychanalytique de Freud, nous avons travaillé durant 3 séances (octobre, novembre et décembre) sur ces textes de Freud que nous avions regroupés de la façon suivante :

Lors de la 1ère séance, à partir des textes La méthode psychanalytique de Freud (1904), De la psychothérapie (1904), A propos de la psychanalyse sauvage (1910), Conseils aux médecins sur le traitement analytique (1912) et Le début du traitement (1913), nous avons abordé la question de la mise en place par Freud de la psychothérapie analytique et des premiers principes de sa technique. La 2ème séance a été plus spécifiquement centrée sur le transfert à partir des deux textes Sur la dynamique du transfert (1912) et remarques sur l’amour de transfert (1915). Enfin, nous avons consacré la 3ème séance au texte Répétition, remémoration et perlaboration (1914). Nous publions ici les trois textes qui nous ont servi de support de travail au cours de ces trois séances qui ont été ponctués d’échanges très fructueux avec les participants, échanges qui malheureusement ne se trouvent pas retranscrits.

Dans l’après-coup du séminaire d’hiver, une quatrième séance a eu lieu, à partir de nos notes, et de nos impressions, afin de rapporter aux participants de notre séminaire quelque chose des élaborations des intervenants au Séminaire à Paris. Nous publions donc également notre transcription de certaines de ces interventions que nous avons pu enregistrer.

 

Définition de la psychothérapie analytique

A partir des textes :

La méthode psychanalytique de Freud (1904)

De la psychothérapie (1904)

A propos de la psychanalyse sauvage (1910)

Conseils aux médecins sur le traitement analytique (1912)

Le début du traitement (1913)

Dans les « Etudes sur l’hystérie », on trouve cette remarque de Freud : « j’ai très souvent entendu mes malades m’objecter quand je leur promettais un secours par le procédé cathartique, « Mais vous dites vous-même que mon mal est en rapport avec les circonstances de ma vie, avec mon destin. Alors comment pourriez-vous m’aider ? » J’ai alors donné la réponse suivante « Certes il est hors de doute qu’il serait plus facile au destin qu’à moi-même de vous débarrasser de vos maux, mais vous pourrez vous convaincre d’une chose, c’est que vous trouverez grand avantage, en cas de réussite à transformer votre misère hystérique en malheur banal. Avec un psychisme redevenu sain vous serez plus capable de lutter contre ce dernier ».

On retrouve dans cette conclusion à la fois l’humilité de Freud, chercheur qui se remet en permanence en question, et sa force de conviction dans la puissance de la technique psychanalytique. Cette étrange enchevêtrement du doute (sur la technique, les concepts théoriques) et de certitude (sur le déterminisme inconscient), donne toute son originalité et sa vitalité au travail freudien que l’on retrouve tout autant dans la technique psychanalytique.

Si on peut lire ces textes comme un certain aboutissement de toutes les découvertes précédentes, nous devons aussi tenir compte du contexte du mouvement psychanalytique. De 1901 à 1914, le mouvement va à la fois croître internationalement et pourtant connaître de graves dissensions internes.

Freud à travers ces textes s’adresse tout à la fois au monde scientifique pour faire reconnaître la psychanalyse mais aussi à ses propres collaborateurs pour enrayer leurs dérives respectives.

En 1901 : c’est le premier regroupement de médecins pour apprendre et transmettre la psychanalyse, ça se passe chez Freud, il est entouré de Reitler et de Steckel (grave névrosé qui se fera soigner par Freud). O. Rank les rejoint. Le nom premier est « société psychologique du mercredi ».

En 1904 : de plus en plus d’élèves viennent à la société. Freud fait cet oubli sur l’Acropole « ainsi tout cela existe vraiment, comme nous l’avons appris à l’école » ce qui l’avait empêché de profiter pleinement de son voyage était la culpabilité d’avoir réussi mieux que son père. Car en effet en cette année 1904, Freud est rassuré dans sa réussite et dans le texte de « De la psychothérapie » on entend son contentement.

En 1908 : création de la société psychanalytique de Vienne.

Mais pour autant tous les gens qui le rejoignent sont d’une grande diversité, ceux sont surtout des gens qui croient en Freud et en ses intuitions. Il reconnaît que la formation de ces premiers psychanalystes n’est pas de grande qualité : « je n’osais pas imposer une technique encore inachevée et une théorie en continuelle formation avec cette autorité qui eut probablement épargné aux autres bien des erreurs et des déviations aujourd’hui définitives. La psychanalyse aurait du exiger une longue et sévère discipline, une éducation en vue d’une maîtrise de soi-même. A cause du courage qu’il fallait pour se dévouer à une cause frappée d’un tel interdit et ayant si peu d’avenir devant elle, j’inclinais à passer aux membres de l’Association bien des choses qui, autrement, m’eussent profondément choqué. » (Tome X œuvres complètes.)

Ses meilleurs élèves, ceux qu’il va soutenir corps et âme, particulièrement Jung (qui lui avait ouvert les portes de la Suisse et la reconnaissance de Bleuler), vont le décevoir car ils s’écartent des fondements de la psychanalyse que Freud les résumera dans le « Manuel de psychanalyse » en 1926 :

-l’existence de processus psychiques inconscients

-la théorie de la résistance et du refoulement

-l’appréciation du rôle de la sexualité et du complexe d’Œdipe

« [Ceux-ci] sont les principaux contenus de la psychanalyse et les fondements de sa théorie. Quiconque ne les accepte pas ne devrait pas se compter parmi les psychanalystes »

Adler, lui, évacue le problème de la sexualité dans la névrose pour donner la primauté aux problèmes organiques, il quitte la société psychanalytique de vienne en 1911

Jung désexualise l’inconscient individuel et le noie dans un inconscient collectif teinté de mysticisme et d’ésotérisme, il quitte la société en 1913 comme Steckel.

Rank évacue le complexe d’Œdipe pour résumer le drame humain à celui de la naissance.

