Préparation du séminaire d’hiver 2017 – 1ère séance – Rafaëlle Rolain et Lucile Lignée

PSYCHOLOGIE DES FOULES ET ANALYSE DU MOI

« C’est donc à propos de la psychologie collective, c’est-à-dire des rapports à l’autre que pour la première fois le Moi en tant que fonction autonome est amené dans l’œuvre de Freud »

Lacan 10 février 1954 dans «  les écrits techniques »

Quelques remarques introductives

  1. le contexte

L’an dernier nous avions étudié les textes de la technique psychanalytique qui se situait dans la première topique. La première topique différenciait les différentes strates de l’appareil psychique de la surface (conscient) au plus profond (l’inconscient) en passant par cet intermédiaire du préconscient. Il s’agissait pour théoriser l’appareil psychique d’utiliser la loupe que constitue la pathologie.

Avec la guerre Freud commence à traiter l’articulation entre le singulier et le social « totem et tabou » « 3 essais sur la théorie de la sexualité ». Il poursuit ce travail avec « psychologie des masses.. »

Freud commence à rédiger le texte en mai 1919 en parallèle de son travail sur « au-delà du principe de plaisir ». Déjà fortement marqué par la guerre: le départ de ses fils, le retour de ses amis atteints de névroses traumatiques, Freud est confronté à 3 décès entre 1919 et1920. :

  • mort de Tausk qui se suicide après une longue année de dépression et d’analyse auprès d’Hélène Deutsch

  • mort de sa fille Sophie

  • mort d’Anton Von Freund ancien patient très riche et donateur pour la maison d’édition.

Ainsi les deux textes sont écrits de façon concomitante pour autant, alors même que le texte « psychologie des foules » colle à la l’instauration du totalitarisme communiste et anticipe sur les montées fascistes, Freud n’articule pas ce texte à la pulsion de mort mise en exergue dans au-delà du principe de plaisir. Pourquoi ? Effet du refoulement comme il le dira plus tard dans « malaise dans la civilisation » : « je me rappelle ma propre résistance à la conception d’un instinct de destruction quand elle se fit jour dans la littérature psychanalytique, et combien j’y restais inaccessible. Je suis donc moins surpris que d’autres aient manifesté et manifestent encore cette même répugnance. Et certes, ceux qui préfèrent les contes de fées font la sourde oreille quand on leur parle de la tendance native de l’homme à la « méchanceté », à l’agression, à la destruction, et partant à la cruauté »

Ou bien les deux textes étant écrits de concert, Freud n’a pas encore eu le temps de les articuler ? Ou bien encore ont-ils une suite logique comme le souligne Lacan, en effet la pulsion de mort parle finalement de haine de soi et des autres et le texte sur les masses nous parle de combien il faut trouver des traits d’amour pour pouvoir se réunir, le deuxième n’étant finalement que le pendant nécessaire de l’autre. La pulsion de mort étant toujours à l’œuvre, et plus elle est à l’œuvre plus il faut communier autour de l’amour pour se faire croire qu’on s’en est débarrassé. Quelle est l’intrication entre idéal (de faire UN) et pulsion de mort. Et Melman de rappeler « eh bien il est surprenant qu’il n’ait pas encore été remarqué que les organisations socialement réussies c’est-à-dire totalitaires (parfaitement égalitaires) sont toujours vectrices de la mort. Pas seulement pour celui qui hors frontière apparaît immanquablement comme un étranger, et donc comme l’ennemi mais pour les membres eux-mêmes de l’organisation. D’abord entre eux parce qu’entre eux il va immanquablement reproduire qu’il y en aura forcément qui voudront être un petit peu différents, un tout petit peu, un rien du tout, une petite nuance lexicale, grammaticale, un petit concept légèrement différent ou interprété de façon un tout petit peu diverse. …Allez hop au poteau »

Ces deux textes en tout cas sont à l’aube de la rédaction d’une nouvelle topique qui place au cœur de la personnalité des instances aux objectifs divergents. Freud tente de prouver qu’il y a une communauté de structure entre vie psychique et vie sociale. Nous voyons émerger une nouvelle dissonance (inconscient/conscient, pulsion du moi/pulsion sexuelle, pulsion de vie/pulsion de mort) entre la question de l’individu qui vise à l’unité et sa construction même qui repose sur des identifications. Le narcissisme, le moi se construit essentiellement sur des identifications extérieures.

2- Pour introduire au narcissisme

Parce que Freud développe dans le texte la question du moi et de l’idéalisation, nous ne pouvons pas ne pas faire un détour par ce texte de 1914. Rappelons que ce texte est écrit en pleine période de conflit avec Jung sur la question de l’origine sexuelle de la libido et sur les psychoses. Freud tient à maintenir l’étiologie sexuelle de la pathologie.

Après avoir travaillé la question de la pulsion et de l’objet, il est conduit à travailler au rapport du moi et de l’objet jusqu’à faire du moi le lieu des objets introjectés et perdus en tant qu’objets extérieurs. Le moi peut prendre la place de l’objet.

Il fait l’hypothèse d’un stade narcissique primaire où le moi se constituerait : « Il existe un investissement libidinal originaire du moi  – un temps où libido du moi et libido d’objet seraient confondues ». Dans ce texte il met à jour la construction du moi : «  il est nécessaire d’admettre qu’il n’existe pas dès le début dans l’individu une unité comparable au moi, le moi doit subir un développement. Mais les pulsions autoérotiques existent dès l’origine : quelque chose, une nouvelle action psychique doit donc venir s’ajouter à l’autoérotisme pour donner forme au narcissisme »

Il définit deux types de pulsions : pulsion du moi et pulsion sexuelle d’objet. Ces deux types de pulsions fonctionnent comme des vases communicants : plus la libido d’objet augmente plus la libido du moi diminue. « Pendant tout le temps de la vie le moi reste le grand réservoir libidinal à partir duquel sont émis les investissements d’objets et vers lequel la libido peut refluer à partir des objets. La libido narcissique se transforme donc en permanence en libido d’objet et vice et versa » (Sigmund Freud présenté par lui-même 1925). Le moi a donc une double position : lieu d’investissement narcissique et agent qui dispose de cette libido pour investir des objets extérieurs.

Ainsi dans les psychoses la libido retirée des objets revient sur le moi dans un narcissisme secondaire, par régression ou introversion. A l’inverse dans l’état amoureux toute la libido est dévolue à ‘l’objet.

Freud pense que les pulsions sexuelles s’étayent sur les pulsions du moi et les parents deviennent les premiers objets sexuels. La sexualité est le moteur de la construction de la psyché mais le moi va d’abord se construire sur un mode anaclitique pour après s’en éloigner voire s’en détacher. Le choix d’objet ultérieur se fera soit par étayage (modèle de la mère) soit narcissique (origine de l’homosexualité masculine). «  Nous préférons faire l’hypothèse que les deux voies menant au choix d’objet sont ouvertes à chaque être humain. Nous disons que l’être humain a deux objets sexuels originaires : lui-même et la femme qui lui donne ses soins, en cela nous présupposons le narcissisme primaire de tout être humain, narcissisme qui peut éventuellement venir s’exprimer de façon dominante dans son choix d’objet »

Ce narcissisme primaire, on le retrouve dans l’amour des parents pour « his majesty the baby » «  cette immortalité du moi que la réalité bat en brèche a retrouvé un lieu sûr en se réfugiant chez l’enfant. L’amour des parents si touchant et au fond si enfantin n’est rien d’autre que leur narcissisme qui vient de renaître et qui malgré sa métamorphose en amour d’objet manifeste à ne pas s’y tromper son ancienne nature »

Qu’est ce qui vient barrer le narcissisme primaire ?

