Séminaire ALI PROVENCE Carpentras – L’Identification. Jacques Lacan – D’après la Leçon 1 du 15 novembre 1961

Séminaire ALI PROVENCE Carpentras ; Le 5 Octobre 2020

Titre et sujet, l’identification trouve sa place dans l’œuvre de Jacques Lacan à la suite d’écrits qui forment un ordre. 

On ne saurait trop rappeler, que le mot séminaire outre son intellectuelle référence à la culture, porte aussi graine et semence (seminarium/pépinière/ de la racine semin). 

Floraisons et récoltes tenant aussi compte de paramètres saisonnés et périodiques. 

Dans son introduction, Lacan parle du travail avancé sur une année, de son après coup dans ce qui fait suite l’année suivante, voir à manquer l’année d’après. 

Les séminaires se suivent, ne pouvant tous s’inclure mutuellement les uns les autres, sans qu’une partie n’en soit exclue. 

Ordre, qui fait écho de manière importante dans notre leçon 1 (p 4) avec l’éthique (alors que le séminaire précédent était … Le transfert.) 

Ce transfert, est le manquant, l’énigme dont parle Lacan, s’en référant à « la nappe humide » des effets narcissiques illustrés dans l’identification avec l’Orestie revisitée de Claudel. 

Ce que Lacan nous dit, c’est que le Protée de Claudel est une tentative de compléter la littérature grecque, dont il ne reste que deux épaves de Sophocle et 1 Héraclès d’Euripide. 

Bouffonnerie d’un pauvre mat non encré … sans racines parti à la dérive …il semble que la tragédie « fasse belle » sans pouvoir se hisser au niveau du beau.  

La complétude recherchée n’aurait pas réussi à élever l’objet à la dignité de la chose, visant à s’appuyer sur l’œuvre existante dans l’opération de comblement du vide. 

Et Lacan de nous rappeler la fonction de cette barrière de la beauté́ sous la forme de l’agonie qu’exige de nous la Chose pour qu’on la joigne.  

La différence entre artiste et faire l’artiste se découvre donc dans une démarche fortement intime éprouvée (objet perdu) pour le premier et de tentative de restitution de l’objet pour le second. 

Image de l’identification, l’esthétique montre le chemin entre la limite du transfert et son pivot … p 3, l’identification dans son rapport au beau ne se réfère pas, comme on pourrait le penser très simplement à la copie, mais à ce qui tourne autour de cet axe majeur qu’est le transfert.  

Il est ainsi très remarquable le travail de Monsieur Saphouan, lecteur de Lacan qui n’est pas celui de traducteur (p 4 Réfs/ L’éthique), mais plutôt celui de chercheur, découvreur de cryptogrammes au sens cachés. 

A noter de façon anecdotique, le cryptogramme qui est la série des 3 chiffres qui se trouvent au dos des cartes bancaires, comme un numéro complémentaire et tiers sécuritaire. 

Que dire aussi des technologies Google, qui traduisent toutes les langues et dont l’origine du nom même – GOOGLE, s’enracine dans le signifiant numéraire gogol, c’est à dire 1 + 100 zéros.) 

Lacan fait un rapport entre les chiffres et les lettres, dans un comptage qui se veut pulsations, de deux en deux, la répétition entraine inévitablement une loi ternaire (2 + 2 + 2 = 6 soit 3 x 2). 

Le chiffre impair nous faisant toujours retomber sur le signifiant, et donc du rapport du sujet à ce même signifiant. 

Pour simplifier les choses au maximum, prenons le cas de la procréation celle-ci implique au moins un rapport de départ d’au moins 2 + 1 (un homme/une femme ou gamète male / gamète femelle d’où va s’extraire l’embryon, le fœtus, le bébé). 

Avant 3, il y a donc eu au moins 2. 

Dans l’indémaillable mère/enfant, nous comptons ou pas, le tiers qui a sauté, ce qui a valeur d’impair (signifiant père comme instance tierce) … 

Un signifiant est composé de lettre et la lettre est régulée par un comptage, l’alphabet a  alpha/ aleph,   b(1ere) Beth (2eme) par exemple se décompose en lettres comptabilisables en chiffres et en phonèmes, ceci dans toutes langues, dans l’exemple : lettre 1= a, lettre 2 =b. 

Mathématiques étant par déplacement langues et langues étant lettres donc métaphoriquement chiffres. 

Cette petite simplification pour introduire ce que Lacan nomme : l’Identification même. 

Pour ce faire, il emploie la lettre A. 

Si nous faisons un double de A, en tant qu’image de l’identification, on obtient A et A. 

A qui apparaît comme copie de A, induit un ordre (un premier, un suivant, 1, 2). 

Ainsi si un deuxième ne peut être premier, A et A ne se sont pas semblables. 

La duplication déroule ainsi une chaine, dont la valeur n’est signifiante qu’à partir d’un autre, c’est à dire un signifiant pour un autre signifiant. 

(J’aimerai faire une parenthèse pour illustrer le propos sur la question de la gémellité. 

Curieusement cocasse, monozygote (1 cellule) ou dizygote (2 cellules) la question s’énonce dans un rapport à la vérité, comme vrai ou faux jumeau. 

Le vrai serait le semblable, et le faux un faux semblable, voir déjà même un opposé sexuel, pas si loin que ça du paradoxe de l’œuf et de la poule)…

Ceci, dans la langue, désigne déjà des systèmes identificatoires qui sont à l’usage du sujet et du signifiant. 

