vient de paraitre : De Pythagore à Lacan, une histoire non-officielle des mathématiques

De Pythagore à Lacan, une histoire non-officielle des mathématiques

À l’usage des psychanalystes

Virginia HASENBALG-CORABIANU

Préface de Marc DARMON

Postface de Jean BRINI

Autant les mathématiques que la psychanalyse ont affaire à une combinatoire rigoureusement établie de lettres. Le mathématicien en remplit les tableaux noirs. L’analyste, lui, déchiffre un autre tableau noir, celui de l’inconscient, où les lettres se manifestent à travers les équivoques et les lapsus du langage. Ainsi, ce déchiffrage, qui est l’interprétation, libère les « lettres en souffrance » qui insistent à être reconnues par des symptômes divers et variés.

Virginia Hasenbalg-Corabianu aborde les drôles de maths que Lacan a laissés en invoquant quelques héros de cette histoire (de Cuse, Desargues, Frege, Cantor, Gödel…), histoire des mathématiques mais aussi histoire de leur effet sur la subjectivité du découvreur et parfois sur la subjectivité de leur temps.

Sans être mathématicienne, elle s’est donné comme objectif d’expliquer quelques notions de mathématiques aux psychanalystes en s’inspirant de la phrase de Joseph-Louis Lagrange : « Un mathématicien n’a pas parfaitement compris ses propres travaux tant qu’il ne les a pas clarifiés au point de pouvoir aller dans la rue les expliquer à la première personne venue ».

A propos de l’auteur
Virginia Hasenbalg-Corabianu est psychiatre, psychanalyste à Paris, membre de l’association lacanienne internationale (ALI) où elle est responsable des Mathinées lacaniennes.

un supplément d’âme dévastateur

Notre amie Elisabeth Fradet nous conseille :

Podcaster une émission de France  Culture  « questions d’islam » le dimanche 11  septembre  par G.  Bencheik qui discute avec  F. Benslama psychanalyste professeur de psychopathologie et qui parle des problèmes que pose la radicalisation de certains jeunes avec une approche clinique et théorique passionnante.il parle de violence de jouissance de la foi et de la religion musulmane.

C’est un éclairage essentiel pour notre  réflexion.

lien ici : podcast

 

Par ailleurs, retrouvez sur le site de l’EPHEP la conférence de Fethi Benslama du 29/09/2016 autour de « Un furieux désir de sacrifice, le surmusulman » : en vidéo ici

 

 

Martine Bonamy, à propos de « leur patient préféré »

Violaine de Montclos, journaliste au Point est au point de ce qui passe dans une cure analytique grâce au laisser-passer du désemparement de dix-sept psychanalystes . En effet, son roman « Leur patient préféré » retrace dans un bouillon de vérité ce qu’elle nomme « le patient fondateur » de chacun.

Ils lui ont laissé la liberté de transcrire ce qui, par elle, a été entendu, dans l’évocation de moments éprouvants qui les laissaient démunis, interrogatifs, sans recours, délogés…..L’écrivaine « avec le sentiment étrange d’être dissimulée derrière le rideau , tapie sous le divan, conviée dans un huit clos qui habituellement ne se raconte pas…. » décrit sans décrier les cris silencieux des protagonistes. Elle indique comment chacun, en fonction de leur place, se dépouillant des habits de scène, ont pu jouer leur propre acte.

Ce livre, lecture extérieure de ce que chacun en exercice de la fonction de psychanalyste peut éprouver, atteste du nécessaire désir d’analyste. Opérateur en acte de l’écoute essentielle, ce désir particulier et singulier, sans cesse ébranlé, reste « l’outil » de l’ouverture à l’écriture-lecture-écriture…. inconsciente, permettant aux patients de jouer leur partition.

L’auteure relate ainsi cette clinique particulière pas sans -passant- le symptôme. Clinique dont le témoignage est particulièrement important dans un monde au sein duquel la subjectivité est attaquée. Sans filet si ce n’est le vide laissé par le tissage qui permet d’accueillir la maille de l’a/Autre, celui ou celle qui exerce cette fonction saute ….avec le parachute de son engagement.