Le refoulement : « les motions pulsionnelles subissent le destin du refoulement pathogène lorsqu’elles viennent en conflit avec les représentations culturelles et éthiques de l’individu. Le refoulement provient du moi ; nous pourrions préciser de l’estime de soi qu’a le moi. La formation d’idéal serait du côté du moi la condition du refoulement »

Dans ce texte Freud utilise indifféremment moi-idéal et idéal du moi. «  Le narcissisme s’est déplacé sur ce nouveau moi idéal qui se trouve comme le moi infantile en possession de toutes les perfections. Si l’homme n’a pas pu maintenir la perfection narcissique de son enfance il cherche à le regagner sous la forme de l’idéal du moi » Ainsi à l’age adulte le narcissisme va donc s’adresser au moi-idéal que s’est construit le sujet à partir de ce qui n’est pas nommé mais qui seront des identifications.

Freud tente alors de définir deux concepts assez proches :

-idéalisation : « processus qui concerne l’objet et par lequel celui-ci est exalté psychiquement sans que sa nature ne soit changée »

-sublimation : processus qui concerne la libido d’objet par lequel la pulsion se dirige sur un autre but éloigné de la satisfaction sexuelle » évitant ainsi le refoulement

Freud nous met en garde de ne pas confondre les deux «  tel qui a échangé son narcissisme contre la vénération d’un idéal du moi élevé n’a pas forcément réussi pour autant à sublimer ses pulsions libidinales ». Il souligne que dans la névrose il y a souvent des tensions entre ces deux processus, un idéal si exigeant et peu de capacité de sublimation.

Freud ensuite évoque l’idée qu’il existe sans doute une instance « qui accomplisse la tâche de veiller à ce que soit assurée la satisfaction narcissique provenant de l’IDM et qui dans cette intention observe sans cesse le MOI actuel et le mesure à l’idéal…et nous pouvons dire que ce que nous nommons notre conscience morale possède cette caractéristique…il existe chez nous tous ( en dehors du délire d’observation dans les psychoses) une puissance qui observe connaît critique toutes nos intentions ». Même si Freud le nomme pas car il ne l’a pas encore construit on peut y voir les prémisses du SURMOI pour l’instant il semble se confondre avec l’IDM.

La conscience morale incarne les critiques des parents puis de la société, c’est aussi de ça que se nourrit l’IDM. Aussi l’IDM soumet des « à des conditions sévères la satisfaction libidinale en rapport avec les objets en faisant refuser par son censeur une partie de cette satisfaction »

L’estime de soi dépend de la libido narcissique (du Moi) : être aimé représente le but et la satisfaction dans le choix d’objet narcissique. Alors qu’aimer un objet ne gonfle pas notre narcissisme et mieux encore le réduit.

« Le développement du moi consiste à s’éloigner du narcissisme primaire et engendre l’aspiration intense à recouvrer ce narcissisme. Cet éloignement se produit par le moyen du déplacement de la libido sur un IDM imposé de l’extérieur, la satisfaction par l’accomplissement de cet idéal. »

Freud définit trois sources à l’estime de soi :

  • une part primaire qui relève du narcissisme infantile

  • une part qui relève de l’accomplissement de l’IDM

  • une part qui provient de la satisfaction de la libido d’objet.

Le choix d’objet narcissique peut venir alimenter un narcissisme défaillant ou attaqué. Dans le choix d’objet narcissique on aime «  ce que l’on a été et qu’on a perdu » ou «  celui qui possède les perfections que l’on n’a pas du tout ». Le sujet va aimer tout objet qui possède la qualité éminente qui manque au moi pour atteindre l’idéal ». Mais ce choix d’objet va induire une extrême dépendance.

IDM et psychologie collective

Freud pose les jalons de « psychologie des foules » car il affirme que c’est du côté de lIDM que l’on pourra mieux comprendre la psychologie des foules. « Outre son côté individuel, cet Idéal a un côté social, c’est également l’idéal commun d’une famille, d’une classe, d’une nation ».

L’idéal du moi lie la libido narcissique mais aussi la libido d’objet homosexuelle «  qui par cette voie est revenue dans le moi ».

Alors c’est un peu confus pour moi « l’insatisfaction qui résulte du non accomplissement de cet idéal libère de la libido homosexuelle qui se transforme en conscience de culpabilité (angoisse sociale) ».

Ici aucune trace du terme identification assez étrangement d’ailleurs

3- L’objet central de « psychologie des foules » : l’identification

Ce texte « psychologie des foules et analyse du Moi », s’inscrit plus il est vrai dans la continuité de « pour introduire au narcissisme » car l’élément central de ce texte est la tentative par Freud de classifier les différentes identifications qu’il a rencontrées au cours de son travail clinique. Il essaye de répondre à la question très large de « quel type de lien organise la formation des groupes humains quelle que soit leur taille ? » En voulant y répondre il constate qu’il ne peut traiter cette question sans y articuler la structure et le développement du Moi. Le destin des liens libidinaux est intimement lié à l’instance moique car ces liens peuvent le modifier structuralement ; c’est le cas qu’il développe à partir de l’état amoureux de l’hypnose, de la masse où un objet extérieur vient prendre la place de l’idéal du moi. A côté des liens libidinaux, sexuels, les humains peuvent s’unir à partir de ce concept d’identification, que Freud avait déjà employé dès le début de son travail dans la Traumdeutung, mais qui va prendre désormais une place centrale.

a- avant 1914

L’identification est un terme déjà présent dans les premiers écrits de Freud.

Lettre 53 en date du 17 décembre 1896 : «  ….l’agoraphobie chez la femme. C’est le refoulement de la compulsion à aller chercher dans la rue le premier venu, un sentiment de jalousie à l’égard des prostituées et une identification à elles ».

D’emblée l’identification est un processus similaire au symptôme en tant que résurgent d’un refoulement du sexuel.

Dans « études sur l’hystérie » Freud met à jour le rôle de l’identification dans la symptomatologie hystérique.

Dans « la traumdeutung » à partir de l’analyse du rêve de « la belle bouchère » : « quel est le sens de l’identification hystérique ? … l’identification est un facteur très important dans le mécanisme de l’hystérie. C’est grâce à ce moyen que les malades peuvent exprimer par leurs manifestations morbides les états intérieurs d’un grand nombre de personnes et non pas seulement les leurs, ils peuvent souffrir en quelque sorte pour une foule de gens et jouer à eux seuls tous les rôles d’un drame…L’identification n’est pas simple imitation (ou contagion) mais appropriation à cause d’une étiologie identique ; elle exprime un « tout comme si » et a trait à une communauté qui persiste dans l’inconscient »

Mais Freud fait de l’identification le centre aussi de la formation du rêve «  l’identification se produit de la manière suivante. Une seule des personnes qui forment un ensemble est représenté dans le contenu du rêve….cette personne de couverture apparaît dans toutes les relations et situations des personnes qu’elle recouvre autant que des siennes propres. Quand il y a une personnalité composite, on trouve dans l’image du rêve des traits particuliers à chaque personne mais qui ne sont pas communs à toutes, si bien que c’est l’union de ces divers traits qui forme une unité nouvelle, une personnalité mélangée…C’est de cette façon que l’on atteint souvent des condensations extraordinaires dans le rêve : je peux m’épargner la représentation de circonstances très compliquées en substituant une personne à une autre qui dans une certaine mesure se trouve dans les mêmes circonstances. On saisit aisément combien ce mode de représentation par identification peut servir à échapper à la censure due à la résistance et impose de si dures condition au travail du rêve »

Il donne déjà trois modèle à l’identification « l’identification, ou la formation de personnalité composite peuvent donc servir dans le rêve à des buts divers :

-à la figuration de choses communes aux deux personnes

-à la figuration de choses communes après déplacement

-à la figuration de d’une chose commune que l’on ne fait que désirer »

Enfin Freud souligne «  c’est la personne même du rêveur qui apparaît dans chacun des rêves… Le rêve est absolument égoïste. Quand je vois surgir dans le rêve non pas mon moi mais une personne étrangère, je dois supposer que mon moi est caché derrière cette personne grâce à l’identification. Mais je peux aussi représenter mon moi plusieurs fois dans un même rêve, d’abord d’une manière directe puis par identification avec d’autres personnes … Le fait que le moi du rêveur apparaisse plusieurs fois ou sous plusieurs formes dans le rêve n’est au fond pas plus étonnant que le fait que le moi puisse dans la pensée consciente apparaître plusieurs fois ou à des places différentes et dans des relations diverses. Par exemple dans l’expression «  quand je pense à l’enfant plein de santé que j’étais ».