Freud explique ces dissensions par les résistances inconscientes des premiers analystes, c’est ce qui le pousse à imposer une analyse didactique à tous les praticiens. Mais c’est aussi le fonctionnement paternaliste et autoritaire de Freud qui est sans doute en cause : la résistance était des deux côtés !

Ceci nous montre combien nous devons travailler les concepts de manière diachronique et synchronique. Comment on ne peut parler des concepts sans parler des patients et du psychanalyste. Comment on ne peut généraliser sans faire le détour par le singulier.

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DE LA PSYCHOTHERAPIE 1904

Freud est heureux de pouvoir affirmer que sa théorie sur l’hystérie et l’inconscient a fait consensus en particulier sur deux points :

Théorie du refoulement : les traumatismes psychiques provoquent une rétention d’affect que constitue le refoulement

Théorie de la conversion hystérique : le symptôme hystérique résulte d’un émoi transposé au somatique

En revanche la technique psychanalytique n’est pas vraiment observée elle est même critiquée. Freud tente alors d’expliquer en quoi sa technique est le seul moyen efficient pour atteindre l’inconscient. Il souhaite le démontrer scientifiquement car son objectif est bien de faire de la psychanalyse une science. ( l’on y reviendra plus loin)

Le médecin est au cœur du processus thérapeutique et cela depuis des millénaires par l’effet de la suggestion. Mais Freud pense que la suggestion, si elle permet de supprimer parfois les symptômes, n’est pas suffisante. C’est pourquoi il a choisi la méthode cathartique de Breuer qu’il appelle : psychothérapie analytique

Elle est pour lui la méthode la plus évoluée pour :

  • atteindre la couche la plus profonde du psychisme

  • permettre une modification plus durable

  • donner une meilleure connaissance du psychisme

1-la psychothérapie psychanalytique versus la catharsis : abandon de l’hypnose et de la suggestion

  • elle se sépare de l’hypnose et de la suggestion parce que ces deux techniques ne se préoccupent ni de l’origine, ni de la force, ni de la signification des symptômes (elles veulent aller directement au symptôme), elles ne sont pas vraiment efficaces car le symptôme se déplace et elles nous interdisent tout savoir sur le jeu des forces psychiques et la résistance du malade qui lui s’accroche à sa maladie

La psychanalyse :

  • elle ne cherche pas à ajouter des choses nouvelles dans le psychisme du patient

  • elle connaît le rôle de la suggestibilité des névrotiques et le médecin doit être d’autant plus vigilant avec la suggestion

  • elle veut extirper les liens à l’idée pathogène

  • elle se préoccupe de la genèse des symptômes et c’est donc une méthode longue

  • elle s’intéresse aux résistances du patient pour comprendre d’où est né son comportement

Dans « conseil aux médecins » 1912, Freud reprend pourquoi la suggestion n’est pas une technique efficiente. Il parle assez librement de toutes les tentatives du médecin pour soutirer des informations, des souvenirs, des associations à son patient en particulier en parlant de ses propres conflits, se mettre lui aussi à faire des confidences au patient. Cette suggestion est contre-productive :

  • elle pousse le patient à évoquer plus tôt des choses qu’il aurait tues

  • elle ne marche que sur le conscient donc sur ce qui ne nous intéresse pas

  • elle renforce l’impuissance du patient à vaincre ses résistances

  • elle renforce le lien affectif au médecin et rend difficile la liquidation du transfert

  • elle invite le patient à penser que l’analyse du médecin est plus intéressante que la sienne

Freud indique en quoi son changement technique vient de son expérience clinique et en quoi cette évolution clinique revient interroger la théorie autrement. La théorie et la clinique s’interpénètrent et sont indissociables. En effet c’est à partir des différents cas de « Etudes sur l’hystérie » que Freud a buté contre les limites de la méthode cathartique, ainsi c’est aussi dans ce recueil nous trouvons déjà en germe la naissance de la technique psychanalytique.

Dans « psychothérapie de l’hystérie » : «  je doute fort maintenant de l’efficacité de l’hypnose dans les cures cathartiques, après avoir constaté l’échec thérapeutique total de traitements où le patient se montrait parfaitement obéissant pendant le sommeil hypnotique ».

La technique de la libre association débute dès 1892 à la demande d’une malade qui lui demanda de ne pas interrompre le cours de ses pensées. Cette technique va devenir la spécificité de la psychanalyse. En 1893 il écrit en français dans « Etiologie des névroses « je dois mes résultats à l’emploi d’une nouvelle méthode de psychoanalyse »

Quant au transfert c’est par son ami Breuer qu’il va le découvrir. Ce dernier est très embarrassé avec l’analyse d’une de ses patientes, Anna.O. Elle est tombée amoureuse de lui. Breuer y croit vraiment et Freud lui se rend compte que cet amour pour le psy relève strictement de la situation thérapeutique. Il va dès lors s’intéresser à tout ce qui va entraver la guérison, ce qui fait obstacle. Déjà dans les Etudes sur l’hystérie «  le transfert au médecin se réalise par une fausse association…..dans cette mésalliance, à laquelle je donne le nom de faux rapport, l’affect qui entre en jeu est identique à celui qui avait jadis incité ma patiente à repousser un désir interdit. Depuis que je sais cela, je puis, chaque fois que ma personne se trouve ainsi impliquée postuler l’existence d’un transfert et d’un faux rapport. Chose bizarre les malades sont en pareil cas toujours dupes ».

Cette prise en compte désormais des résistances dans « la technique psychanalytique » peut être entendue à différents niveaux, on pourrait presque dire à différentes surfaces, qu’il s’agisse de celle du psychisme du patient, de celle de l’analyste dans la cure, de la famille, du chercheur qu’est Freud dans sa le cheminement de sa découverte, des autres analystes, de la société face à la découverte psychanalytique

La méthode cathartique définition de Laplanche et Pontalis : 1880-1895

« Méthode de psychothérapie où l’effet thérapeutique cherché est une purgation, une décharge adéquate des affects pathogènes. La cure permet au sujet d’évoquer et même de revivre les évènements traumatiques auxquels ces affects sont liés et d’abréagir ceux-ci ».

