Séminaire ALI PROVENCE Carpentras – L’Identification. Jacques Lacan -D’après les leçons 10 et 11

Lundi  1er mars 2021 : Le genre c’est phallique ? Céphalique !  Répond la science.

De l’objet (a) à l’insertion du phallus dans l’identification.

Pour faire écho à nos deux demi journées de préparation sur le séminaire l’identification, aux interventions de chacun,  nous avançons sur l’identification au … phallus.

C’est assez compliqué je crois, ce passage de l’objet (a) à l’identification phallique, on y arrive presque inévitablement sans choix, de façon un peu abrupte.

Pour reprendre la question de la mamme, c’est à dire du sein, on peut dire que le phallus en tant que tel n’a cependant  pas les mêmes caractéristiques.

En effet, il ne fait pas partie des éclats partiels du corps, définis dans les leçons précédentes (le sein, la voix, le regard, les fèces).

Pourtant, la représentation imaginaire phallique est parfaitement détachable du corps, considéré par l’enfant comme l’objet du désir maternel.

Ce qui revient à penser que la castration intervient pour les deux sexes (garçon/fille) comme l’acceptation ne plus être le phallus imaginaire de la mère, tout en ayant consenti à une perte, perte qui se transforme en don.

Pour revenir un peu sur ce point sur l’histoire du petit Hans, à la question, maman a tu toi aussi un fait pipi ?

Oui lui répond la mère.

Mais au final, même phallée, s’il fallait le lui montrait, elle serait de toute façon un peu « mal » de le faire…

Car à vrai dire, la réponse se joue dans un autre registre, non pas réel, mais imaginaire.

Le petit hans, donne le change à sa mère, et c’est dans la fonction du langage que cela s’opère. Il sait, cela ne se dit pas, il ne contredit pas. Un non dit.

Un peu comme si le petit garçon avait parfaitement compris le désir de la mère, s’identifie à lui, mais aussi l’abandonne, comme quelque chose dont il se sépare.

Le drame, aurait été qu’il ne puisse s’identifier à ce désir, forgeant une castration réelle et non imaginaire pour la satisfaire.

Si nous revenons un peu sur la coupure dont Lacan fait état, nous l’interprétons dans l’absence/ présence,  soit l’apparition et disparition de l’objet a.

Lacan fait état d’une droite pour relier 2 points, mais il dit aussi que si la droite devient courbe, elle reliera plus de deux points, soit une multitude possible de points.

Une droite qui se rejoint de bout en bout forme un rond, on notera zéro de chiffre.

Que contient alors le zéro, voir le rond ? Rien, dit Lacan, ce rien est cependant délimité par des bords, ce qui n’est pas le néant, puisque le rien, n’est pas le vide mais ce qui le remplit.

Pour induire ce qui ce passe à la phase orale, du sein qui vient remplir le zéro (bouche), à l’absence de ce sein, il y a le rien.

Ce que vient remplir pour l’anorexique l’espace, le sein n’ayant plus réponse d’aliment mais de remplissage, un remplissage avide de rien, d’où l’idée de faire sans les aliments.

Je vous parlerai bien de cet enfant de18 mois dont la situation est évoquée en crèche.

Le sujet étant la perturbation du sommeil chez ce petit garçon, qui « dort-dine » si on peut dire.

La maman ayant raté son allaitement avec le frère ainé (exprimé ainsi par cette mère), elle ne peut penser la possibilité d’un sevrage pour faute de temps dit elle.

L’enfant pleure beaucoup la nuit.

Réveille ses parents.

La maman le récupère le midi à la crèche, pour une tétée qui semble peu « nutritive », l’enfant rejette tous substituts et dort tout le temps institutionnel, il est fatigué, la mère aussi, d’ailleurs le personnel pense qu’elle va vers une situation d’épuisement.

A aucun moment n’est évoqué une quelconque anorexie, pourtant l’enfant ne mange, ne prends, ne tolère « rien » …a la cuillère avec réservoir on s’évertue à lui faire prendre 30 gramme ….et c’est comme l’ascension de l’Everest.

Il est même observé que l’allaitement ne soit pas un véritable moment partagé mais un devoir maternel. Nous arrivons sur une interrogation de dépendance, car il absorbe des nutriments sucrés, les seuls qu’il prend (sucreries, gâteaux), ce que l’on nomme aliments « vides » dont la fonction n’est pas de nourrir, mais qui remplit de rien ou de la satisfaction de rien.

A l’émission d’un possible (hypothèse) sevrage, une fin, même lointaine…, il est dit que cela serait trop brutal pour la maman (on ne peut pas lui dire ainsi, le personnel se sent intrusif à cet égard).

Le ratage du précédent allaitement avec l’enfant ainé, ressort comme une répétition, dont le personnel n’avait jusque là pas fait de liaison avec la situation rencontrée actuellement.