Plus qu’un discours , l’humilité du psychanalyste à s’exposer en dehors de son milieu familier, ne peut que transmettre le creuset d’où sourd l’humain de l’homme. Creux dans lequel, certes, mort et vie, bon et mauvais, terne et brillant, clair et obscur…. se côtoient mais s’articulent par le trait de disjonction conjonctif fondateur de l’humanité qui nous habite.

 

Violaine De Monclos, «Leur patient préférés», 17 histoires extraordinaires de psychanalystes, Stock, 2016

 

Entre Islam et Occident, « La mère mais-dite-erro(a)née » par Ghislaine Chagourin

Journées « L’unité spirituelle de la Méditerranée est-elle plus forte que le constat de sa diversité ? » (Marseille 2010)

Marseille  – aussi dite porte de l’Orient et plus récemment Métropole Marseille Provence – se révèle un excellent laboratoire des questions d’altérité et  nous éclaire sur le type de lien qui peut exister entre les rives de la Méditerranée [1]. Lien qui aujourd’hui se réduit trop souvent à une frontière séparant Occident et Islam.

La cité phocéenne a été fondée il y a 2600 ans par des représentants de la civilisation grecque polythéiste venus d’Asie Mineure. Issue de ce colonialisme, elle est restée longtemps culturellement grecque, ensuite romaine, puis christianisée avant de redevenir indépendante et provençale pour tardivement être de nouveau colonisée, cette fois par le royaume de France. Ainsi son histoire s’ancre à la fois en Méditerranée, en Provence et en Europe du Nord. Plus récemment elle a endossé un statut de port colonial puis de terre d’immigration post coloniale à dominante pied-noir, maghrébine, africaine puis d’Europe de l’est. Marseille a embrassé au fil de son histoire les positions de colonie et de colonisatrice ce qui l’a rendu longtemps exemplaire en matière de brassage culturel. L’immigré et l’étranger n’y sont pas toujours confondus,  l’histoire de la ville révèle que malgré des épisodes violents, une intégration successive de diverses migrations, notamment italienne, espagnole, corse, arménienne, a fonctionné au point parfois de ne plus noter de différence dès la 3ème génération: « cet effacement de la mémoire identitaire fait aussi partie de l’histoire de la cité » [2] nous dit l’historien Emile Témime.

Cette place de l’Etranger, c’est à partir du mythe fondateur de Marseille – celui  de Gyptis et Protis –  que nous l’avons abordée. Avec l’accord de son père, Gyptis la ligure autochtone choisit Protis Le navigateur grec comme époux afin qu’il fonde le port phocéen. L’Altérité est ainsi symboliquement mise au cœur de l’identité fondatrice [3] de Marseille alors que l’amour pour l’étranger en constitue la composante imaginaire [4] (ce qui serait très chrétien) et le négoce, l’échange maritime y tient lieu de composante réelle [5]. Peut-on lire ce mythe comme une tentative de rendre compte de la nécessité d’en passer par l’Altérité et l’exogamie pour fonder une cité ? Echange d’une femme pour rendre possible l’échange de marchandises ou échanges maritimes devant être vus comme des métonymies de l’échange des femmes ? Au fil de l’histoire de la cité, l’Altérité et la place de l’étranger ont changé de registre. Depuis longtemps, l’Autre maternel tend à y fonctionner comme composante identitaire symbolique [6], la « Bonne mère » est emblématiquement représentée par  la statue géante de Marie tenant l’enfant Jésus, surplombant la ville et la basilique de Notre Dame de la Garde. Aujourd’hui, le ballon de football tient lieu de trait identitaire imaginaire et l’étranger devient souvent un ennemi réel méprisé à expulser. Ce qui se retrouve dans le réel au niveau du découpage urbanistique : division quartiers nord et quartiers sud et cités difficiles même si elles sont incluses dans la ville. Donc érection de frontières et vidage de l’Altérité.