Freud : « on supposait que le symptôme hystérique prenait naissance lorsque l’énergie d’un processus psychique ne pouvait arriver à l’élaboration consciente et était dirigé vers l’innervation corporelle (conversion)…La guérison était obtenue par la libération de l’affect dévié et sa décharge par des voies normales (abréaction) »

La méthode cathartique vise à canaliser le quantum d’affect utilisé à entretenir le symptôme qui s’était fourvoyé sur de fausses routes et s’y était pour ainsi dire coincé, vers des voies normales par lesquelles il peut être déchargé (abréagi).

L’élucidation du processus cathartique est inséparable de la mécanique de l’affect. L’affect peut être réveillé, répété car il a été conservé, il doit être libéré déchargé ou abréagi selon des voies normales mais il peut être entravé, bloqué, coincé. Il est lié à un souvenir, à des images auxquelles il est attaché précisément parce que la réaction du sujet n’a pas été adéquate. La réaction peut trouver dans le langage un équivalent de l’acte, équivalent grâce auquel l’affect peut être abréagi. L’acte, les larmes, les paroles, les plaintes constituent les voies par laquelle l’affect se dissipe ou disparaît dans son potentiel nocif.

Le procédé cathartique reposait essentiellement sur l’élargissement de la conscience par l’hypnose, Freud utilisait l’hypnose pour supprimer le symptôme en replaçant le sujet dans l’état psychique où le symptôme était apparu la première fois.

Rapidement il s’en sert pour induire la remémoration en réintroduisant dans le champ de la conscience des expériences sous-jacentes aux symptômes mais oubliées, refoulées par le sujet. Ces souvenirs ré-évoqués, voire revécus avec une intensité dramatiques fournissent au sujet l’occasion d’exprimer, de décharger les affects qui originellement liés à l’expérience traumatisante avaient été réprimés.

Freud renonce ensuite à l’hypnose en lui substituant la simple suggestion (pression de la main sur le front du malade) destinée à convaincre le patient qu’il va retrouver le souvenir pathogène. « Quand les malades prétendaient ne plus rien savoir, je leur affirmai qu’ils savaient, qu’ils n’avaient qu’à parler et j’assurai même que le souvenir qui leur reviendrait au moment où je mettrai la main sur le front serait le bon. De cette manière, je réussis sans employer l’hypnose, à apprendre des malades tout ce qui était nécessaire pour établir le rapport entre les scènes pathologiques oubliées et les symptômes qui en étaient les résidus. Mais c’était un procédé épuisant………..Je ne l’abandonnai pourtant pas sans avoir tiré les conclusions décisives : la preuve était faite que les souvenirs oubliés ne sont pas perdus, qu’ils restent en possession du malade, prêts à surgir, associés à ce qu’il sait encore. Mais il existe une force qui les empêche de devenir conscients. Cette force qui maintient l’état morbide, on l’éprouve comme une résistance opposée par le malade »  »

Puis enfin il abandonne la suggestion pour se fier simplement aux associations libres du malade. Il s’agit du même objectif mais la technique change car désormais Freud théorise autrement la cure à partir du transfert, des résistances et de la perlaboration. L’abréaction n’est plus le ressort majeur du traitement.

« Je m’accrochais à un principe …celui du déterminisme psychique. Je ne pouvais pas me figurer qu’une idée surgissant spontanément dans la conscience d’un malade éveillée par la concentration de son attention, puisse être tout à fait arbitraire et sans rapport avec la représentation oubliée que nous voulions retrouver. Qu’elle ne lui fut pas identique, cela s’expliquait par l’état psychologique supposé. Deux forces agissaient en lui l’une contre l’autre ; d’abord son effort réfléchi pour ramener à la conscience les choses oubliées mais latentes dans son inconscient ; d’autre part la résistance que je vous ai décrite et qui s’oppose au passage à la conscience des éléments refoulés.

Si cette résistance est nulle ou très faible, la chose oubliée devient consciente sans se déformer; on était donc autorisé à admettre que la déformation de l’objet recherché serait d’autant plus grande que l’opposition à son arrivée à la conscience serait plus forte. L’idée qui se présentait à l’esprit du malade à la place de celle qu’on cherchait à rappeler avait donc elle-même valeur de symptôme. C’était un substitut nouveau, artificiel et éphémère de la chose refoulée et qui lui ressemblait d’autant moins que sa déformation, sous l’influence de la résistance, avait été grande…. L’idée surgissant dans l’esprit du malade est, par rapport à l’élément refoulé, comme une allusion, une traduction de celui-ci dans un autre langage ……………………..

Si, pour rechercher un complexe refoulé, nous partons des souvenirs que le malade possède encore, nous pouvons y parvenir à condition qu’il nous apporte un nombre suffisant d’associations libres. Nous laissons parler le malade comme il lui plait, conformément à l’hypothèse d’après laquelle rien ne peut lui venir à l’esprit qui ne dépende indirectement du complexe recherché…. Quand le malade dit qu’il ne lui vient plus rien à l’esprit …Les associations paraissent suspendues parce que le malade retient ou supprime l’idée qu’il vient d’avoir sous l’influence des résistances… (d’ou l’obligation de tout dire)

La ou il y a résistance il y a retour du refoulé qui essaie de se frayer un chemin, plus la résistance est forte plus on touche quelque chose d’important.

Freud abandonne l’hypnose qui court-circuite les résistances du moi par la suggestion, il crée l’analyse comme méthode tenant compte des résistances du sujet, il ne cherche plus à réactiver les affects concomitants des évènements dont le souvenir est enfoui mais se centre sur le travail à opérer sur les défenses qui ont favorisé, voire contribué à oublier ces évènements. C’est sur la personne du médecin que les affects vont se reporter.

Il s’agira alors d’analyser les obstacles qui viennent entraver la guérison en tant que résistance qu’il s’agisse de refoulement ou de transfert.