Ça rate, comme ce qui échoue à chaque échéance, comme deux points qui ne se relient pas.

D’une faim possible qui ne vient pas, de la fin qui ne peut intervenir parce que chaque tétée est peut être à considérer comme un début, un commencement, une apparition qui viendrait raccrocher l’allaitement raté du premier enfant ? Quelque chose qui se recompte sans coupure ça ne passe pas du 0 à 1.

La césure c’est le 1, le passage du 0 au 1. Que l’enfant du Ford da, expérimente dans l’apparition/disparition.

D’une absence dont se soutient le sujet par une créativité à produire quelque chose à la place, du sein nutritif, a ce qui pourrait le remplacer quand ce qu’il produit ne nourrit plus.

Le phallus c’est ce qui vient à la place du rien dans le zéro pour en occuper l’espace, c’est le signifiant à tout faire, celui du manque, mais aussi ce que le sujet en donnant, accepte bien  que cela puisse lui manquer.

Au niveau symbolique, interne dans une grossesse (ventre de la mère), externe dans la découverte de la sexuation.

Souvent, nous attribuons cette image au sexe male, cependant voici son « équivalent versus féminin », du visible à l’invisible,  un pas d’équivalence, ce qui vaut pour les 2 sexes.

Le phallus symbolique, intervenant comme différence des sexes par l’opération d’absence/présence.

Externe étant ce qui se voit,  interne ce qu’on peut imaginer.

(Notons là la complexité féminine de l’accès au corps, lors de rééducation périnéale par exemple, bien connue des sages femmes).

Lacan précisera le sein autant ou pas plus phallique que le pénis, alors le sein que donne la mère, c’est un sein asexué, c’est à dire autant le sien que celui du père, ce qui nous oblige à constituer le sevrage comme une castration (symboligène dira Dolto).

Le sein est donc détachable du corps comme objet a, non mammaire comme le phallus, il en est la première esquisse, ou le père est  incorporé à l’intérieur de la mère.

Ce qui établit la mère comme phallée.

Tout cela pour introduire le tableau de Lacan concernant le phallus comme une identification à ce qu’il  nomme insignes, les insignes référés au père, parce que seul le père peut témoigner de l’absence du manque, car en vrai le garçon n’a rien en trop, et la fille rien en moins, mais ce rien c’est quelque chose qui sans être le néant organise l’échange mettant en scène le don.

A noter, nous pouvons considérer les efforts de la chirurgie comme un rendu visible dit esthétique de  recherche  d’’augmentation  ou réduction mammaire comme peut l’être aussi celle en pénoplastie, toujours en lien avec une identité sexuée, la demande étant celle d’une valeur ajoutée +.

Aussi le Phallus est un signifiant, pas n’importe lequel car il introduit l’engendrement, d’ailleurs le Gender ou théorie du genre, n’est qu’une théorie, et s’il fallait  trouver un substitut, ou une traduction au Gender, à l’équivalent anglophone, ce ne serait pas « genre » mais plutôt phallus.

D’où peut être le malentendu transgenré qui ne serait pas de passer de l’Un à l’Autre, mais d’un sexe à l’autre.

C’est tout un postulat dont il est question, le phallus comme axiome, comme ce qui vient organiser le fantasme, par exemple :

– Ce que la mère n’a pas, le père pourrait le lui avoir pris ou pourrait le lui prendre, et finalement être tenu de lui rendre. 

S’il est question p 193 d’une identification au père en tant qu’ennemi (Induisant les postures de concurrence) comme quelque chose qui ferait UN, un trait unaire  commun à tous les pères.

On peut supposer l exception qui viendrait confirmer la règle….ce que Lacan repère comme connerie….p 194 (l’exception étant ce qui fonde la règle par négation).

Pour appréhender cela, je vous renvoie au texte de la chanson de Stromaé « Tous les mêmes », avec ce rendez vous aux prochaines règles …

Soit la règle vaut pour tous, soit elle ne vaut rien…l’exception étant un hors « règle » ou hors la loi.

Donc de toute façon, un père va venir faire coupure, finalement ce qu’il y a entre l’enfant et sa mère, un « os ».

Pour faire lien avec la question non pas du sein/pénis/Phallus, mais de l’alimentaire et du procréatif, je vous renvoie vers l’œuvre ou la performance de Prune Nourry « le diner procréatif ».

De la pulsion orale (cannibalismeàincorporation du corps de l’autre) dans l‘argument de procréation et de ses rapports à la sélection génétique et alimentaire (véganisme, régimes sans matières grasses, sans OGM, sans sulfates … »

On notera tout ce qui est de l’ordre de la sélection mais aussi ce que Lacan fait de  la négation à partir de Kant, sur les catégories de la qualité :

La première étant la réalité (Madame vous êtes enceinte)

La seconde étant la négation (pas possible !)

