Sébastien Prévosto – Retour sur le Séminaire d’été 2020 – L’Éthique de la psychanalyse – Jacques Lacan

Je voudrais aujourd’hui évoquer la présentation de Mme Juliana Castro, le 29/08/2020 dans le cadre du séminaire d’été sur l’éthique de la psychanalyse. Mme Castro est psychologue clinicienne et psychanalyste, elle travaille à l’institut national du cancer INCA  à Rio et a participé aux journées d’études organisées à Rio en 2018 et 2019 « Corps et finitude ». Elle travaillait auparavant dans un Hôpital Psychiatrique (Jurujuba à Niterói).

Son exposé s’intitulait « l’horreur existe elle au pluriel? » et il semblait venir en écho aux travaux proposés  lors de ces journées autour de la question du beau et de son rapport à la Chose Freudienne développés à partir du séminaire de Lacan sur l’éthique.

Mme Castro s’appuya sur 3 présentations cliniques précises et acérées de patients psychotiques ainsi que de patients rencontrés dans le champ institutionnel de l’oncologie. Les cas présentés venaient en écho au développement de son exposé, articulé autour de trois signifiants: « corps, douleur et horreur ».

Ces présentations ne manquèrent pas de soulever, pensais-je alors, l’effroi vécu par ces 3 patients. Mais de quel effroi s’agissait-il ? De celui de ces patients, dans leur réalité psychique ? Peut-être mais je n’en savais que peu de choses. De l’effroi de cette clinicienne nous détaillant l’horreur, comme elle la nommait elle-même, avec précision et acuité ? Peut-être était-ce tout simplement de l’effroi que je ressentis moi-même, de ce frôlement avec ce qui d’ordinaire est voilé et que je croise si souvent, sans pouvoir toujours le nommer, comme tel, dans ma clinique personnelle ?

De cette intervention qui m’a attrapé tout de suite,  je vais tenter de vous en dire quelque chose au plus près. L’hypothèse de Juliana Castro, c’est que le dévoilement du montage de l’image du corps aurait un lien avec l’horreur.

Je reprends donc ses présentations cliniques.

À l´hôpital psychiatrique, André, 50 ans, cachectique en raison de sa mélancolie, disait qu’il souffrait d´une hémorroïde qui bouchait son anus, l´empêchant d´évacuer ce qu´il avalait. La nourriture “s´accumule”, disait-il, “au moment d´évacuer, ça ne sort pas, ça ne descend pas”. “C´est très douloureux!” Il se plaignait de douleur à l´anus qui se propageait dans le dos et dans le corps tout entier. “J´ai une maladie grave, je ne sais pas si c´est le cancer, le SIDA, la tuberculose.” Son sang serait épais. “Je suis complètement foutu, pourri de l´intérieur.” “J´ai une douleur chronique.” Il a fait des tentatives de suicide par étranglement, ingestion d´objets ou absorption excessive de médicaments, il s´est jeté sous des voitures. 

Je lui ai proposé d´écrire sur sa “douleur chronique”.  Il a commencé à écrire de façon chaotique, les lettres partaient dans tous les sens et remplissaient toute la feuille. Nous avons fait un travail où il lisait, et nous introduisions ensemble la ponctuation. Avec les scansions, les mots ont fait leur apparition. Son écriture s´est organisée sur le papier. Il a pris du poids, a commencé à écrire des poésies qu´il vendait au sein de l´hôpital et achetait des “friandises” avec l´argent récolté. Il a commencé à écrire aussi des histoires d’horreur, de monstres, de corps morcelés et putréfiés. 

Comme l’évoquait Thatyana Pitavy en reprenant Lacan dans son intervention lors de ces journées, « le Réel peut se supporter d’une écriture » ou pour citer Lacan dans le séminaire RSI (XXII) « du Réel il n’est pas d’autre idée sensible que celle que donne l’écriture, le trait d’écrit ».