Freud n’a eu de cesse de modifier sa technique, il a abandonné l’électrothérapie, la cocaïne, l’hypnose, la suggestion et maintenant il est capable de d’affirmer que la psychanalyse repose sur l’association libre. C’est-à-dire «  l’invention d’un nouveau rapport à l’autre par la parole » (C. Lacôte)

2-l’hypothèse de l’inconscient en psychanalyse

Ici en 1904 Freud tient pour acquis ce lieu de l’inconscient qu’il démontre depuis 10 ans et qui a aboutit dans ce qui sera appelée la première topique : 3 localités fondent l’appareil psychique : inconscient-préconscient-conscient, qui ont chacun une fonction propre, des processus spécifiques, et des représentations singulières.

Freud n’a eu de cesse de vouloir formaliser l’inconscient, de le définir en dehors de la philosophie, de la neurologie et du mystique. « Nous éviterons soigneusement la tentation de déterminer anatomiquement en aucune façon la localité psychique » (in La science des rêves) 

L’inconscient Freudien, individuel, sexuel et refoulé est « un lieu conceptuel, une construction logique pour rendre compte avant tout des pulsions, conflits, angoisses, mécanismes de défenses, créations symptomatiques qui sont le lot de la nature humaine. Ceci en ce qu’elle est par définition vouée à élaborer des compromis entre exigences pulsionnelles, à la racine de ses raisons de vivre et les nécessités de la vie collective, impliquant retenue et renoncement, sans lesquelles il n‘est pas question de survivre ».

C. Lacôte écrit : « la fécondité du concept d’inconscient ne relève pas d’une vérification de ses droits d’hypothèses, c’est une notion opératoire d’elle-même ; il n’y a pas de séparation entre méthode et objet et c’est pour cela que la cure psychanalytique peut faire tenir ensemble ce que la philosophie tenait pour séparé : le savoir et l’inconscient, le refoulé et son retour à la conscience, l’invention et la répétition »

Dans les Etude sur l’hystérie, c’est un inconscient en 3 D que Freud décrit avec un noyau pathogène inaccessible et des strates successives au travers lesquels les représentations vont essayer de se frayer un chemin en s’associant à d’autres représentations.

Dans l’« Esquisse d’une psychologie» en 1895, Freud essaye de traduire des faits cliniques, psychiques en faits neurologiques. Ici l’appareil psychique est conçu comme un système d’investissement de quantités d’excitations qui doivent trouver une issue pour revenir à un état d’homéostasie nommé plaisir. Ici il pose déjà 3 espaces différents : conscient – préconscient-inconscient, régis par des processus différents : primaire pour l’inconscient (perception et jugement primaire sur la réalité et décharge immédiate) et des processus secondaires (pensée et décharge retenue) pour le conscient. Le hiatus entre les deux types de processus est le langage et explique une mémoire inconsciente. Ce schéma neurologique vise à mettre en exergue la mécanique de ce qui met à part, ce qui est rendu inaccessible à la conscience à savoir le refoulement. Il y insiste sur l’aspect quantitatif des excitations afin de mettre en continuité le normal et le pathologique.

Enfin ce modèle neurologique pourrait être d’emblée entendu comme psychanalytique car il n’y est pas question ici de mauvais fonctionnement pour la pathologie ou de fonctionnement idéal, il s’agit déjà de coupure irréductible, d’une hétérogénéité entre inconscient et conscient, division avec laquelle chaque être humain doit tricoter quelque chose.

Dans la lettre 52 à Fliess en 1896, Freud y définit la mémoire :

-perception et mémoire s’excluent

-la perception –signe correspond aux premières inscriptions puis sont réinscrites dans l’inconscient dans un rapport de causalité avec d’autres représentations (soumises au principe de plaisir et à l’identité de perception) ; il y a plusieurs feuillets d’inscriptions.

– l’inconscient ne sera jamais accessible à la conscience dans sa forme originaire. Les inscriptions inconscientes, ces traces ne pourront devenir conscientes que si elles subissent une réécriture avec le matériau des mots (représentation de mot en opposition aux représentations de choses / soumis au principe de réalité et à l’identité de pensée) en passant par la censure du préconscient.

La question de l’atemporalité des processus primaires qui régissent l’inconscient y est déjà mise à jour, l’inconscient est du côté de l’espace, de la surface d’inscription, des lieux, à la différence de la conscience qui est du côté de la temporalité.

Dans « L’interprétation des rêves » :

Freud confirme cette première topologie. Il y affirme que le refoulement est constitutif de l’inconscient. « L’inconscient est le psychique lui-même et son essentielle réalité. Sa nature intime nous est aussi inconnue que la réalité du monde extérieur et la conscience nous renseigne sur lui d’une manière aussi incomplète que nos organes des sens nous renseignent sur le monde extérieur »

En conséquence, l’action générale de la psychanalyse repose sur le fait que « les représentations inconscientes sont la cause immédiate des symptômes morbides »

(Les nouvelles voies de la thérapeutique)

Les psychonévroses représentent des satisfactions substituées et déformées d’instinct dont on se doit de nier l’existence à soi et aux autres l’existence

L’existence des névroses repose sur une déformation et sur un déguisement mais une fois l’énigme résolue et la solution admise par ces malades ces états morbides ne peuvent plus persister

L’analyse opère par la traduction de cet inconscient en conscient qui supprime alors la contrainte du refoulement

La « traduction en conscient d’un émoi pulsionnel jusqu’alors inconscient aura toujours un effet somatique moins dangereux que celui provoqué par un émoi inconscient car l’état de conscience permet une meilleure maîtrise des pulsions ».

3-Le travail des résistances

Freud constate qu’il ne suffit pas communiquer au patient le sens de son symptôme pour que le refoulement soit levé. Ainsi la technique évolue : si au début il s’agissait d’expliquer les symptômes et découvrir les complexes, la psychanalyse en 1904 cherche à découvrir les résistances et à les écarter.