Ainsi Freud élabore ainsi deux types d’identification : identification hystérique dans le symptôme et identification onirique où le moi imaginaire est au centre de ces processus. Le travail analytique vise à démêler ces identifications pour entendre la problématique singulière du sujet et son désir.

b-1914 «  totem et tabou »

Enfin dans « totem et tabou », Freud reprend le concept d’identification totémique de Frazer « Le totémisme est une identification de l’homme avec son totem ». Mais Freud utilise le plus souvent le terme de substitut, de transfert. Dans ce texte Freud construit un mythe scientifique qui affirme l’origine sexuelle des constructions sociétales. Freud termine son écrit par « au commencement était l’acte », l’acte de fils qui vont tuer un père tyrannique, possédant exclusivement toutes les femmes, privant les fils de rapports sexuels. Ce meurtre inscrit dans une ambivalence face au tyran, à la fois envié et haï, inaugure la constitution d’une société fraternelle autour à la fois de la culpabilité et de la commémoration du père dans le repas totémique. Cet ancêtre de l’oedipe organise des interdits : interdiction de tuer le totem en tant que substitut du père et obligation de l’exogamie (trouver une femme en dehors de celles du même totem). Freud y retrouve les racines dans l’enfance, dans les névroses, dans la religion monothéiste. Le repas totémique nous intéresse car il évoque l’identification primordiale au père. «  La psychanalyse nous a révélé que l’animal totémique servait de substitut au père et ceci nous explique la contradiction : d’une part, la défense de tuer l’animal, d’autre part la fête qui suit sa mort, fête précédée d’une explosion de tristesse. L’attitude affective ambivalente qui, aujourd’hui encore, caractérise le complexe paternel chez nos enfants et se prolonge jusque dans la vie adulte, s’étendrait également à l’animal totémique qui sert de substitut au père… En nous basant sur la fête du repas totémique nous pouvons donner la réponse suivante : un jour les frères chassés se sont réunis, ont tué et mangé le père, ce qui a mis fin à l’existence de la horde paternelle…Par l’acte d’absorption ils réalisaient leur identification avec lui et s’appropriaient chacun une partie de sa force. Le repas totémique qui est peut-être la première fête de l’humanité, serait la reproduction et la fête commémorative de cet acte mémorable et criminel qui a servi de point de départ à tant de choses : organisation sociale, restriction morale, religion…..la bande fraternelle était animée par des sentiments contradictoires qui forment le contenu ambivalent du complexe paternel chez chacun de nos enfants et de nos névrosés. Ils haïssaient le père qui s’opposait si violemment à leur besoin de puissance et à leur exigence sexuelle, mais tout en le haïssant et le détestant ils l’aimaient et l’admiraient. Après l’avoir supprimé, après avoir assouvi leur haine et réalisé leur identification avec lui, ils ont dû se livrer à des manifestations affectives d’une tendresse exagérée. Ils le firent sous forme de repentir, ils éprouvèrent un sentiment de culpabilité qui se confond avec le sentiment du repentir communément éprouvé…C’est le sentiment de culpabilité du fils qui a engendré les deux tabous fondamentaux du totémisme qui pour cette raison devait se confondre avec les deux désirs réprimés du complexe d’oedipe. Le mort devenait plus puissant qu’il n’a jamais été auparavant »

L’identification totémique consiste donc en l’incorporation psychique du père (du meurtre à la symbolisation de la perte de l’objet) qui maintient donc un lien avec l’objet perdu d’où découlera les premiers interdits surmoïque et l’idéal narcissique. L’identification est avant tout un processus de pensée prémisse de la symbolisation mais elle prolonge l’ambivalence.

Le père dans sa fonction est un père mort, car c’est bien d’être mort qui le fait père de la horde ; père d’humains semblables qui par culpabilité vont adorer ce père, l’aimer religieusement mais aussi le craindre.

C’est bien ce qui est complexe dans le concept d’identification : à la fois elle crée du semblable par un trait d’indistinction et à la fois elle est trait distinctif qui crée de la singularité.

c – Deuil et mélancolie : identification narcissique

Dans ce texte Freud définit l’identification mélancolique, narcissique mais qui du coup met aussi en exergue l’importance de l’objet par l’effet de sa perte. On pourrait dire qu’apparaissent conjointement une psychologie du moi et une psychologie de l’objet et une psychologie de la relation d’objet via l’identification.

Freud met à jour que dans la mélancolie le travail psychique s’applique à une perte inconnue c’est-à-dire soustraite à la conscience. Pour autant le mélancolique se fait des reproches à lui-même ce qui permettra à Freud de faire l’hypothèse d’une identification narcissique, mélancolique (voir cannibalique) ou la libido d’objet a reflué complètement sur le moi, une partie du moi devient cet objet perdu par identification. « La perte de l’objet s’était transformée en une perte du moi et le conflit entre le moi et l’objet aimé en une scission entre la critique du moi et le moi modifié par identification ». L’objet est perdu mais pas la relation puisqu’elle se perpétue « intrapsychiquement » dans une version narcissique. L’identification narcissique, où le moi devient objet à la place de l’objet d’amour, devient le mécanisme essentiel des névroses narcissiques.

L’identification hystérique est du côté de la première topique, l’autre n’intervient que parce qu’il est témoin ou qu’il représente quelque chose du désir inconscient.

Alors que l’identification mélancolique révèle le caractère narcissique et l’ambivalence de l’amour pour l’objet. « L’identification narcissique est la plus originaire et nous introduit à la compréhension de l’identification hystérique qui a été moins bien étudiée »

Quant à l’autre partie du moi, clivée de celle identifiée à l’objet, Freud la définit comme une instance critique qui va devenir dans «  Le moi et le ça » le surmoi. «  Ce avec quoi nous faisons connaissance ici c’est cette instance qu’on appelle conscience morale ; nous la compterons avec la censure de la conscience et l’épreuve de réalité au nombre des grandes institutions du moi et nous trouverons aussi quelque part les preuves qu’elle peut tomber malade isolément »

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Ce texte inaugure véritablement le concept d’identification, en tant que le moi dans ses relations avec les objets peut se trouver modifié. Le moi apparaît comme un objet malléable aux contours changeants en fonction des objets qu’il investit. Ce qui fait dire à Freud « l’identification est la première manière, ambivalente dans son expression, selon laquelle le moi élit son objet, il voudrait s’incorporer cet objet, conformément à la phase orale ou cannibalique du développement de la libido par le moyen de la dévoration ».