J. Castro nous proposa ensuite un cas à l’institut de cancérologie. Denise souffrait de douleur chronique au bras gauche suite à une opération de mastectomie du même côté. “Ma vie se passe très bien, mon mari est très bon, mes enfants… Mon seul problème est cette douleur dont aucun médicament ne vient à bout.” Denise avait alors 53 ans et disait se sentir comme “une vieille de 70 ans”, au corps rigide et courbé, portant une minerve. Elle m´a parlé de la mort de sa mère qui aurait eu le même type de cancer et au même âge et de la certitude qu´elle mourrait et qu´elle laisserait sa fille orpheline, tout comme sa mère l´avait laissée. 

Au cours du traitement, la douleur a cessé d´être incontrôlable et Denise a retrouvé de la mobilité. Elle a commencé à faire des cauchemars dont elle ne se souvient pas et se réveille en criant, insultant et frappant son mari. Tout cela la dérange beaucoup, elle trouve cela étrange, “c´est comme si ce n´était pas moi”; tout en se responsabilisant: “mais c´est bien moi qui ai rêvé”. Elle m´a rapporté un cauchemar dont elle s´est réveillée en entendant son propre cri: “Où est le  sein? Où est le  sein?” “Où est le sein?”, ai-je demandé. “Le sein est parti en analyse” [c’est à dire en anatomopathologie]. Ce à quoi j´ai répondu: “le sein est venu en analyse”.  

À l’INCA également, une autre patiente Jacqueline, 40 ans, hospitalisée en soins palliatifs, souffrait d´un cancer du sein. “Ce qui me gêne le plus, c´est l´odeur, odeur d´eau de saumure, de viande pourrie: charogne.” Elle me parle d´une douche qu´elle a prise: “Je regardais par derrière, sur le sol et je voyais les morceaux de chair, comme ça, qui s´écoulaient…” 

 La fonction de la beauté dans la tragédie est d’être une “barrière extrême à interdire l’accès à une horreur fondamentale”, dit Lacan (1963). “Les images sont trompeuses”, dit-il dans l’Éthique, car nous ne voyons pas que les belles images sont toujours creuses.

Pour Freud (1914), dans la douleur ou la maladie, on peut perdre tout intérêt pour le monde extérieur et centrer son investissement libidinal dans le moi. Il dit que “la manière dont, dans les maladies douloureuses, nous acquérons une nouvelle connaissance de nos organes est peut-être de nature à nous donner une idée de la manière dont nous nous élevons à la représentation de notre corps en général” (1923). Pour Lacan (1966), “c’est seulement à ce niveau de la douleur que peut s’éprouver toute une dimension de l’organisme qui autrement reste voilée”.  

Selon Freud, la douleur « c’est l’âme qui est resserrée en ce lieu-là du corps ».

Pour Lacan, « l’objet a peut constituer dans le corps, s’il ne peut être expulsé, une douleur ».

Melman parle, dans la maladie, du corps qui pèse, qui souffre, qui est présent et auquel se réfère le corps comme en tant qu´étranger. Il évoque “des parties spécifiques du corps qui peuvent venir supporter ce caractère d´être étrangères dans l´organisme”.  

Pour Czermak, il faut un discours pour relier les organes en fonction, pour qu’ils soient organisés selon leurs fonctionnalités, leurs spécificités et rythmicités. Il n’y a pas de discours pour relier les organes en fonction dans la psychose, dit-il, ainsi que dans les phénomènes psychosomatiques et ceux du vieillissement, où la destruction du discours produit des manifestations d’obturations orificielles et des dysfonctionnements. 

J. Castro poursuivit son exposé en proposant que « le montage de l’image du corps est une opération discursive qui peut être ou ne pas être actualisée ». Si je l’ai bien entendue, que la représentation du corps n’est pas seulement perceptive ou sensitive, mais plutôt que cette construction de l’image du corps se bâtit sur le maillage de ces traits d’images perceptives avec du discours.

Aussi dans ces cas présentés l’opération discursive ne s’étant pas actualisée, « l’horreur apparaît si ce montage de l’image du corps se dévoile ».

C’est ainsi le cas en cancérologie lorsque les tumeurs déforment les corps ou les amputent et l’expérience montre que la tumeur ou le cancer sont souvent, longtemps indicibles avant que la nomination ne soit possible puis reprise dans un récit singulier de la maladie.

A la lueur de cet exposé, je voudrais ébaucher une tentative de lecture topologique de ces cas.