Freud dès les Etudes sur l’hystérie évoque ce concept de résistance, il constate que plus on s’approche de l’inconscient, du noyau pathogène, plus la résistance est forte et empêche la remémoration. La résistance est ici inconsciente et réglée par sa distance au refoulé.

Mais plus généralement les résistances sont tous les actes et paroles du sujet qui s’opposent à l’accès de celui-ci à son inconscient. Pour Freud, ce sont les mêmes forces qui créent le refoulement et la résistance. Il ne s’agit plus de forcer les résistances mais de travailler avec, car elles nous apprennent des éléments sur la force du refoulement, sur les représentations refoulées.

Ainsi la psychanalyse est longue, il ne s’agit pas seulement de faire dire au patient des choses comme dans une psychothérapie simple reposant sur la remémoration et l’abréaction (libération de l’affect). Il s’agit de chercher l’origine des symptômes. Il faut que le sujet fasse cette découverte lui-même, en passant par les résistances.

La résistance apparaît donc aussi comme un moyen de défense du côté du conscient, du moi. Freud évoque plusieurs types de résistance : les bénéfices secondaires de la maladie, le transfert, le refoulement

a- Résistance et sexualité

« La psychanalyse est une rééducation qui enseigne à vaincre les résistances intérieures en particulier sur la sexualité »

Freud défend donc son idée que l’étiologie des névroses repose sur la sexualité et que la névrose repose sur le conflit entre le besoin sexuel et le refoulement. « En ce qui me concerne tout au moins je ferai observer que je n’avais aucune idée préconçue touchant l’importance du facteur sexuel dans l’étiologie des névroses. Les deux chercheurs dont j’étais l’élève quand je commençais à étudier ce sujet, Charcot et Breuer étaient bien loin d’une pareille supposition, au contraire ils avaient une répugnance personnelle pour cette idée qui au début m’inspirait les même sentiments » Œuvres complètes tome 1, 435

Il sait bien que c’est ce qui ne passe pas bien auprès du public et ce sera confirmé par le tollé général quand il publie « 3 théories de la sexualité » l’année d’après. Et pourtant il ne lâche pas son hypothèse, il donne des exemples assez crus. Il y tient car c’est ce qu’il entend chez ses patientes.

Dans « A propos de la psychanalyse sauvage », Freud essaye de spécifier la sexualité en psychanalyse il parle de « psychosexualité » «…appartiennent à la sexualité toutes les manifestations des sentiments tendres découlant de la source des émois sexuels primitifs, même lorsque ces émois sont détournés de leurs buts sexuels originels ou qu’un autre but non sexuel est venu remplacer le premier ». Ainsi il explique qu’un manque de satisfaction psychique peut exister là où les relations sexuelles ne font pas défaut car les aspirations sexuelles insatisfaites (qui trouvent une satisfaction substitutive dans les symptômes névrotiques) ne trouvent pas de débouchés dans le coït ou d’autres actes sexuels. Le sexuel ne se résume pas au génital.

La psychanalyse ne dit pas seulement que l’insatisfaction sexuelle provoque des troubles nerveux, elle dit quelque chose de plus complexe, soit que le symptôme nerveux est issu d’un conflit entre une libido (devenue trop puissante) et une aversion exagérée pour la sexualité ou refoulement.

b- Résistance et société

Si l’analyste doit se battre contre lui-même, contre les résistances du patient, il doit aussi tenir compte de la révolution que provoque la psychanalyse. C’est la troisième blessure pour l’humain : un : la terre tourne autour du soleil / deux : l’homme descend de l’animal / trois : l’homme est déterminé par un inconscient dont il n’est pas le maître. « La vérité la plus blessante finit toujours par être perçue et s’imposer, une fois que les intérêts qu’elle blesse et les émotions qu’elle soulève ont épuisé leur virulence…les vérités rebutantes, que nous autres psychanalystes devons révéler au monde subiront le même destin » (Perspectives d’avenir de la thérapeutique)

Freud en proposant la psychanalyse fait acte révolutionnaire ; la psychanalyse n’est pas une morale, une philosophie, c’est un acte de libération du sujet face à sa propre construction mais aussi face au social.

Dans « Perspectives d’avenir de la thérapeutique » Freud souligne très bien les résistances du social à l’égard de la psychanalyse « la société ne se hâtera pas de nous conférer une autorité, il faut bien qu’elle nous oppose une résistance puisque nous adoptons à son égard une attitude critique ». La psychanalyse n’est pas reconnue socialement car le discours qui la soutient lutte contre le refoulement imposé par la société, contre le besoin d’autorité du sujet et du social, contre la crainte qu’a la société envers tout individu autonome. La psychanalyse attaque le social : «  parce que nous détruisons les illusions, on nous accuse de mettre en péril les idéaux ».

Freud espère qu’un jour on pourrait avancer vers une psychanalyse de masse grâce à l’adhésion de la société à l’hypothèse de l’inconscient. Freud est convaincu de l’utilité publique de la psychanalyse et il milite fortement en ce sens : « les bénéfices de la maladie apportés par la névrose ne se réalisent en fin de compte qu’au détriment de l’individu comme de la collectivité…toutes les énergies gaspillées dans la productions de symptômes névrotiques, et cela afin d’obéir aux desseins d’un monde fantasmatique isolé du réel, pourront contribuer…à renforcer l’aspiration à ces transformations de notre civilisation, seules capables, croyons-nous, d’apporter le salut aux générations futures. »

La psychanalyse ne travaille pas que pour la science ou ses patients, elle ouvre sur l’idée d’une nouvelle société. Freud pose quand même la question du bienfait de la disparition des symptômes.

Quand Freud ose parler de sexualité la société viennoise est conservatrice. Aujourd’hui dans notre société libérée qu’en est-il de cette question du sexuel ? La pornographie, la sexualisation du quotidien a-t-elle permis de savoir mieux y faire avec le symptôme ? Est-ce que les symptômes névrotiques ont disparu pour donner cours à d’autres formes de souffrance en acte (addiction…) Et c’est dans cette même société que la psychanalyse aujourd’hui retourne dans les limbes, que son discours devient moins audible. L’origine de la souffrance on s’en moque, on veut qu’elle n’y soit plus, le médicament, les psychotropes viennent là comme une nouvelle hypnose.