Ici donc nous voyons poindre l’idée que le narcissisme primaire ne serait finalement pas autre chose que le fruit d’une identification primaire ? Est-ce que identification narcissique se confond avec identification primordiale ? Du coup comment ça se construit : car pour avoir de l’objet il faut du Moi constitué et pour avoir du Moi il faut de l’objet. Il y a donc un temps où les deux sont confondus mais comment chacun se singularise ? Si le narcissisme c’est bien ce travail psychique qui transforme les investissements d’objet en investissements du moi et que c’est l’identification qui en est le moyen elle n’est plus seulement un moyen de comprendre les symptômes hystériques mais aussi la piste incontournable pour comprendre la constitution du Moi et ses instances.

Cette identification primaire apparaît «  comme la reproduction d’une relation auto-érotique où le sujet et l’objet de la pulsion se confondent et du même coup se différencient. Elle est un moyen efficace de conservation des objets et secondairement l’effet sera celui de la conservation du Moi. La structuration du moi par identifications successives indique la décomposition toujours possible de ce moi. L’identification narcissique survit toujours par l’entremise de la formation de l’idéal (identification au père mort qui produit l’idéal) qui est en quelque sorte le procès constitutif du moi lui-même en tant que divisé. Enfin l’identification est une forme archaïque de défense du Moi plus ancienne que le refoulement. » Colbeaux (http://colblog.blog.lemonde.fr)

Freud dans ce texte « Psychologie des foules » en est aux balbutiements, il va décliner plusieurs type d’identifications mais il sera toujours gêné pour en faire un concept psychanalytique officiel, alors même qu’il lui donne une place centrale dans la constitution des instances psychique en particulier le surmoi « « je ne suis pas satisfait moi-même de ces propos sur l’identification mais il faut concéder que l’établissement du surmoi peut être considéré comme un cas d’identification réussie avec l’instance parentale. » 1932 « le démontage de la personnalité psychique » in « nouvelles conférence d’introduction à la psychanalyse ».

4- Evolution du concept d’idéal du MOI :

(Vocabulaire de psychanalyse)

C’est dans « Pour introduire au narcissisme » qu’apparaît pour la première fois le concept d’IDM. Il désigne une formation intrapsychique autonome qui sert d’étalon pour le moi pour apprécier ses réalisations. Cette instance est principalement issue du narcissisme infantile « ce qu’il projette devant lui comme son idéal est le substitut du narcissisme perdu de l’enfance, en ce temps là il était son propre idéal »

Dans Psychologie des foules, Freud en fait une véritable instance séparée du MOI.

Mais tout se complexifie dans « le Moi et le ça », où Freud semble confondre les deux termes surmoi et IDM.

Pour autant les post-freudiens sépareront ces deux instances.

  • Nunberg : «  alors que le moi obéit au surmoi par peur de la punition, il se soumet à l’IDM par amour »

  • Lagache, lui, préfère maintenir les deux aspects dans une même instance : « le surmoi correspond à l’autorité et l’IDM à la façon dont le sujet doit se comporter pour répondre à l’attente de l’autorité ».

Il est post-oedipien, il est constitué par les désirs de l’Autre, les ambitions phalliques de la mère, la mégalomanie perdue du Moi Idéal. Il est un miroir intrapsychique chargé de répondre à la question narcissique du Moi «  suis-je enfin aimable et unifié ». Plus l’idéal est éloigné du moi, plus ses attentes sont élevés et le moi doit renforcer des identifications qui seront susceptibles de plaire à l’IDM, sources sévères d’aliénation.

L’IDM est symbolique alors que le moi-idéal est strictement imaginaire

5-: la publicité

Freud n’aura de cesse dans ce texte des foules de nous inviter à nous méfier de notre tendance à vouloir rentrer dans la masse, à chercher un tyran. Son texte est resté sans échos compte tenu de toutes les guerres qui ont eu lieu depuis 1925. Le texte de Le Bon avait été largement vendu (Melman disait 500000 exemplaires et Mussolini en avait un) mais finalement il est tombé dans les mauvaises mains des totalitaristes. Et de même on pourrait penser que le travail de Freud n’a pas libéré la démocratie mais bien œuvré à son insu à la mise en place d’une autre masse : la société de consommation.

Freud dans ce texte se réfère à plusieurs chercheurs (Le Bon, Mac Dougall, Trotter, Darwin). Alors même que ce texte servira de petit traité de manipulation pour la société de consommation et ses agents publicitaires, on pourrait se demander si Freud lui aussi n’essaye pas de faire « passer la pilule » en utilisant des stars connues de la science pour mieux faire supporter sa découverte…

Edward Bernays, le neveu de Freud va utiliser toute cette théorie, en temps de guerre, pour recruter des soldats mais surtout transformer la propagande en « comité de relation publique » où il va dessiner toute la stratégie commerciale du libéralisme : passer de l’ordre du besoin (les pauvres achètent ce dont ils ont besoin et c’est tout) à l’ordre du désir (vendre aux pauvres aussi et surtout ce dont ils n’ont pas besoin) ( voir sur le site « le dormeur » Ex comment vendre des cigarettes aux femmes : la cigarette selon la psychanalyse est un pénis ; Bernays organise une manifestation de femmes qu’il transforme en suffragettes et qu’il fait fumer devant toute la presse : la cigarette est la torche de la liberté, à l’instar de la statue…)

Ainsi c’est dans ces années que sont construits les premiers supermarchés et l’objet de masse. Ce serait toujours Bernays qui aurait fait dire à l’industrie automobile que la voiture est le symbole de la sexualité et de la puissance masculine. Qui aurait utilisé les stars pour promouvoir l’idée que l’on n’achète pas un objet mais du mieux-être, l’affirmation de son être, de sa singularité. Ainsi l’américain ne sert plus son pays en étant citoyen mais en étant consommateur.

Il parait même qu’en 24, alors que Freud n’a plus d’argent, Bernays l’aide à faire publier ses écrits en Amérique et lui aurait envoyé l’argent que Freud aurait placé à l’étranger.

Bernays va faire la propagande de Freud aux USA pour la société de consommation, mais Lippmann va aussi s’en servir pour le contrôle social : « si les individus sous leurs aspects civilisés ne prennent de décisions que par leur inconscient, leur animalité, alors il faut les contrôler, on ne peut plus penser la démocratie comme avant » (risque de la révolution russe)

Il faut créer une nouvelle élite pour contrôler la horde sauvage par des techniques psychologiques.

Il écrit beaucoup de livres sur ce qu’il nomme relation publique mais qui sont des procédures de contrôle social « en stimulant les désirs intérieurs des gens ; et en les saturant de marchandises, il créait une nouvelle manière de gouverner la force irrationnelle des masses ». Il l’appela la fabrique du consentement : utiliser les désirs et les peurs les plus inconscientes des gens pour son propre but. Le président Hoover en 1928 s’adresse à des publicitaires et des conseillers en relation publique : «  votre métier est de créer du désir et de transformer les gens en automates du bonheur, en machines qui deviendront les clés du bonheur économique » donc créer une société stable soumise pour éloigner de l’Amérique les revendications communistes.

Hannah Arendt : «  le sujet idéal de la domination totalitaire n’est ni le nazi convaincu, ni le communiste convaincu mais les gens pour qui la distinction entre fait et fiction (c’est-à-dire la réalité de l’expérience) et la distinction entre le vrai et le faux (c’est-à-dire les normes de la pensée) n’existent plus.

Etude du texte « Psychologie des Foules… »

Chapitre 1 : introduction

Dans l’introduction Freud pose le principe qu’il n’y a pas d’opposition entre psychologie individuelle et psychologie des groupes. L’autre est déjà présent dès la naissance du petit d’homme, la famille en tant que lien libidinal au père, à la mère et à la fratrie est au cœur de la question psychanalytique. La famille est le premier noyau de ce qui constitue la société et c’est pourquoi Freud pose que « la psychologie individuelle est donc simultanément une psychologie sociale ». La psychanalyse peut donc avoir son mot à dire sur les phénomènes sociaux.