Ce changement de registre de l’Altérité n’a pas été sans effet ; comme ailleurs en Occident,  règne à présent à Marseille une aspiration à une jouissance sans limite[7] que l’intitulé du feuilleton « Plus belle la vie », tourné à Marseille en studio, donne à entendre. On assiste à une véritable « californisation » [8] de Marseille qui attire de plus en plus de nordistes et de touristes venus là pour consommer du soleil. Les linguistes après avoir noté que le Provençal en tant que langue faisait lien social, notent l’évolution d’un «parler marseillais » qui tente en le ratant l’échange de la lettre. « Parler marseillais» dont on peut se demander le lien avec la lingua franca [9] décrite par la chercheuse Jocelyn Dakhlia, qui est une langue véhiculaire composite (à l’instar des pidgins), qui était parlée autrefois, depuis le Moyen Âge jusqu’au XIXe siècle, dans l’ensemble du bassin méditerranéen, principalement par les marins et les marchands, mais aussi par les bagnards, prisonniers, esclaves et populations déplacées de toutes origines.

Du coup le lien social est plus fraternel que social, il produit de l’étranger au lieu de l’intégrer et au niveau de la sexuation, dans les cités, le « mia » et la « sœur » ont remplacé le « cacou » et la « cagole », cette dernière étant devenue…une marque de boisson alcoolisée…. Enfin, quand l’idéal « footballistique » tient lieu d’index phallique  s’il crée de la fraternité, il peut aussi devenir synonyme d’indiscipline, d’incivilité et de violence. Violence qui n’est pas comparable à celle des célèbres mafias d’antan car elle n’a plus de règles ni de code d’honneur, elle est souvent meurtrière gratuitement, à l’aveugle et raciste. Ce qui n’est pas sans rappeler certaines caractéristiques des banlieues de nos grandes métropoles européennes quand elles fonctionnent comme lieux d’exclusion et de stigmatisation. Sauf qu’ici, la ville, comme « étrangère » [10], fonctionne depuis longtemps comme une banlieue « difficile » vis à vis de Paris.

Cette évolution n’est pas l’apanage du brassage culturel marseillais, elle est comparable à ce qui peut se produire aujourd’hui au niveau individuel quand il y a passage du père à la mère, d’un index phallique (le Un) supporté par du symbolique à un index phallique problématique car référé à un trait identitaire imaginaire ou à de l’Autre maternel comme incarnation du phallus. Ce qui renvoie à une culture matriarcale au sens où Charles Melman [11] l’entend c’est-à-dire faisant référence à des modalités de transmission imaginaire du phallus dans lesquelles la mère exerce un pouvoir réel. Nous avons tenté de distinguer un matriarcat qui s’ordonne autour du Nom du Père et une culture  matriarcale qui se passe tout court du père comme dans la Nouvelle Economie Psychique. Nous avons aussi tenté de voir si à Marseille, il s’agit uniquement d’une culture matriarcale non référée au Nom du Père.

Si à Marseille, il n’y a pas moins de violence au jour le jour, il y a peut-être moins de violence que dans d’autres villes d’Europe ou dans certaines banlieues lors des grandes crises nationales ou internationales impliquant, lesdits rapports entre Islam et Occident. Il semble qu’à Marseille, le brassage culturel permanent et continu ait de longtemps brouillé les lois de la filiation et de la transmission et favorisé l’idée fausse selon laquelle le père est étranger, ce qui peut être perçu comme cause de sa déchéance et qui renvoie à une approche freudienne du père.

De nombreux fervents marseillais (il faut faire la différence entre se dire marseillais et habiter Marseille) se revendiquent comme des enfants d’immigrés (avec cette idée qu’immigré = étranger), mais devenir marseillais provoque souvent chez eux l’idée que la France c’est l’étranger. Ce fort sentiment d’appartenance, qui exclut l’Un comme autre étranger, serait d’ailleurs à lire comme un avatar de l’Altérité. Faute de l’amour d’un père Un repéré comme tel,  il est tentant de se tourner vers la « Bonne Mère » incarnation phallique imaginaire qui les aime contrairement à la « mère patrie» qui n’admet qu’Un père.  Or, en aucun cas, la mère ne peut assurer la fonction paternelle symbolique car elle ne peut pas être le père réel, c’est-à-dire celui qui est la cause réelle de son absence, celui qui occupe la place de « l’Autrui » [12] selon les termes de J.P. Lebrun, c’est-à-dire celui qui la fait femme. Ainsi, avec ce type de matriarcat, avec ce culte de la « Bonne Mère », la question d’une femme en tant que désirante peut devenir problématique et mener à un matriarcat pur. Il peut y avoir vidage de la sexualité et de la féminité ce qu’on retrouve dans la clinique auprès des populations issues de diverses cultures méditerranéennes monothéistes et notamment maghrébines. Le brassage culturel serait-il un contexte qui « pousserait au matriarcat » car la question de l’Autre y serait masquée par celle du père comme étranger ? Mais ce « pousse au matriarcat » n’est-il pas justement au cœur des trois monothéismes ? Ce qui nous a amené à étudier de plus près comment les monothéismes articulent patriarcat, matriarcat et féminité en nous appuyant sur les travaux de Fethi Benslama [13].