Je reprends les cas des patients en oncologie, selon J. Castro, c’est d’une opération discursive qui n’a pu s’actualiser, que s’augure le dévoilement du montage de l’image du corps.

Serait-ce alors une représentation imaginaire d’un corps abom-innommable, qui aurait à plus à voir avec un nouage Réel-Imaginaire, et une mise en échec épisodique du nouage au Symbolique ? A cet endroit la représentation du corps, comment se tient elle, se maille-t-elle encore au Symbolique ?

Dans le cas du patient psychosé, le vécu du corps semble également relever d’une opération discursive inactualisable qui ne soutient plus le montage de l’image du corps. Pour autant je proposerais une tentative de nouage différente, ne serait-ce pas l’horreur abrupte du signifiant nu, plombé de ne pouvoir se sérier dans la chaîne signifiante, car à cet endroit non représentable, non imaginarisé ?

 Un nouage  Symbolique-Réel abrupt qui ne parvient pas à maintenir en tout point les coordonnées du maillage avec l’Imaginaire. Ce serait encore une impossibilité d’actualiser l’opération discursive, mais au contraire du cas précédent, ce serait plutôt une impossibilité représentative, l’immédiateté d’un corps signifiant.

Je voulais proposer la lecture d’un passage d’un article de Michel Bousseyroux, qui je trouve, vient en écho à cette proposition sur le nouage borroméen et la psychose. L’article s’appelle «  Le nœud borroméen et la question de la folie. Ce qui s’apprend de Joyce »

Je cite : « Le réel de la fonction père n’a plus barre sur le symbolique. À la faillite de fait du père répond donc une faillite de fait du nouage borroméen. Son résultat est que le corps (l’imaginaire) est libéré, n’est plus solidaire du réel et du symbolique. L’effet borroméen de la forclusion de fait porte donc sur le corps, sur l’« avoir un corps », cet avoir impliquant son lien au symbolique et au réel. »

Juliana Castro a également évoqué sans s’étendre ni l’exemplariser, la démence sénile comme lieu et moment où l’image du corps en tant qu’opération discursive n’était pas actualisée, laissant poindre l’horreur comme dans les cas du cancer ou de la psychose.

J’ai été tout de suite attrapé par cette question, du fait de ma clinique personnelle en neurologie et particulièrement dans les pathologies neurodégénératives.

Je voudrais évoquer une petite vignette clinique pour aborder cette partie.

  • M est un monsieur de 80 ans lorsque je le rencontre, qui présente une pathologie neurodégénérative, affublée du charmant acronyme de DTA.

Je suis appelé parce que M. M présente des troubles mnésiques, mais que depuis quelques temps selon les médecins « il a des hallus » qui rendent son comportement ingérable, paranoïaque et agressif. « Il perd la tête » selon sa femme qui tente, quant à elle de maintenir un accompagnement difficile à domicile.

 Lorsque les hallucinations se présentent les proches tentent de convaincre le patient que cela n’existe pas et qu’il se trompe, ce qui achève de le faire enrager.

Quand je le rencontre il est très méfiant et distant bien que courtois et parfaitement adapté. Il présente certes des troubles de mémoire à court terme, mais ses mémoire sémantique et à long terme sont quasi intactes. Il ne présente quasiment aucun trouble phasique, si ce n’est un très léger manque du mot. A contrario son comportement au quotidien est très parasité par « des hallus » qui occasionnent de véritables crises familiales. Les premiers mois de nos rencontres n’ont jamais été l’occasion de ces « hallus », mais je notais très vite des troubles à type d’agnosie (trouble de l’appréhension et l’identification des objets, des sons, de l’espace, des formes, et du monde alentour), qui se concentraient, dans son cas, surtout sur une agnosie concernant les formes et l’espace. Dans le jargon neurologique, une agnosie associative visuelle principalement visuo-constructive.

LES AGNOSIES

Terme créé par Freud (1891).
L’agnosie est une impossibilité d’identifier un objet offert à la perception en l’absence de déficit élémentaire, de syndrome confusionnel, de trouble de la conscience, de l’attention ou de trouble du langage. On considère que le patient ne peut reconnaître le stimulus s’il ne peut pas le nommer, montrer son usage ou le désigner en choix multiple.