Chapitre 2 : la peinture de l’âme des foules par Le Bon

Freud reprend les hypothèses de Le Bon et essaye de les discuter et de les approfondir en les relisant à partir des concepts psychanalytiques.

  • un individu dans un groupe ne réagit plus de la même façon

La foule constituée d’individus hétérogènes est un être provisoire nouveau et homogène manifestant des caractères très différents de ceux que chacune de ses cellules possèdent.

Hypothèse de Freud : la conscience n’est qu’une petite partie de la motivation de nos actes, la partie la plus importante est inconsciente. Dans le groupe la conscience est affaiblie et l’inconscient est mis à nu. Freud parle d’inconscient collectif de la race.

  • les individus réalisent des actes qu’ils n’auraient pas faits seuls ; il apparaît de nouvelles propriétés car la foule est anonyme et irresponsable et déresponsabilise le sujet qui cède alors à ses instincts.

Hypothèse de Freud : il n’y a aucune nouveauté qui surgit de la foule, seulement ce contexte abaisse voir annule le refoulement et laisse se manifester librement les motions inconscientes.

  • Le Bon constate :

  • un évanouissement de la personnalité consciente

  • une prédominance de la personnalité inconsciente

  • les individus sont des automates sans volonté personnelle, régis par la suggestion et la contagion des sentiments.

  • Une baisse du rendement intellectuel chez chaque individu qui devient un barbare gouverné par ses instincts

Hypothèse de Freud : la suggestion est bien connue dans l’hypnose et Freud rapproche la foule de l’état de fascination exercée par l’hypnotiseur. Freud souligne que Le Bon n’approfondit pas cette question de qui est à la place de l’hypnotiseur dans la foule.

  • Le Bon fait une description de l’âme des foules :

– impulsive, conduite par l’inconscient, stimulée par des excitations excessives

– elle réclame l’immédiateté

– sentiment de toute puissance : ne connaît pas le doute

– suggestible, crédule sans esprit critique, intolérante et pleine de foi en l’autorité

– fonctionnant avec pensée par image et association libre

– elle exige de ses héros de la force et de la brutalité car elle veut être dominée

– elle est conservatrice

– elle abolit les inhibitions individuelles et produit les actes les plus brutaux comme les plus grands renoncements.

Hypothèse de Freud : cette description de la foule est semblable à celle que l’on peut faire des primitifs, des enfants et des névrosés.

  • la foule réclame des illusions ; il y a prédominance de l’irréel sur le réel

Hypothèse de Freud : prédominance de la vie fantasmatique soutenue par le désir inaccompli de la névrose

Objection de Freud : Le Bon pense que le meneur tient sa place du fait de son idée (qui l’a lui-même fasciné) et de son prestige. Il ne développe pas ce concept du meneur. De plus il parle de la foule en général.

Chapitre 3-les autres évaluations de la vie psychique

Freud s’intéresse à Mac Dougall pour son travail de différenciation entre foules organisées et inorganisées.

La foule inorganisée :

  • une foule se définit par les points communs que partagent des individus isolés, plus les éléments communs sont forts plus on constate une exaltation de l’affectivité.

  • L’exaltation est due à plusieurs facteurs : sensation de jouissance à perdre ses limites dans la foule, toute-puissance, contagion des sentiments par induction réciproque, obéissance à la foule comme nouvelle autorité, suppression des inhibitions car la massivité des affects abaisse le niveau intellectuel

Conclusion : la foule inorganisée se comporte comme un enfant mal élevé et sauvage.

La foule organisée :

Mac Douglas définit 5 conditions :

  • degré de continuité de la composition de la foule (organisation des places et permanence des individus)

  • chaque individu a une représentation déterminée de la nature, de la fonction, des réalisations, des exigences de la foule, ce qui produit un rapport affectif à l’ensemble de la foule

  • la foule organisée peut se comparer à une foule de semblables  ce qui produit différenciation et rivalité

  • institutions de coutumes et traditions dans les relations entre les membres

  • organisation de la foule par la division du travail et la spécialisation de chaque membre

Conclusion : cette organisation protège des inconvénients de la foule ordinaire

Chapitre 4 : suggestion et libido

Toutes les analyses constatent que la contagion et la suggestion sont à l’origine des modifications psychiques de l’individu dans la foule.

Il n’y a que la psychanalyse qui s’intéresse aux origines de la suggestion.

Freud va donc déplier son analyse de la suggestion à travers la question de l’amour d’une façon assez pédagogique. Car pour Freud derrière la suggestion il y a l’amour, Freud ré assène que toutes les formes d’amour (sexuel, filial, amitié, attachement..) sont l’expression des mêmes motions pulsionnelles qu’il nomme Eros, la libido, les pulsions de vie, les pulsions sexuelles.

La foule ne fait cohésion que par le pouvoir d’Eros, la suggestion n’étant que l’abandon de sa particularité pour l’amour d’eux.

Chapitre 5 : 2 foules artificielles : l’église et l’armée

Freud articule l’amour et les foules organisées, il tente de décrire la structure libidinale de la foule.

Celle-ci repose sur 2 axes affectifs : « mirage d’un chef suprême qui aimerait tous les individus d’un amour égal donc chaque individus isolé est lié libidinalement au meneur mais aussi aux autres individus de la foule »

Armée : l’angoisse, la panique ne surgit que quand la structure libidinale se relâche à cause de la perte du meneur

Religion : la désagrégation renforce la haine contre l’étranger qui n’appartient pas au groupe.

Petite vignette : full métal jacket : Le soldat baleine est gros et se fait malmener par le sergent instructeur, il est alors pris en charge par un autre soldat qui le coache gentiment. Mais il ne peut s’empêcher de continuer à transgresser en mangeant le soir dans la chambrée et tous les autres se font punir : il lui est ordonné de manger le beignet pendant que les autres font 200 pompes. Le soir il est tabassé dans son lit par tous les autres soldats et tout particulièrement celui qu’il croyait être son camarade. Le soldat baleine ne peut se plier à être comme les autres frères. Il essaye alors de rentrer dans le moule au prix de devenir fou (il parle à son fusil) tue le sergent et se suicide la veille du départ pour le Vietnam.

« Le corps des marines veut faire des hommes sans peur, le corps des marines veut faire des tueurs » «  vous faites partie d’une fraternité, tout marine est votre frère » «  les corps des marines vivent à jamais alors même mort vous vivrez à jamais »

Chapitre 6 – autres problèmes et orientations de travail

Cette haine de l’autre la psychanalyse en connaît quelque chose et le nomme ambivalence.

« Tout rapport affectif intime de quelque durée que ce soit entre 2 personnes (amical, filial, parental) contient un fond de sentiment négatif et hostile qui n’échappe à la perception que par suite de refoulement »

On peut transférer ce modèle à tous les groupes : famille /village /pays

La haine de l’autre qui nous ressemble s’origine dans le narcissisme : «  narcissisme qui aspire à s’affirmer soi même et se comporte comme si l’existence d’un écart par rapport aux formations individuelles qu’il a développé entraînait une critique de ces dernières et une mise en demeure de les remanier ». Comme si les toutes petites différences fragilisaient l’unité du sujet.