– Il rappelle que le patriarcat est référé au monothéisme originaire juif puis chrétien, celui de la foi d’Abraham, qui est la croyance en un Père-Originaire Unique (« Urvater » [14], disait Freud).  Dans cette écriture, Abraham ou Joseph sont les pères de la réalité mais seulement comme représentants du Père-Originaire ce qui limite leur pouvoir.

– Selon lui,  «l’Islam provient de l’étrangère à l’origine du monothéisme (Agar), demeurée étrangère dans l’Islam » [15]Ainsi, si le monothéisme judéo-chrétien met en place le patriarcat, le monothéisme musulman nous dit quelque chose du féminin et de son désaveu. C’est à travers l’histoire de la famille Abrahamique qu’il avance que le signifiant originaire de l’Islam c’est l’altérité féminine, l’ouvert à travers la figure d’Agar (devenue Hagar une fois mère). Elle est la mère réelle d’Ismaël, premier fils d’Abraham, mais c’est Sarah la mère symbolique, mère adoptive de droit car femme légitime d’Abraham. C’est ainsi Sarah qui fait d’Abraham un père en faisant acte de castration symbolique en renonçant à la position de génitrice. Hagar c’est l’Autre féminin, l’autre femme, celle qui enfante pour Sarah. Toujours selon lui, la filiation d’Ismaël est une filiation de la race, c’est le don du possible de la paternité par le pas-tout phallique d’Hagar. Il rappelle que l’Islam exclut Dieu de la logique de la paternité et s’articule généalogiquement à Abraham par son fils Ismaël qui sera considéré comme l’ancêtre éponyme des 12 tribus arabes de Transjordanie et du Nord de l’Arabie. Il y aurait avec l’Islam, réappropriation du Père-Originaire par la figure d’Abraham et désaveu d’Hagar c’est-à-dire du pas-tout phallique. Il précise que le patriarcat issu de l’Islam ne fait pas de séparation entre la logique de la naissance qui inclut dans une famille et celle de la politique qui inclut dans une tribu, une communauté sociale.

Cette logique d’inclusion dans une famille et une communauté c’est ce que j’entends dire à nombre de jeunes français d’origine maghrébine qui la découvrent quand ils partent en vacances dans le pays d’origine de leurs parents ou grands-parents. Ils arrivent au bled, comme ils disent, qui se révèle encore souvent être une grande famille régie par la loi des ancêtres. Ce qui fait sans doute qu’avec l’Islam la communauté sociale d’appartenance participe du Nom du Père. Ce qui n’est pas sans poser problème car de ce côté ci de la méditerranée de nombreux musulmans d’origine maghrébine n’ont plus ce support de la communauté sociale des ancêtres; ni en France – où ils sont encore trop souvent stigmatisés comme immigrés – ni au bled où ils sont aussi souvent considérés comme des étrangers. Ce qui, semble t-il, peut contribuer à saper l’assise symbolique du Nom du Père. En comparaison, les Comoriens musulmans à Marseille maintiennent une organisation sous la forme d’associations du village d’origine qui tente encore de remplir cette fonction. Par ailleurs, ceux-ci considèrent Marseille comme la capitale des Comores ce qui contribue à une grande solidarité sociale et la sexualité est traditionnellement moins désavouée chez les femmes comoriennes bien que toutefois dans la clinique on retrouve de nombreuses femmes élevant seules leurs enfants.