Il s’agit donc d’un trouble de traitement cortical du signal : impossibilité d’identification de l’objet antérieurement connu. Il correspond à une lésion des aires associatives uni – ou multimodales avec respect des aires sensorielles primaires.

Les principales agnosies sont les agnosies visuelles, auditives et tactiles.

Habituellement, le stimulus non reconnu par un canal pourra être reconnu par un autre : un objet non reconnu par la vue pourra l’être au son.

Pour ce qui nous intéresse ici, il est important de concevoir ici, que ce Monsieur voyait parfaitement, était capable d’identifier les personnes, les visages, les situations, de tenir un débat philosophique ou politique complexe, d’évoquer précisément son histoire personnelle et de savoir qui était venu manger lors du repas dominical.

Mais il était dans l’impossibilité de reproduire une forme géométrique élaborée, des emboîtements élaborés. A un stade plus avancé ces troubles peuvent entraîner l’impossibilité par exemple de ranger des lunettes dans leur étui, s’asseoir sur une chaise, se saisir d’un objet, jusqu’aux formes les plus graves qui ne permettent plus la station debout et l’intégration d’un environnement tri-dimensionnel stable. Dans son cas, ces troubles gnosiques étaient légers, mais responsables de ses impressions de déformation du monde et des comportements de ses proches. Les premiers temps ces troubles sont restés tus et sous-jacents, mais au fil de leur apparition, ils ont été rejetés, combattus et cristallisés autour d’émotions très négatives et culpabilisantes; la famille pensant, je cite : « l’empêcher de partir en biberine ».

Malheureusement la situation se dégradait dangereusement et versait vers la paranoïa. M. M et ses proches étaient confrontés à un monde en dislocation, une horreur qui n’était plus voilée,

L’intervention orthophonique et l’explication de ces troubles et de leur origine neurologique à la famille permit dans un premier temps de limiter la péjoration de la situation. Ils s’adaptèrent rapidement et le questionnaient, s’intéressaient à « ses hallus », ce qui permettait de déplacer leur position et d’envisager un abaissement de la charge émotionnelle de ces troubles.

En parallèle lors de nos entretiens, M. M participait  d’un récit singulier concernant « ces hallus » et de la perception qu’en avaient les proches. Il voyait les murs bouger, les rideaux danser, les meubles être comme différents « c’est ma maison et ce n’est pas ma maison ». « Ils veulent montrer que je suis fou, que je perds la tête, ils veulent que je quitte ma maison, mais moi je vois bien que c’est pas ma maison ». Ce récit s’est peu à peu déployé dans un récit plus historisé et personnel, sur sa jeunesse au Maroc, l’exil, le départ en bateau, la perte de sa maison et de son pays. La douleur de s’être senti jeté dehors, chassé, banni. Dans le sillage de cette pathologie, d’autres troubles de mémoire, de langage ont continué leur inexorable progression, les troubles gnosiques n’ont pas cédé, ils ont continué leur lent envahissement de la réalité psychique et cérébrale.

Cependant les « hallus » ont perdu leurs caractéristiques agressive, intrusive, violente et M. M a connu un apaisement des tendances paranoïaques qui le tenaillaient.

Malgré cet apaisement, au cours de ce travail, elles réapparurent par moments, transformant l’appréhension floutée de sa maison et son environnement en moments d’angoisse et d’inquiétante étrangeté.

Dans ces moments, je proposais une reprise dans un récit singulier et historisé, les murs bougeaient, les rideaux dansaient mais « comme dans le bateau », on voulait le chasser «  comme il avait été chassé ». Souvent ces traductions proposées étaient reçus avec enthousiasme, « exactement » ou alors «  il faut le dire à ma femme ça, elle me prend pour un fou ».

A l’écoute du propos de J. Castro, et à partir du travail qui s’en est suivi, je fais l’hypothèse que c’est de l’actualisation de l’opération discursive de l’image qu’il était question, une actualisation à rebours, historicisée, car la maladie d’Alzheimer a ceci de particulier, qu’elle plonge le sujet dans un présent gorgé de passé, dans une actualité historicisée.