J’ajouterai juste, que dans le cas de jumeau quel qu’il soit, les places anténatales dans le giron maternel ne sont pas les mêmes, et que la naissance ne procède que d’un en un (untel né à telle heure, et son jumeau à une autre). 

Lacan nous parle d’identité, et de l’idem (pareil, aussi…même). 

Et de rappeler le redoublement du me/me, qui par une mise en face à face (comme notre A précédemment) vient extraire un moi. 

Que ce moi-même, inclus toutes les images identificatoires qui l’ont précédé (le moi, le toi, le lui, le elle) 

Ainsi, ce déplacement fondateur se retrouve métaphoriquement à l’usage des langues pour désigner l’identité (self, autos …) 

C’est en passant par Descartes, avec « Je pense donc je suis », que Lacan aborde l’effet du signifiant, signifiant d’où le sujet s’extrait pour s’incarner sujet. 

Alors que la pensée définit le sujet comme un être penseur, penser ne suffit pas à résoudre le « qui suis-je ? », au contraire le « Je pense, donc je suis » ne dit absolument rien du tout sur l’identité du sujet (A part, je suis un penseur). 

Lacan opère son déplacement explicatif par de nombreux développements et j’ai choisi de retenir plus sensiblement celui-ci : « j’en entends de toutes les couleurs » p10. 

S’il n’est pas « entendable » qu’une couleur puisse être entendue, il est cependant véritable qu’elle puisse s’entendre. 

* exemple, si je dis : La terre est bleue comme une orange …  Vous la voyez ronde. Les mots ne mentent pas, vérité plus vraie que vraie, car il fût un temps avant Paul Eluard et l’affaire Galilée où la platitude était vérité scientifique. 

Le fameux « Et pur si move -> et pourtant elle tourne », jamais prononcé continue sa course des planètes telle la rumeur qui se propage … de bouche à oreille. 

Le crédit sur la vérité-vraie de la psychanalyse, s’appuie sur le fait qu’inaudible, celle-ci (et surtout l’enseignement de Lacan) continue d’être entendue, faisant seul acte de vérité à la lumière du signifiant. 

Il n’y a pas d’autre vérité que celle de l’inconscient qui se présente comme le dessous des cartes (->Descartes). 

Et Lacan de pointer que la philosophie du point de vue de la vérité, installe une double vérité …ce doublon qui en fait donc une valeur qui se déplace à une autre, pose inévitablement la question d’une première, puis d’une deuxième proposition. 

P 14 : 

« Je mens », si je le dis, c’est vrai, donc je ne mens pas, mais je mens bien pourtant, puisqu’en disant « Je mens » j’affirme le contraire.  

Ainsi Lacan, démontre qu’il existe quelques manières de s’arranger avec la vérité, dès lors que l’on passe de l’une à l’autre, suivant « l’affirmation universelle A »  

« Tous les Crétois sont des menteurs, ainsi parle ÉPIMÉNIDE le Crétois » ». En tant que vérité, proposition 1. 

Ou bien : 

« Il n’y a pas de Crétois qui ne soit capable de mentir ». En tant que Vérité, proposition 2. 

Il est tout à fait observable, que les plaidoiries dans le monde de l’avocature sont construites sur cette ambivalence de la double vérité.  

Laissant entendre tout à fait autre chose, qui quelquefois très loin de la vérité première, réussit a faire condamner le volé à la place du voleur … 

Ce n’est pas pour rien que Lacan nous parle de procès p 19, avec un « je pense » qui vise à faire sortir : « un statut sans préjugé comme sans infatuation à mon existence ». 

Que la dimension volontaire du jugement p 17, est une mise en garde dans ce qui apparaît dans l’énoncé comme un concept, un égarement de la vérité p 18, où la science moderne succède à la renaissance et fait suite à la « seconde mort des Dieux ». 

Aussi, à celui qui dit « je suis d’une franchise absolue » selon l’exemple de Lacan p 15, l’énonciation inclut tout un cortège de vérités provisoires, de croyances qui s’énoncent sur un pari qui masque le dessous des cartes. 

Le « Je » dit juste qu’il s’identifie à quelque chose qui s’appelle « franchise », non pas aux identifications constitutives du sujet de l’inconscient… 

La psychanalyse est faite pour dire, autre chose que ces notations proprement imaginaires. 

Pour revenir à notre introduction, notre sujet et notre titre, c’est à dire l’identification, il me semble important avec cette première leçon de différencier le sujet de l’inconscient, qui est pur vérité, constitué d’identifications multiples dont il nous reste encore à cerner ce dont il s’agit, et l’humain en tant que concept dont le sujet peut être la philosophie, la science, le droit …et bien autre chose encore. 

En d’autres termes, quand je vais voir un philosophe, un scientifique, un avocat … 

Je suis ce qui est « identifié » comme tel, assigné à un signifiant et à sa fonction, c’est à dire dans cet exemple ; un concept, une formule ou encore une victime à défendre … 

Quand je vais voir un psychanalyste, bien évidemment je m’identifie à la psychanalyse et à ses représentations imaginaires, mais le vrai sujet, le seul en analyse, c’est moi (en tant que sujet de l’inconscient). 

Et au jeu des identifications, nous retrouvons l’axe pivot qu’est le transfert. 

Lacan termine cette leçon 1, en évoquant la fonction du signifiant, notamment dans la scansion, au travers non pas de la chronologie, mais de la répétition de quelque chose dans la chronologie, qui saute ou déraille dans le spéculatif de l’obsession, faisant du névrosé obsessionnel un penseur. 

Vrai penseur au cogito (Descartien ?) masturbatoire … 

Danielle Roussel