Pour revenir au patriarcat, F. Benslama dit que « le père symbolique pour le judaïsme et le christianisme est le père réel pour l’Islam » [16]c’est-à-dire que dans le judaïsme et le christianisme, c’est Dieu le père symbolique alors que dans l’Islam, c’est Abraham. Mais dans tous les cas, il ne faut pas confondre père de la réalité et père réel ou père imaginaire. Sur le plan clinique cette possible confusion m’a évoqué ces pères musulmans qui sont considérés en France comme maltraitants ou tyrans, à qui sont retirés les enfants alors qu’à leurs yeux ils ne font que ce qui est attendu d’un père et qu’ils tentent d’éviter que leurs enfants deviennent délinquants.

En tout cas, ces différences de patriarcats dans les trois monothéismes, nous permet de repérer qu’ils sont étroitement intriqués dans leur genèse et fondement à la question du féminin. Du père symbolique ne peut émerger que si l’altérité féminine est reconnue, assumée comme telle et non déniée ou désavouée : « c’est une fonction structurale du féminin à l’origine qui conditionne l’instauration généalogique du père » [17]En d’autres termes pour que l’homme advienne comme père (dans sa dimension symbolique) et remplisse sa fonction paternelle, il faut un autre pôle que celui de la femme ou de la mère phalliques, il faut qu’il désire et soit désiré dans les limites de la loi symbolique. Sans cela, le père aura du mal à s’élever à la fonction de signifiant à travers le Nom du Père. Toutefois, même si à suivre F. Benslama, l’Islam est fondé sur le désaveu du féminin, il faut dire que les trois monothéismes ne reconnaissent une dignité symbolique aux femmes qu’à travers la conception du fils, c’est-à-dire en tant que mères. Cela contribue au maintien de l’idée d’un rapport sexuel entre homme et femme en rendant indistinctes maternité et féminité ce qui structuralement est faux. Une mère n’est pas une femme (pour ses enfants), car elle se soutient d’un phallique même s’il est imaginaire (métonymique), et non symbolique (métaphorique).

Mais cette analyse nous permet d’avancer que l’instauration d’un matriarcat qui ne s’ordonnerait pas au Nom du Père peut résulter d’un vidage de la position féminine Autre, du pas-tout phallique, du fait d’un effondrement de la fonction phallique symbolique par excès du père imaginaire tout puissant. Autre façon de le dire, le patriarcat perd de son efficace à supporter la fonction phallique et « pousse au matriarcat » quand il s’appuie uniquement sur du tout phallique. L’incidence du vidage du pas-tout phallique reste peu évoqué comme cause de l’effondrement de la fonction phallique alors qu’on le retrouve dans la clinique individuelle dans un contexte de brassage culturel et notamment dans la parole de ces mères qui ne font aucune place au désir pour un homme et exercent seules un pouvoir réel sur leurs enfants.

Il semble que le matriarcat méditerranéen que l’on pouvait trouver dans les cultures maghrébines au pays d’origine, était encore articulé au Nom du père par le fonctionnement de la communauté villageoise autour du respect des ancêtres et du traitement religieux et social de la différence des sexes.  En France cela est différent : on trouve cette image d’une femme (mère ?) qui sous couvert d’émancipation féminine est avant tout mère, formant parfois quasiment un couple avec l’un de ses fils, seule en charge de ses enfants sans l’aide de la communauté villageoise ou du père qui même quand il est là, même s’il est très macho, voire tyran (ce qui est loin d’être toujours le cas), n’en est pas moins souvent humilié socialement car immigré et s’il est parfois violent réellement, n’a aucune autorité symbolique sur son fils ou sur sa fille. Cela aboutit à un matriarcat non référé au Nom du Père qui préfigure sans doute ce que l’on retrouve dans la clinique ordinaire aujourd’hui. C’est alors la « mère-mais-dite-erronée », la méditerranée en perdant son petit a rend inopérante l’Altérité. C’est cette mère « erronée » qui contribuerait à créer une frontière entre les rives au lieu de  maintenir une littoralité méditerranéenne moebienne à une face comme effet de l’exogamie et de l’échange. Cela ne serait pas sans lien avec le monothéisme puisque ce matriarcat ne serait qu’un avatar imaginaire du patriarcat qui découle du monothéisme. C’est le désaveu du pas-tout phallique qui favoriserait en partie l’extension d’un matriarcat non référé au Nom du père et l’extinction du patriarcat en Europe et en Occident.