Je rencontre souvent la déstructuration de la représentation du corps, des objets, parfois des sons, et même du monde alentour dans ces pathologies. Je pense notamment aux agnosies (troubles de l’identification des objets, des formes, des sons, des gestes et même de l’espace et de ses contraintes) ainsi qu’aux apraxies (troubles concernant la représentation du corps et des schèmes moteurs). En cela ils ne sont pas des troubles perceptifs visuels ou auditifs (pas de cécité ou de surdité) ni des troubles moteurs mais bien représentatifs. Ces troubles sont souvent minorés dans les diagnostics concernant la mémoire ou le langage, des patients atteints de neurodégénérescence car difficilement identifiables et représentables pour les médecins et les familles. Ils sont pourtant souvent responsables de la perception de démence qu’ils inspirent. Pour autant c’est bien plus de l’horreur qu’il s’agit lorsque les images du corps, des objets et du monde se délitent, plutôt que d’une démence ou d’une folie supposée.

Là encore c’est du fait de l’opération discursive qui ne peut plus s’actualiser à propos de ces images que surgit le réel du délitement.

Je propose également une lecture plus topologique, de ces cas atteints de troubles cognitifs dégénératifs. Ces patient présenteraient un nouage borroméen qui aurait peu à voir avec la démence ou la folie au sens psychiatrique, mais les troubles cognitifs atténuent, brouillent, parfois empêchent la qualité du maillage permettant la représentation, et l’articulation dans les registres Symbolique et Imaginaire. Leur réalité psychique n’a plus les outils suffisants pour soutenir en tout point ce maillage et voiler, couvrir l’émergence du Réel.

J. Castro défend l’idée que l’horreur a à voir avec le corps, que l’abject c’est ce qui franchit la limite du corps, la plaie, le sang, le pus, ce qui le dépasse ; ce qui révèle le montage de l’image du corps.

Cet exemple qu’elle prit sur la démence et les réflexions qu’elles m’occasionnèrent m’amenèrent à me demander si l’horreur c’était bien comme elle l’annonçait à partir de sa clinique, la révélation du montage de l’image du corps ou si l’horreur n’avait pas à voir avec le dévoilement du montage de l’image de notre réalité subjective, du montage de notre représentation du monde ?

Je rejoins néanmoins Mme Castro sur le fait que si l’horreur révèle un montage de l’image du corps, ou peut-être de la réalité ?, c’est toujours une révélation concernant l’actualisation ou non d’une opération discursive singulière vis à vis de l’image.

Les troubles phasiques (tb neuro du lge), manques du mot, paraphasies qui ne manquent jamais d’apparaître au cours de l’évolution de ces pathologies semblent être des marqueurs de ce désarrimage de la réalité subjective, des représentations de cette réalité avec la chaîne signifiante. Une impossible actualisation de l’opération discursive.

Si dans le cas de la douleur, cette dernière « vient révéler du corps qui autrement est voilé », il me semble que dans le cas des patients atteints de démences dégénératives, la souffrance et la confusion psychique viennent révéler du Réel qui autrement est voilé. Les hallucinations et peut être certains types d’amnésies seraient des tentatives de retisser du voile sur cette réalité psychique qui s’effiloche.


Je voudrais pour terminer, tenter de poser à nouveau la question initiale de J. Castro : « est-ce que l’horreur fondamentale existe au pluriel?

Dans le propos que nous avons tenté de développer,

est-ce qu’il s’agit de la question des horreurs plurielles, imaginaires supposées aux patients ? C’est probablement de celles-là qu’il s’agit dans mes nombreuses tentatives souvent douloureuses d’étayage et de rééducation orthophoniques.

Est-ce qu’il serait question d’une horreur singulière dans la rencontre de ces patients atteints par ces pathologies ?

En ce sens, ce travail singulier que nous proposons sur cette convocation à l’horreur, sur le Réel de cette Chose, se situe bien dans le champ de l’éthique de la psychanalyse.

Il semble alors que je rejoigne J. Castro dans la conclusion de son intervention, lorsqu’elle dit que l’horreur fondamentale elle est au singulier.

Sébastien Prévosto