4- Conséquences pratiques : les règles psychanalytiques

a- La règle fondamentale

« Conseils aux médecins sur le traitement analytique »1912

Freud explique de façon très pragmatique les règles, les difficultés, pour tous les praticiens qui vont se lancer dans la technique psychanalytique.

La règle psychanalytique fondamentale : elle est le cadre et le révélateur mais aussi l’outil de la thérapie psychanalytique, à la fois la méthode et l’objet… Cette règle fondamentale agit comme un pivot articulant 2 espaces qui se répondent mutuellement : le psychanalyste et le patient qui doivent se libérer tous les deux de leur savoir. Quelque chose qui rappellerait une bande de Moebius organisé sous l’égide d’un seul maître, l’inconscient. La règle est fondamentale dans le sens où elle est la seule à pouvoir faire surgir l’inconscient dans une adresse à l’autre qui pourra y révéler un savoir.

 Pour le patient : « ne rien omettre de ce qui lui vient à l’esprit en renonçant à toute critique et à tout choix…il doit raconter tout ce qui lui passe par l’esprit en éliminant toute objection logique et affective qui le pousserait à choisir » Il faut dès le début faire connaître la règle à l’analysé (le début du traitement)

« Une chose encore avant que vous commenciez. Votre récit doit différer, sur un point, d’une conversation ordinaire. Tandis que vous cherchez généralement, comme il se doit, à ne pas perdre le fil de votre récit et à éliminer toutes les pensées, toutes les idées secondaires qui gêneraient votre exposé et qui vous feraient remonter au déluge, en analyse vous procéderez autrement. Vous allez observer que, pendant votre récit, diverses idées vont surgir, des idées que vous voudriez bien rejeter parce qu’elles ont passé par le crible de votre critique. Vous serez tenté de vous dire « ceci ou cela n’a rien avoir ici » ou bien « telle chose n’aucune importance » ou encore « c’est insensé et il n’y a pas lieu d’en parler ». Ne cédez pas à cette critique et parlez malgré tout, même quand vous répugnez à le faire ou justement à cause de cela. Vous verrez et comprendrez plus tard pourquoi je vous impose cette règle, la seule d’ailleurs que vous deviez suivre. Donc dites tout ce qui vous passe par l’esprit. Comportez-vous à la manière d’un voyageur qui, assis près de la fenêtre de son compartiment, décrirait le paysage tel qu’il se déroule à une personne placée derrière lui. Enfin n’oubliez jamais votre promesse d’être tout à fait franc n’omettez rien de ce qui, pour une raison quelconque, vous paraît désagréable à dire ».

C’est un contrat fragile, très rapidement le patient enfreint la règle. Le patient dit qu’ils n’a rien à raconter, Freud dit que c’est une résistance pour protéger la névrose et qu’il faut affirmer énergiquement « qu’une telle carence d’idées est impossible au début et qu’il s’agit d’une résistance à l’analyse »

Pour le médecin : « éviter de laisser exercer sur sa faculté d’observation quelque influence que ce soit et se fier entièrement à sa mémoire inconsciente ou en langage technique simple écouter sans se préoccuper de savoir si l’on va retenir quelque chose ». Le psychanalyste doit se laisser porter par l’attention flottante qui, tout en évitant la fatigue de tout retenir (Freud est très sensible à cette question de la fatigue du praticien, contraint d’analyser plusieurs patients dans une même journée 6 ou 8), permet de ne pas choisir les matériaux et surtout pas ce qui nous a frappé au risque de finalement «  trouver ce que l’on savait déjà car finalement ce serait nos propres inclinations qui dictent ce repérage ».

Le « médecin doit être en mesure d’interpréter tout ce qu’il entend afin d’y découvrir tout ce que l’inconscient dissimule et cela sans substituer au choix auquel le patient a renoncé, sa propre censure. L’inconscient de l’analyste doit se comporter à l’égard de l’inconscient émergeant du malade comme le récepteur téléphonique à l’égard du volet d’appel….l’inconscient du médecin parvient, à l’aide des dérivés de l’inconscient du malade qui parviennent jusqu’à lui, à reconstituer cet inconscient dont émanent les associations fournies »

La mémoire de l’analyste doit être portée par les associations inconscientes, ainsi si le souvenir d’un élément du discours ou de l’histoire du patient ne surgit pas c’est qu’il n’est pas encore possible de l’associer dans l’actualité.

De cette règle fondamentale découle l’inutilité voire la nocivité de la prise de note pour la pratique analytique. : « La technique psychanalytique proscrit tout moyen subsidiaire même celui de la prise de note ». « En prenant des notes on fait nécessairement dans les matériaux un choix préjudiciable, en outre on gaspille une partie de l’activité intellectuelle qui trouverait un meilleur emploi dans l’interprétation des dires de l’analysé. On peut enfreindre cette règle pour les dates, les textes de rêves… ». La prise de note ne présente pas plus d’intérêt pour les publications scientifiques « les observations psychanalytiques écrites sont entachées de cette précisions apparente dont la psychiatrie moderne nous a donné tant d’exemple. Tout en fatiguant le lecteur elles ne peuvent remplacer pour lui sa présence aux séances analytiques ». On pourrait dire qu’il n’y a de discours analytique que dans l’expérience analytique.

La prise en compte de l’inconscient que propose la psychanalyse la sépare fondamentalement de la psychiatrie et du modèle scientifique qui la sous-tend  « il ne convient pas pendant que le traitement se poursuit de procéder à l’élaboration scientifique d’un cas, d’en reconstituer la structure, d’en vouloir deviner l’évolution, d’en noter de temps en temps l’état présent comme l’exigerait l’intérêt scientifique » La psychanalyse est une pratique spécifique « les meilleurs résultats thérapeutiques s’obtiennent, au contraire, lorsque l’analyste procède sans s’être préalablement tracé de plan, se laisse surprendre par tout fait inattendu, conserve une attitude détachée et évite toute idée préconçue ». Le travail de synthèse ne peut se faire que dans l’après coup du traitement.