D’après les travaux d’Hélène l’Heuillet, l’Islamisme intégriste et terroriste, qui n’est pas l’Islam, se pose en instrument de critique radicale de l’Occident mais participe d’un modèle maternel qui  mène la jouissance jusqu’au matricide en tant qu’Autre intrusif et tout-puissant sous le  signifiant « l’Amérique ». L’attentat –suicide étant dans cette optique une façon de mettre fin à la séparation avec l’Autre maternel. « Le terrorisme serait la forme prise par la guerre quand le modèle paternel d’autorité s’éclipse au profit d’un modèle maternel. (…) Le terrorisme est une guerre qui fait l’économie de l’Altérité» [18]Hélène l’Heuillet rappelle que l’intégrisme de Ben Laden se veut d’ailleurs une défense de la virilité des musulmans. Il me semble qu’il n’est dans cette logique qu’une forme dévoyée de patriarc(h)at, un forme extrême de lutte contre ce qui serait perçu comme une féminisation de la société occidentale. Je me démarque de F. Benslama quand il analyse que l’Occident tend vers un « Destin identitaire de femme » après être parti du la toute puissance phallique à travers le judaïsme et le christianisme. Il semblerait que plus qu’un « Destin identitaire de femme » pour l’Occident, il s’agirait d’un destin matriarcal qui est pris pour une féminisation dans un amalgame féminité, maternité. [19]

Face au risque du National Socialisme, Freud s’est en son temps collé au démon de l’origine en instituant Moïse en « grand étranger » comme condition de la civilisation. Alors que sans doute il serait plus juste de dire que c’est la mère en tant que femme qui doit se situer comme Etrangère pour rendre le Nom du Père opérant. C’est-à-dire qu’il faudrait que l’exogamie soit effective mais l’est-elle ? Ces échanges commerciaux de tout temps actuellement encouragés par le projet Union pour la Méditerranée n’en seraient que des métonymies, des « avatars » pour utiliser un signifiant à la mode.

Pour revenir à Marseille, où les mamans musulmanes vont parfois faire offrande à Notre Dame de la Garde, contrairement à ce qui se dit, il nous apparaît que Marseille n’est ni toute cosmopolite (qui consisterait à des Uns sans Autre: le tissu social ne se résume pas à la coexistence de diverses « communautés » même si elles sont désignées comme telles) ni toute créole ou métissée (qui consisterait à de l’Autre sans Un) ni toute matriarcale (qui consiste à de l’Autre maternel soutenant l’index phallique: la capacité d’intégration des étrangers existe encore et laisse penser que l’Autre y fonctionne encore) mais alors serait-elle « pas toute » et donc multiple ? Ce qui laisserait la place pour de l’Autre, à du Un mais aussi à de la jouissance Autre. Pour reprendre la formule de Lacan, « se passer du père à condition de s’en servir », pourrait-on dire que les marseillais sauraient se servir de l’Autre – ce qui est finalement très lacanien – même si parfois, ils ne savent pas se passer du père – ce qui est très freudien !

Notes

[1] Ce texte est le résultat des travaux du cercle de recherche et d’études sur le brassage culturel et la question du phallus à Marseille. Cercle que j’anime depuis 3 ans selon une idée originale d’Edmonde Luttringer. Nous avons travaillé à partir de la clinique et d’après les concepts freudiens, lacaniens et aussi d’après les travaux de Charles Melman sur la question de la fonction paternelle en situation de brassage culturel, sur les effets subjectifs du changement de langue, sur les phénomènes identitaires, sur la question de l’(E)étranger et enfin sur le matriarcat et  la Nouvelle Economie Psychique.