La troisième étant la limitation (Pas toute seule … Y a un os  …)

Lacan définira une différence entre désir et amour, stipulant que l’amour est une réalité dont on est la victime p 203.

A cela il ajoute la douleur, et l’expérience qu’une douleur vient en effacer une autre.

Ainsi nait le fétiche.

Et ce patient de dire « ma douleur c’est ma meilleure amie, la plus fidèle, elle est là chaque jour, toujours avec moi… »  (Phrase empruntée à l’apport d’une collègue lors d’une séance d’Intervision)

Vous noterez là, ça colle au corps, ça ne se détache pas.

Mauvaise transition peut être, celle de l’amour avec « avoir quelqu’un dans la peau. », ce que l’on  exprime comme irrationnel, non verbal, du Non-dit  (inexprimable autrement que dans le corps) dirait Lacan, une effraction des limites comme une réalité biologique.

Pour reprendre une image possible de corps  phallicisée pour les 2 sexes, j’aimerai repartir de la place de la trace.

Imaginons une serrure, dont il faudrait fabriquer la clef, comment procèderait le serrurier ? peut être pouvons nous imaginer qu’il viendrait avec une matière remplir l’espace qui fait les limites de la serrure.

Ou bien encore, si la clef existait et pas la serrure, comment la fabriquerait t’on ? Sans doute en prendrait l’empreinte de la clef, en la confortant à la matière pour en soustraire du rien.

Ainsi, on dessinerait un contour, clef et serrure pourraient ainsi se correspondre sans jamais se rencontrer, que de bords en bords.

Etre une contingence pour l’autre (modalité ontologique du réel) à partir de la capacité d’un pas être ou de se réduire comme une matière malléable, avec pour objet la rencontre possible  qui ne serait un d’eux (2 =1+1) mais ce qui se soustrait de 1, soit ce qui retourne du 1 au 0 (0 + 1 =2)

Alors pour en revenir à Lacan si l’homme et la femme étaient des lignes, ne pourrait on pas les imaginer comme deux droites qui passent par le même point sans jamais se rencontrer autrement que par la courbe, ce qui revient au nœud, comme un Un dans l’Autre.

D’où la torsion…si bien employée dans le surréalisme de Dali.

Ce point ne pourrait-on pas le nommer phallus et le lieu de rencontre le grand Autre ? Comme un lieu commun, d’où on ne pourrait être qu’Un seul à la fois chacun, jamais ensemble, c’est à dire sans jamais faire unification.

Comme au stade du miroir où il est dit à l’enfant, « c ‘est toi dans le miroir », alors que l’enfant à son corps en un lieu qui n’est pas le miroir …il ne peut être donc en 2 lieux à la fois, ce qui induit la projection de l’image et le corps comme ne pouvant se lier en un même point, mais passant par ce point….trou du grand Autre (trou qui vient border le regard, faisant coupure des lèvresàsein, scansion dans la voix, orifice anale pour les fèces).

L’insconcient est surréaliste par son lieu irreprésentable et indicible, ce a quoi peut être les notions « Trans » tentent de répondre …par une pure image qui viendrait du réel pour combler le rien.

Ainsi la science, induit les marqueurs identitaires comme des traces cérébrales de l’encéphale, comme ce qui viendrait commander au corps …avec une idée de rencontre, de relation possible entre deux objets, tel le rassemblement d’un rationnel sans équivoque, pas même homo phonique.

Une raison pure, déraisonnante et déraisonnable.

Quand Lacan évoque le tableau de Goya – Le sommeil de la raison engendre des monstres, il induit aussi ce qui pour nous serait étranger à la raison au sens universel, cet irrationnel qui échappe à la logique.

Le hiatus irrationnalis de Lacan, s’élève comme un os, le négatif de la raison, pour justement lui faire limites.

Étrangeté du genre situé comme non-binaire, comme déité qui pousse a la mystique, où le trait ne serait plus support de la différence mais ferait UN avec Dieu.

Ainsi il serait de raison pure de se sentir  fille dans un corps de garçon, ou vice versa  d’être le préalable d’un hors corps, parfaitement recevable pour la science, qui ne s’en explique pas.

Alors que le motif même de la négation – de ne pas être, ne donne aucune garantie sur l’être, mais reste l’hypothèse d’un peut-être, postulat du fantasme.

La question n’est pas tant celle du corps dans un autre (fantasme de grossesse) mais de la dissociation entre psychisme et corporel, soit le fonctionnement d’un hors corps.

S’il est vrai que les  techniques de PMA, notamment In vitro séparent sexualité et procréation, cela abouti toujours de facto à un prélèvement et une réintroduction au corps (pas d’utérus artificiel).

Ce qui revient à réintroduire la partie rendant phallée dans de l’inévitablement pas tout.

Hors sexe et hors corps n’étant pas de même nature.

Danielle Roussel