« Le modèle du chirurgien pendant le traitement ». Le psychanalyste doit respecter une froideur affective pour éviter de vouloir convaincre le patient par orgueil, pour ne pas se faire submerger par ses propres émotions et surtout permettre au patient d’associer le plus librement possible. «  Un chirurgien de l’ancien temps avait pris pour devise «  je le pansai Dieu le guérit », l’analyste devrait de contenter de quelque chose d’analogue ». La guérison viendra de surcroît si l’analyste se concentre bien sur son unique mission de mise à jour de l’inconscient. Finalement c’est l’acte qui compte, l’acte analytique.

L’analyste ne doit rien ajouter, suggérer, il ne doit « à la manière d’un miroir ne faire que refléter ce qu’on lui montre ».

Freud pointe toutes les tentations auquel tout médecin pourrait céder et les démonte techniquement pour montrer leur inefficacité au regard de la technique psychanalytique

Ex «  montrer au patient ses propres conflits pour l’amener par des confidences intimes, à établir des parallèles » = orgueil thérapeutique

Les conséquences en sont :

  1. inciter le patient à révéler plus tôt que prévu des choses et avec moins de difficulté n’aide pas le patient à vaincre ses résistances (suggestion)

  2. le patient veut toujours en savoir plus sur le médecin

  3. le patient va faire sienne l’analyse du médecin car il la trouve meilleure

  4. difficulté à liquider le transfert

Ex : l’orgueil éducatif : vouloir faire de son patient un homme plus remarquable à la hauteur des idéaux du médecin en le poussant à sublimer ses pulsions, en le privant de satisfactions instinctuelles plus simples

  1. le médecin «  doit être tolérant à l’égard des faiblesses de son patient et se contenter de lui redonner certaines possibilités de travailler et de jouir de la vie même s’il s’agit d’un être moyennement doué »

  2. « il faut se rappeler que bien des patients ont succombé à la maladie à cause justement de l’effort que leur a coûté la sublimation de leur instinct »

Freud rappelle dans «  les voies nouvelles de la thérapeutique » que «  nous ne cherchons ni à édifier le sort du patient, ni à lui inculquer des idéaux, ni à le modeler à notre image »

Ex : la coopération intellectuelle de l’analysé et de la famille

  • avoir un savoir psychanalytique ne sert pas le procédé de l’analyse

  • l’intellectualisation est souvent un mode de résistance à l’émergence de l’inconscient

  • ne pas donner de directive « pensez bien à cette période de votre vie » car la concentration sur quelque chose va à l’encontre de la règle fondamentale.

  • Freud n’est pas favorable à la prise en charge familiale

Question : psychanalyse et famille, les entretiens familiaux ?

b-L’analyste analysé

Dès 1904 dans « De la psychothérapie », Freud évoque la nécessité que le médecin ait fait sa propre analyse «  il doit avoir dépassé ses propres résistances en matière de sexualité ». Le psychanalyste devra pour assurer cette place de récepteur de l’inconscient du patient savoir « se servir de son propre inconscient comme d’un instrument ». Pour cela l’analyste doit avoir repéré ses propres résistances, ses propres idéaux, ses propres complexes, ce qui d’une part déformerait son propre accès à son inconscient et d’autre part induirait des sélections dans les matériaux et des déformations dans l’écoute de l’inconscient du patient. Le psychanalyste doit avoir subi « une purification psychanalytique » car « tout refoulement non liquidé constitue un point aveugle » qui l’empêchera d’accompagner ses patients plus loin que lui n’est allé mais surtout qui peuvent nuire véritablement à la santé de son patient.

Si au début Freud pense que l’auto-analyse de ses rêves suffit à devenir analyste, il prône désormais la nécessité pour chaque analyste d’avoir fait « une analyse didactique » auprès «  d’un analyste qualifié ». La encore Freud indique que le normal et le pathologique sont sous-tendus par les mêmes procédures de l’inconscient. On peut être normal et faire une analyse. Et ce travail ne finit jamais l’analyse se poursuit même quand elle est effectivement terminée, elle continue à mettre au travail.

Freud est le seul à ne pas avoir été analysé, il apparaît en cela comme l’hommoinzun, le point extérieur qui a mis en route le mouvement et soumis les autres, les descendants, à la loi. On pourrait en ce sens rapprocher cela de la passe chez Lacan (a-t-il fait la passe ?)

Cette purification est celle qui va soutenir la question du désir de l’analyste, pourquoi on veut être analyste ? Pour qui ? Il est peut être davantage question d’épurer, de lever les différents couches d’identification ?

c- « le début du traitement » 1913

Freud, très pédagogiquement, nous donne des règles pratiques sur le début du traitement.

Essai préliminaire de deux semaines : le médecin ne doit pas intervenir, laisser parler le patient pour faciliter le diagnostic pour repérer la structure du sujet (névrose ou schizophrénie), voir si le patient est apte pour ce travail

Ne pas avoir de lien avec le patient :

  • ne pas avoir suivi ce patient avec une autre technique

  • ne pas avoir de lien avec la famille

« Il faut voir naître le transfert et le voir croître pour après le démasquer »

Le temps et l’argent :

fixer avec le patient 1 heure déterminée qui sera toujours son horaire à lui-même s’il ne vient pas d’où le fait qu’il doive payer en cas d’absence ceci permet d’éviter les interruptions de traitement qui nuiraient au traitement et menaceraient «  l’existence matérielle du médecin » sauf pour les cas avérés de maladie organique.