[2] Migrance, histoire des migrations à Marseille, sous la direction d’Emile Témime, Editions Jeanne Laffitte, 2007

[3] En référence au travail de P.-C. Cathelineau dans, L’Autre, l’étranger, l’identité en préparation au colloque de Fez 2008site internet de l’ALI, 20/11/2007

[4] En référence à la conférence de Charles Melman, Les quatre composantes de l’identitéprononcée en 1990 à l’hôpital Bicêtre, site internet de l’ALI

[5] Idem

[6] Dans l’après coup des journées je me dis qu’il existe d’autres lectures de l’identité marseillaise: Celle dans laquelle la « bonne mère » tient lieu de composante réelle, le club de football l’OM de composante symbolique et l’étranger est cet ennemi imaginaire méprisé. Lecture qui rend compte des phénomènes identitaires  locaux. Mais une autre lecture apparaît, celle dans laquelle la  « bonne mère » tient lieu de composante imaginaire alors que le football est en symbolique et l’étranger en réel comme ennemi à expulser. Cette lecture se rapprochant plus d’un matriarcat traditionnel référé au Nom du Père mais n’en constitue pas moins un avatar de l’Altérité.

Ghislaine Chagourin

[7] En référence à Charles Melman, l’Homme sans gravité, jouir à tout prix,Ed. Denoël, Paris, 2002

[8] Expression empruntée à l’historien Alèssi Dell’Umbria, histoire universelle de Marseille – de l’an mil à l’an deux mille, Ed.Agone, Mémoires sociales, 2006

[9] J. Dakhlia, Mémoire des langues, La pensée de midi 2000/3, N° 3, p. 40-44.

[10] Ghislaine Chagourin, De Marseille « l’E(é)trangère » à Marseille-Provence capitale européenne de la culture en 2013article paru sur le site de l’Association lacanienne internationale

[11] Charles Melman, L’Homme sans gravité, jouir à tout prix, Ed. Denoël, Paris, 2002

[12] Mot emprunté à Jean-Pierre Lebrun dans la perversion ordinaire,vivre ensemble sans autrui, Ed. Denoël, 2007

[13] Fethi Benslama, La psychanalyse à l’épreuve de l’Islam, Champs Flammarion,  Paris, 2002

[14] Sigmund Freud, L’homme Moïse et la religion  monothéiste, folio essais, Gallimard, Paris, 1939, 1986 

[15] Fethi Benslama, La psychanalyse à l’épreuve de l’Islam, Champs Flammarion,  Paris, 2002

[16] Fethi Benslama, La psychanalyse à l’épreuve de l’Islam, Champs Flammarion,  Paris, 2002

[17] Idem

[18] Hélène L’Heuillet, Aux sources du terrorisme, de la petite guerre aux attentats-suicides, p. 114-115, Fayard, 2009

[19] Cf. ce que Charles Melman a pu écrire au sujet de Ségolène Royale

À propos du film « Tom boy », quelques questions, par Rafaëlle Bernard

par Rafaëlle Bernard, mai 2011.

À propos du film « Tomboy* » où une petite fille d’une dizaine d’année se fait passer pour un garçon, à son arrivée dans une nouvelle résidence.

De ce qui se joue du phallus lorsque le genre est en question chez une petite fille…

D’emblée je proposerai de vaciller autour de ce « qui se joue » : entendre ce qui se joue…comme au théâtre, ou plus sérieusement du côté de l’enjeu ? Mais aussi un peu comme un « je me joue de toi, petit bonhomme… »

Je ferai tout dans le désordre, puisque c’est la panique au tableau de la sexuation…Commençons donc par la chute, qui m’a semblé la plus remarquable, le dénouement ( !). Vers la fin du film, la supercherie est découverte, bien sûr. Il faut alors à cette enfant supporter la révélation aux yeux de tous de son identité de fille. Elle va passer un moment manifestement pénible, humiliée par et devant le groupe de garçons dans lequel elle s’était faite admettre. Un moment de brutalité de la part de ces petits hommes incrédules devant cette fille qui a osé venir marcher sur leurs plates-bandes…Mais de ce fait aussi sec elle ne compte plus…Passé ce moment violent, pffuit, éliminée, « c’est rien qu’une fille ». Et Laure, du coup, pourra leur tourner le dos, il n’en restera pas grand-chose. A moins que ne compte cette blessure d’avoir été si facilement exilée, mais il semble que ce pourrait être quelque chose d’une grande règle du jeu que Laure serait à même d’admettre.