OR dans la foule ces petites différences disparaissent : tous les sujets sont uniformes et chacun se supporte dans sa singularité ; « L’amour de soi (le narcissisme) trouve sa limite dans l’amour de l’autre »

C’est l’hypothèse de la psychanalyse :

L’enfant va choisir pour objet d’amour les objets qui participent à la satisfaction des grands besoins vitaux, « C’est l’amour qui est facteur de civilisation : passage de l’égoïsme à l’altruisme ». Il y a bien dans la foule des liens libidinaux qui réduisent l’amour de soi pour uniformiser le groupe. Ces liens libidinaux sont des liens d’amour détournés des buts sexuels donc désexualisés.

Chapitre 7-l’identification

Freud affirme qu’il y a aussi l’identification qui participe à la cohésion de la foule.

Identification se spécifie dans la volonté « d’être comme l’objet,» à la différence de l’investissement d’objet sexuel qui repose lui sur « avoir l’objet ». Etre comme l’objet renvoie à l’identification, avoir l’objet relève lui de l’investissement libidinal de l’objet. Nous sommes dès lors dans une nouvelle dualité « être et avoir » que Lacan va affiner et développer dans le tableau de la sexuation ; en effet « être le phallus ou avoir le phallus » conditionne les places de chacun dans l’identification sexuée et le mode de jouissance (phallique ou autre). Mais la dialectique de l’être et de l’avoir n’est pas manichéenne et les espaces ne sont pas si disjoints.

1-L’identification primordiale

Freud reprend d’abord le concept d’identification primordiale  déjà développé dans Totem et tabou, une identification archaïque au père qu’il définit comme « expression première d’un lien affectif à une autre personne ». C’est un mythe théorique où le moi s’identifie à l’objet total qui est le père de la horde. Cette identification primaire est ambivalente car pour être comme le père, l’enfant va le dévorer, va incorporer l’objet convoité de façon cannibale relativement à la phase orale du développement et s’approprier sa force vitale. Cette identification par incorporation est antérieure au choix d’objet mais va mettre en place un dehors et un dedans et par là-même la possibilité de créer l’objet extérieur.

Cette identification primordiale est celle de la préhistoire du complexe d’ Œdipe.

  1. L’Œdipe : la question de l’être et de l’avoir de l’identification et du choix d’objet

Dans l’ Œdipe:

-le garçon prend le père pour idéal = identification= être comme le père

-le garçon investit la mère par étayage = investissement sexuel = avoir la mère Il y a alors une conflictualisation car le père empêche de posséder la mère et une ambivalence des affects envers le père (amour et haine).

Dans l’oedipe inversé les deux mouvements se retrouvent aussi :

-le père est pris comme objet sexuel

-l’enfant s’identifie à la mère

Freud reconnaît bien la difficulté de différencier investissement libidinal et identification. Et il conclut «  on se borne à reconnaître que l’identification aspire à rendre le moi propre semblable à l’autre pris comme modèle ».

Cependant il dit une phrase intéressante : « ce qui fait donc la différence c’est que le lien porte sur le sujet ou sur l’objet du moi ». Est-ce un début de différenciation du symbolique et de l’imaginaire ?

Il dira dans « Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse  » : «  l’identification est une forme très importante peut-être la plus ancienne de l’attachement à une autre personne. Il ne faut pas la confondre avec le choix d’objet. On peut les distinguer de cette manière : quand le petit garçon s’identifie à son père c’est qu’il veut être comme lui, lorsqu’il le prend pour objet de son choix sexuel il veut l’avoir, le posséder, dans le premier cas il modifie son moi d’après le modèle du père, dans le second cas ce n’est pas nécessaire. L’identification et le choix d’objet sont dans une grande mesure indépendants l’un de l’autre ».

3-La deuxième identification : l’identification à un trait

Freud la définit comme une identification par voie régressive qui se substitue à un lien libidinal refoulé. Elle se produit donc après que soit intervenu le choix d’objet sexuel et en est quelque part la conséquence. Le sujet doit renoncer à l’objet sexuel qui lui est interdit et qui se refuse à lui. L’identification à l’objet vient se substituer à l’investissement libidinal de l’objet par régression. «  Comme si ce que le sujet ne pouvait avoir, il devait se contenter de l’être par identification » (C. Landman « l’être et l’avoir »). Cette identification est symptomatique, partielle car elle ne concerne qu’un seul trait de l’objet investi libidinalement et son incorporation par identification fait retour dans le symptôme.

Il prend l’exemple d’un symptôme hystérique : une fille prend la toux de sa mère, il s’agit de :

  • soit se substituer à la mère (en prenant un trait) pour exprimer son amour objectal pour le père, qui du coup se paye de douleur. ET c’est la constitution complète du symptôme hystérique = identification partielle du moi avec un trait de l’objet. Etre comme la mère désirée par le père. Ici Lacan pourrait dire identification à l’objet désiré par le père. Est-ce une identification symbolique ?

  • soit l’enfant est attachée libidinalement à la mère et s’identifie au symptôme de la mère comme trait distinctif. Alors ici Freud dit que l’ « identification a pris la place du choix d’objet, le choix d’objet a régressé jusqu’à l’identification ». identification partielle régressive avec un trait de l’objet : le moi investit libidinalement l’objet, s’en détache, se replie, régresse et se résout dans les traces symboliques de ce qui n’est plus. Ici identification à l’objet désirant. Identification imaginaire ?

3 – L’identification hystérique -contagion

Enfin Freud propose une autre identification : une identification partielle à l’objet non pas pour le lien qu’il prodigue mais sur l’émoi qu’il provoque.

Il donne l’exemple d’une jeune fille dans un pensionnat recevant une lettre d’amour et qui fait une crise d’hystérie ; toutes les autres filles l’imitent par contagion psychique. « Identification fondée sur la capacité à se mettre dans une situation identique ». On pourrait dire que c’est l’identification à l’objet de la jouissance des deux amants. Elles aimeraient toute jouir d’une relation amoureuse. Ce qui fait dire à Freud que même dans cette situation où les jeunes filles n’ont pas de lien avec cette jeune fille en particulier ni avec son amant, il y a malgré tout un lien fort entre elles.  « L’un des moi a perçu chez l’autre une analogie significative en un point, il se forme là-dessus une identification en ce point et sous l’influence de la situation pathogène cette identification se déplace sur le symptôme que l’un des moi a produit »

L’identification au fantasme ?

C’est sans aucun doute cette identification qui préside à l’organisation horizontale de la foule mais Freud ne le dit pas.

Freud conclut :

« -l’identification est la forme la plus originaire du lien affectif à un objet

-par voie régressive elle devient le substitut d’un lien objectal libidinal par introjection de l’objet dans le moi

-elle peut naître d’une communauté avec une personne qui n’est pas objet sexuel »

Freud essaye de nous montrer que l’identification peut opérer une véritable transformation du moi ce qui expliquerait la mutation de l’individu dans la foule. Et il essaye en plus de nous donner les racines narcissiques de l’identification. Ainsi il nous propose d’entendre des identifications narcissiques

Ex : l’homosexualité

En effet quand l’enfant doit trouver des objets de substitution à la mère et qu’il choisit pour substitut de s’identifier à la mère de se transformer en elle et de trouver des objets comme lui qu’en tant que mère il pourra choyer. Cela produit une grande transformation du moi puisque cela change son caractère sexuel.

Ex : la mélancolie : identification narcissique (traitée dans « deuil et mélancolie « 1915 métapsychologie )

Le sujet s’identifie à l’objet total aimé et perdu dans le réel, il s’agit là d’une introjection totale de l’objet et une partie du moi se venge du moi-objet en se dépréciant. Ainsi le moi est transformé au point qu’il se coupe en 2 : une partie objet perdu, une partie que Freud associe au Moi et à l’IDM.