-6 séances par semaine pour les cas les plus graves et 3 séances par semaine pour les plus légers «  la diminution des séances doit être proscrite en début de traitement »

– séance d’une heure en général sauf pour les patients qui ne parlent qu’au bout d’un long moment

– le traitement est long et exige donc « beaucoup de sacrifices… dû à l’intemporalité de l’inconscient ». Il faut en prévenir le patient dès le début du traitement. Il n’existe pas de traitement court et rapide pour soigner la névrose. « Je n’oblige pas les malades à continuer leur traitement pendant un temps déterminé » mais il faut souvent les persuader de poursuivre le traitement. Le patient voudrait que l’analyste puisse soigner tel symptôme qui le gêne le plus, mais «  certes le médecin analyste peut beaucoup, mais sans être en mesure de déterminer exactement ce qu’il arrivera à faire ». Freud fait alors une comparaison étonnante « le pouvoir de l’analyste sur les symptômes est en quelque sorte comparable à la puissance sexuelle…l’homme le plus fort capable de créer un enfant tout entier ne saurait produire… une tête ou une jambe seulement…La névrose a le caractère d’un organisme, ses manifestations partielles ne sont pas indépendantes les unes des autres, elles se commandent et coopèrent,…le sujet ne souffre jamais que d’une seule névrose ». Finalement le meilleur patient pour le psychanalyste est celui qui veut «  la guérison totale »

On retrouve ces mêmes questions aujourd’hui : les gens veulent être débarrassés de ce qui les gêne trop, mais peuvent bien se contenter du reste, les TCC assurent cette promotion du fonctionnalisme où il s’agit d’être apte pour fonctionner au travail et d’évacuer la question du mieux se connaître pour être mieux avec soi et affronter la question de son propre désir.

– le paiement des honoraires. L’argent en psychanalyse a un autre sens que la seule puissance financière « le psychanalyste s’attend à voir les gens civilisés traiter de la même façon les questions d’argent et les faits sexuels, avec la même duplicité, la même pruderie….c’est pourquoi le médecin doit traiter devant le patient des questions d’argent avec autant de franchise naturelle qu’il en exige lui-même de son patient en ce qui touche la sexualité »

Il faut un paiement à date fixe. «  En indiquant le montant de ses honoraires l’analyste a le droit d’affirmer que son dur travail ne lui permet jamais de gagner autant que d’autres médecins spécialistes ». De toute façon « rien dans la vie n’est plus onéreux que la maladie et la sottise »

Pas de traitement gratuit : il augmente en fait les résistances «  l’absence de l’influence corrective du paiement présente de graves désavantages, l’ensemble des relations échappe au monde réel, privé d’un bon motif le patient n’a plus la même volonté de terminer le traitement »

Il faut que l’analyste ait travaillé cette question de l’argent donc du sexuel de sa fonction dans sa propre économie psychique.

Le divan

-le malade doit s’étendre sur le divan et le médecin doit être assis derrière lui de façon à ne pouvoir être regardé

Freud désacralise complètement ce cérémonial en expliquant d’où il vient ; d’abord vestige de l’hypnose, ensuite réponse à une gêne personnelle « je ne supporte pas qu’on me regarde pendant huit heures par jour. », écarter toute suggestion que pourraient introduire les mimiques du visage, enfin « empêcher toute immixtion du transfert dans les associations du patient et d’isoler le transfert de telle sorte qu’on le voie apparaître à l’état de résistance »

Le choix du sujet de début : peu importe par quoi il commence, pour aider le patient on peut lui dire « avant que je puisse vous expliquer quoi que ce soit il faut que vous me renseignez, racontez-moi je vous prie, ce que vous savez sur vous-même ». En effet car ce qui prime c’est la règle fondamentale.

d- le public

Dans le texte « De la psychothérapie », Freud évoque les contre-indications à l’analyse. Ne peuvent suive ce traitement :

-ceux qui n’ont pas un degré suffisant d’éducation

-ceux qui portent une dégénérescence

-ceux qui n’ont pas de demande personnelle

-ceux qui présentent une psychose, des états confusionnels actuels

-ceux qui ont plus de 50 ans

-ceux qui présentent des symptômes ayant un diagnostic vital (anorexie)

Tout au long des articles Freud évolue sur la question de ceux qui pourraient bénéficier de la psychanalyse. Si au début il réduit le public aux classes riches « nous découvririons que les pauvres encore moins que les riches ne sont disposés à renoncer à leur névrose du fait de la dureté de leur existence » (Les voies nouvelles de la thérapeutique). Ainsi les pauvres se heurtent d’abord à leur refus de céder sur leur névrose et ensuite à leur impossibilité de payer. Cependant Freud indique dans « Le début du traitement » : « on rencontre parfois des gens qui sans en être responsable sont dans la détresse et pour lesquels un traitement gratuit ne se heurte pas aux mêmes obstacles et obtient des résultats heureux » Au fur et à mesure il ouvre la question aux classes pauvres «  pour eux il faudrait mêler l’or de la psychanalyse à une quantité de plomb de suggestion directe » et créer « une psychothérapie populaire », «  ouvrir des cliniques gratuites »

Freud alors nous invite à penser la psychanalyse comme un outil que l’on pourrait adapter en fonction des publics.

e- la pathologie

La technique doit s’adapter à la pathologie

Ex de la phobie : il faut lever la phobie pour travailler l’angoisse et obtenir du matériel associatif mais le symptôme ayant une fonction de protection, il ne faut le lever que quand le patient est prêt à supporter de l’angoisse.

On pourrait alors évoquer la question des TCC, est-ce que Freud se serait intéressé à ces techniques pour abaisser l’angoisse ?

Ex de la névrose obsessionnelle : le risque est une prolongation sans fin du traitement. Freud indique « qu’il faut attendre que le traitement soit devenu une compulsion et se servir de la contre-compulsion pour détruire la compulsion moribonde »

Freud commence à s’intéresser aux psychoses et à l’intérêt de la psychanalyse pour ces pathologies et au cadre technique qui pourrait convenir. C’est à partir de ces patients que Freud va élaborer le concept de narcissisme et de moi et interroger à nouveau sa pratique.