C’est dans « pour introduire au narcissisme » que Freud a développé la fonction de cette instance « héritière du narcissisme primaire »

L’enfant est obligé de constater les limites de son moi-idéal et pour retrouver quelque chose de la perfection narcissique, il doit passer par cette nouvelle instance qui est l’IDM construite par les représentations culturelles, sociales et éthiques transmises par ses parents. Freud décrit ces fonctions comme résultantes du refoulement: auto-observation /conscience morale/censure onirique/

C’est l’écart entre le moi et l’IDM qui caractérise le narcissisme du sujet. Chez l’enfant ils sont extrêmement proches, dans la pathologie mélancolique ils sont extrêmement éloignés.

Chapitre 8 : Etat amoureux et hypnose

L’état amoureux recouvre une multitude de réalités psychiques et en particulier l’amour sexuel et l’amour sensuel.

Définition générale : « l’état amoureux est l’investissement d’objet provenant des pulsions sexuelles en vue d’une satisfaction sexuelle directe » 

C’est un amour sensuel qui pourrait disparaître après satisfaction mais le besoin de recommencer nécessite d’investir un objet durablement et d’aimer cet objet en-dehors du désir sexuel.

Illustration dans le développement de l’enfant

  • l’enfant investit sexuellement un parent comme 1er objet d’amour

  • refoulement : renoncement aux buts sexuels

L’enfant garde l’attachement libidinal à ses parents mais les pulsions sont inhibées quant au but laissant place à amour tendre mais inconsciemment les pulsions sexuelles persistent.

  • puberté : réémergence des buts sexuels directs

soit le courant tendre et sensuel se maintiennent distinctement : coucher avec des femmes que l’on n’aime pas et aimer des femmes avec qui on ne couche pas

soit synthèse par réunification des deux courants : aimer une femme durablement avec qui on couche.

L’idéalisation dans l’état amoureux

Dans l’état amoureux on constate que la surestimation sexuelle de l’objet produit une IDEALISATION.

  • l’objet est traité comme le moi propre

  • la libido narcissique déborde sur l’objet et l’objet remplace l’IDM : on aime l’objet pour les perfections que l’on aimerait avoir.

  • Poussée à l’extrême : le moi se rétracte et laisse la place à un objet magnifique qui finalement prend possession du moi

  • + il y a idéalisation + il y a désexualisation

  • + l’objet prend la place de l’IDM + cette instance est défaillante

Différence entre identification et état amoureux

Identification : le moi s’enrichit des qualités de l’objet

L’objet est perdu, le moi y a renoncé mais l’a introjecté et l’a rétabli dans le moi

Le moi est partiellement modifié

État amoureux : le moi est appauvri, abandonné au profit de l’objet

L’objet est conservé et surinvesti en tant que tel

L’objet est mis en place d’IDM

L’hypnose : on retrouve les mêmes phénomènes envers l’hypnotiseur que dans l’état amoureux, là encore, l’objet est mis en place d’IDM

L’hypnose :

Situation artificielle intéressante car dépourvue de satisfaction sexuelle elle grossit les phénomènes que l’on va retrouver dans l’état amoureux et la foule.

  • elle met en exergue que l’IDM a une fonction essentielle : l’épreuve de réalité

  • la relation hypnotique est un abandon amoureux illimité puisque désexualisé

  • la relation hypnotique est une foule à deux

C’est bien pour cela que Freud l’a abandonnée comme technique.

Conclusion :

C’est l’inhibition quant au but des pulsions sexuelles qui permet de créer un lien durable entre les hommes car elles ne trouvent pas de satisfaction totale (à la différence des pulsions sexuelles non inhibées)

« Une foule primaire est une somme d’individus, qui ont mis un seul et même objet à la place de leur IDM et se sont en conséquence, dans leur moi, identifiés les uns aux autres »

Schéma

Nous avons donc 2 axes :

  • Un axe vertical qui repose sur l’installation par tous les individus d’un même objet extérieur à la foule, le meneur à la place de leur IDM (comme dans l’hypnose et comme dans l’état amoureux)

  • Un axe horizontal qui lui repose sur l’identification entre tous les membres de la foule du fait de l’inhibition des pulsions sexuelles.

Ainsi on voit apparaître l’IDM comme une instance indépendante.

Pour autant Freud n’explique pas ici la conséquence de qu’il nomme « mis à la place de l’IDM », car si l’IDM repose sur un objet extérieur, le moi ne possède plus cette boussole interne qui permet de naviguer entre narcissisme et exigence sociale. Est-ce que ce processus est une identification narcissique ? Où le moi devient dépendant à l’extrême de cet objet extérieur. De même l’identification entre les membres par amour pour le meneur, de quelle nature est-elle ? Ils s’aiment entre eux par amour pour le père, parce qu’ils se ressemblent, leur moi en est modifié mais quelles qualités prennent-ils les uns des autres ? Ils s’identifient à ce trait commun qu’ils ont : leur amour pour le meneur ? Ou bien au désir que chacun éprouve pour le meneur ? Cette identification est-elle purement imaginaire ?

Melman « je n’aime pas le même, ni l’autre, ni le différent alors qu’est-ce que j’aime » 10 mai 2014 «  je me disais que si nous étions aux Etats-Unis il faudrait que je commence comme ça « I love you » …aux Etats-Unis…dans une assemblée qui est forcément rendue disparate par son hétérogénéité et qui concerne aussi bien l’ origine, la langue, la couleur, la religion , le sexe, l’âge, l’éducation, la fortune etc…, on conçoit que pour pouvoir les rassembler autour d’un propos, pour que l’orateur puisse provisoirement constituer une sorte de famille car sinon il ne sera pas entendu, ce qu’il dira paraîtra injonctif mais nullement une adresse partagée, il faut créer artificiellement ce partage d’un trait commun qui en cette occurrence que je viens d’évoquer serait celui d’un amour, d’un trait d’amour qui , ne serait-ce que provisoirement, rassemblerait notre communauté et cela avec l’orateur lui même ….Comment se fait-il que nous ayons besoins à ce point les uns et les autres pour faire communauté, ne serait-ce que provisoire d’un amour partagé, que nous puissions tous nous réclamer de ce même trait qui permet à une assemblée de ce tenir»

Chapitre 9 : la pulsion grégaire

Les liens affectifs dans la foule expliquent plusieurs phénomènes 

  • réduction de l’initiative personnelle

  • identification entre les membres

  • affaiblissement intellectuel

  • désinhibition affective

Il y a une régression de l’activité psychique qui relève de la suggestion du meneur sur les individus et suggestion entre les individus.

L’apport de Trotter sur la pulsion grégaire :

-tendance innée et biologique des individus à se réunir en des unités de plus en plus grandes.

-l’individu se sent incomplet quand il se sent seul

-c’est une pulsion primaire comme / P. d’autoaffirmation/P.alimentaire/P.sexuelle/

-la pulsion grégaire s’oppose aux autres : c’est une force refoulante

– le langage aurait en cela une fonction essentielle pour assurer la compréhension entre les membres du troupeau

Freud dit que c’est intéressant mais Trotter ne cherche pas plus loin que cette pulsion grégaire.

Pour Freud : « la suggestibilité est un rejeton de l’instinct grégaire »

De plus Trotter ne s’intéresse pas au meneur.

Pour Freud la pulsion grégaire n’est pas primaire .Il démonte le travail de Trotter.

  • l’enfant seul n’est pas apaisé par n’importe quel adulte mais uniquement par la mère

  • l’enfant a peur de l’étranger

  • la jalousie est première et ce n’est que sous la contrainte qu’il s’identifie aux autres

La pulsion grégaire est une formation réactionnelle à la jalousie, elle « naît de l’idée de justice qui propose un traitement égal pour tous » « on se refuse beaucoup de choses à soi même afin que les autres y renoncent aussi ». C’est l’exigence d’égalité qui produit la conscience sociale.

« Le sentiment social repose sur le retournement d’un sentiment d’abord hostile en un lien à caractère positif de la nature d’une identification….ce retournement n’est possible que sous l’influence d’un lien collectif de tendresse avec une personne située en dehors de la foule »

Il y a bien un point en dehors du système pour qu’il y ait une cohésion du groupe : le père de la horde. Ce qui fait dire à Freud «  l’homme n’est pas un animal de troupeau mais un animal de horde menée par un chef »

Chapitre 10 : la foule et la horde originaire

La horde : mythe originaire de la société, prototype de la foule

Freud remercie Darwin car il reprend l’idée que la société humaine est une horde soumise à la domination d’un mâle puissant dans sa forme originaire. D’ailleurs dans totem et tabou il essaye de montrer les traces de cette horde dans le totémisme qui est la structure archaïque de la société humaine : mise en place de la religion, de l’organisation sociale, de la moralité.

C’est le passage par le meurtre du père de la horde à la communauté de frères.

La foule humaine ressemble à la horde conformément à la régression psychique démontrée plus tôt. « La foule est une reviviscence de la horde originaire »

Ainsi Freud dit que l’on retrouve en chaque individu tout le développement de l’individu humain, de même que dans chaque société on retrouve la horde originaire.

Ces deux psychologies ne sont pas dans une relation historique mais concomitante car dans la foule on retrouve tout autant la psychologie du meneur que la question de l’individu.

Le meneur dans la horde imaginaire

Il est tout puissant, narcissique à l’extrême, n’a pas besoin d’être aimé, c’est le surhomme de Nietzsche.

A  l’instar des sociétés animales, seul le meneur a une vie sexuelle, les soumis n’en ont pas et s’attachent d’autant plus facilement tendrement au meneur.

Pour Freud c’est le meneur qui fait la psychologie des foules.

L’hypnotiseur

L’hypnotiseur dit détenir un pouvoir et invite le sujet «  à retirer tout son intérêt pour le monde extérieur et à se concentrer sur la personne de l’hypnotiseur » tout comme dans le sommeil.

L’hypnotiseur fait revivre alors au sujet son « héritage archaïque » où il doit se soumettre à une personnalité surpuissante à laquelle on a été forcé de remettre sa volonté.

L’hypnose est donc une foule à deux : où la suggestion « est une conviction qui n’est pas fondée sur la perception et le travail de la pensée mais sur un lien érotique ». « La suggestion est une manifestation partielle de l’état hypnotique, lequel a son véritablement fondement dans une disposition inconsciemment maintenue, issue de l’histoire originaire de la famille humaine »

Chapitre 11 : un stade dans le moi

La psychologie individuelle et la psychologie des foules s’entrelacent en permanence car un sujet appartient toujours à plusieurs groupes à la fois (famille, nation, religion…). Dans ces groupes stables, le sujet résiste et trouve quand même à exprimer sa singularité. A la différence des foules éphémères où le singulier disparaît le temps de la foule, le temps où l’Idéal de la foule incarné par le meneur se substitue à son propre IDM.

Pourquoi cette substitution est-elle possible ?

Elle le serait car chez beaucoup d’individus l’IDM est resté très proche du MOI, « le moi a conservé l’autosatisfaction narcissique antérieure ». C’est eux qui vont projeter dans le meneur ces mêmes qualités associés à une toute puissance et « d’une plus grande liberté libidinale ». Ils vont alors trouver dans cet homme un IDM tout trouvé.

Les autres qui auraient un développement plus efficient seraient conquis par identification aux autres.

Ce sont les avancées théoriques sur le narcissisme qui ont permis à Freud de d’élaborer les deux mécanismes sous-jacents à la constitution des foules :

  • la distinction de l’instance IDM du Moi

  • en découle : l’identification et la substitution de l’objet à la place de son propre IDM

Par cette séparation de cette instance, le moi peut alors avoir des relations d’objet avec cet IDM, les mêmes relations avec les objets extérieurs pourraient se répéter intrapsychiquement.

Plus Freud avance dans la métapsychologie plus il avance une topologie complexe où les coupures ne sont plus souvent que des retournements. Aussi quand Freud a invoqué le refoulement il n’a pu le faire qu’en parlant du retour du refoulé. De même pour la coupure entre IDM et Moi il y a des moments ou les deux espaces se rejoignent. Freud évoque les fêtes «  dans tous les renoncements et limitations imposés au moi, l’infraction périodique aux interdits est la règle, comme le montre l’institution de fêtes qui à l’origine ne sont rien d’autre que des excès permis par la loi et qui doivent précisément à cette libération leur caractère de gaîté »

Ici Freud définit l’IDM en terme de surmoi «  il englobe la somme de toutes les limitations auxquelles le moi doit se soumettre ».

Quand l’IDM se retire c’est-à-dire quand il n’y a plus d’écart entre le moi et l’IDM alors il y a une sensation de triomphe.

Cette hypothèse : que l’humeur serait régie par les tensions ou l’absence de tension entre le Moi et l’IDM, permet à Freud de proposer une origine à toutes les pathologie de l’humeur : PMD ou mélancolie. « Leur IDM se dissout temporairement dans le MOI après avoir exercé préalablement un pouvoir particulièrement rigoureux ». La manie serait un acte de rébellion (comme une fête) contre l’institution d’un idéal trop exigent.

Freud fait un développement sur la mélancolie.

Chapitre 12 : annexes

1-Approfondissement des pulsions inhibées quant au but

Réaffirmation de l’origine sexuelle de toutes les pulsions même celle qui sont inhibées quant au but, voir sublimées. « Elles conservent toujours encore quelques uns des buts sexuels originels. ».

Ceux sont les pulsions inhibées quant au but qui assurent les liens affectifs durables. Donc même les plus belles relations idéalisées ont un soubassement sexuel.

Freud les définit comme malléables puisqu’elles peuvent s’associer aux pulsions directes et même se retransformer en pulsions directes puisqu’elles en sont issues.

« Les tendances sexuelles inhibées proviennent de tendances directement sexuelles précisément quand des obstacles internes ou externes s’opposent à l’accession aux buts sexuels » ex : le refoulement de la période de latence.

2- approfondissement de l’articulation entre pulsion sexuelle directe et foule

La pulsion directe empêche la constitution de la foule : car les amoureux s’opposent à tout ce qui fonde la foule : volonté d’être seul au monde/ surestimation de la différence entre une femme et une autre femme…

Sexuel et foule ne font pas bon ménage !

« L’amour homosexuel s’accorde mieux de la foule »

La névrose dont le conflit indique bien un refoulement non efficace des pulsions sexuelles directes «  exerce sur la foule une action désagrégeante ». D’ailleurs la religion est un remède contre la névrose.

3 – conclusions

L’état amoureux repose sur les deux types pulsions sexuelles : directes et inhibées quant au but ; l’objet attire une partie de la libido narcissique. Il s’agit d’une fusion où il n’y a pas d’espace pour l’extérieur.

L’hypnose : on retrouve la même dyade que dans l’état amoureux mais le processus repose strictement sur des pulsions inhibées quant au but et l’objet mis en place d’idm.

La foule : même processus que l’hypnose, auquel s’ajoute l’identification entre les membres « qui peut être fut possible à l’origine grâce à une même relation d’objet.

Ces trois états sont des niveaux évolutifs de la séparation du moi et de l’IDM du fait de la prédominance des pulsions sexuelles inhibées quant au but.