Une réflexion m’était apparue comme une évidence à la sortie du cinéma : à condition que Laure ait les moyens, et cela ne semble pas exclu, au fond, de renoncer sans trop de dégâts à la tentation d’être toute de ce côté-là, si elle choisit finalement le côté « fille », alors on peut dire qu’elle en était déjà indemne, de cette affaire…Tout simplement parce qu’ « elle ne l’a pas », qu’elle le savait quelque part fort bien, et que par conséquent elle n’avait « rien à perdre », ce qui explique peut-être l’excellence de sa  prestation de garçon. C’est si flagrant que sa petite copine, celle-là même qui était si séduite par « Laure-Michaël », et qui se sent un moment flouée à la découverte de « Laure-Laure », me semble reconnaître elle aussi cette force-là, (celle de « ne pas l’avoir » et de ce fait de « pouvoir s’en passer etc… »), en elle-même comme en Laure-Laure. Elle revient vers cette dernière, capable de complicité. Presque elle serait capable, si jeune, de s’avouer clairement que c’était Laure qui l’attirait en Michaël, la faisant se sentir comme qui dirait en terrain ami…Du côté des petits mecs, pré-pré-ados, il en va tout autrement, car  ce avec quoi Laure s’est permis de jouer, c’est plus qu’important, c’est majeur, c’est constitutif. On ne plaisante pas avec le phallus. C’est du sérieux. Faut que ça tienne. D’ailleurs, qu’on puisse jouer avec ça, ça les dépasse, tout simplement, et ils s’en détournent.

Voilà un premier point, mais ce qui reste ensuite c’est la question posée par Laure, et les racines de cette question que l’on peut interroger à la lumière de ce qui est donné à voir de son histoire familiale. Car ce film propose un schéma qui à mon avis appelle des commentaires. Dans ce schéma la mère est une grande femme blonde, nordique et androgyne. Le père, lui, est brun, chaud, plus enveloppant, plus méditerranéen, plus féminin, dirais-je d’emblée. La petite sœur de Laure, Jeanne, ronde et sensuelle, aux longs cheveux bruns, a aussi l’œil humide de son père, c’est déjà une petite femme, elle sait déjà tout du costume à endosser pour faire la femme. Laure, elle, « tient de sa mère », blonde et androgyne comme elle. Il y a ainsi une donne inscrite dans la dualité dans cette famille. Ça marche par paires et le couple parental en est comme effacé. La tentation est forte d’y noter la faiblesse d’une instance tierce qui viendrait remettre de l’ordre dans tout ça. Elle pointe toutefois le bout de son nez par l’intermédiaire du 5ème membre de la famille qui arrive, puisque le petit frère nait vers la fin du film. Il me semble vraiment avoir pour rôle celui de l’ordonnateur, petit trait Unaire en puissance…Dans la métaphore du film bien entendu.

Alors avec quoi Laure est-elle aux prises ? La place d’ainée, possiblement occupée par tant de fantasmes parentaux ? On ne peut s’empêcher de penser que s’y joue en grande partie l’énigme de ce couple où les attributs de genre semblent si curieusement distribués, presque inversés, y compris dans ce moment de maternité (point particulier à reprendre). Laure règle ça dans son corps même. A la faveur d’une transplantation de lieu…Peut-être parce que lorsque les racines s’arrachent et qu’il faut s’implanter ailleurs, on retourne pour une part de soi aux premiers stades embryonnaires…Quelque chose peut se re-jouer; il y a ce possible, et Laure va proposer une nouvelle mise en scène dans ce théâtre de marionnettes que les enfants voient les adultes jouer.

Elle va mettre en scène ce physique si lisse, si incertain, et ce corps non encore marqué par la puberté. Plus facile d’être un garçon, semble-t-il, même s’il faut se jeter dans la mêlée, voire se battre, suffit de fermer les yeux dira-t-elle. Alors que maquillée, c’est un petit clown fragile, elle n’est pas à l’aise avec les oripeaux de la féminité…

Revenons sur ce « Laure tient de sa mère » ; que tient-elle ? Se trouve-t-elle mise par sa mère à une place phallique ? Peut-on se trouver « désigné » par un dire inconscient de la mère à devoir tenir cela ? Son père semble entériner cet état de fait, témoin la scène où il lui apprend à conduire…Comment est-il question ici de la castration ? Celle de la mère ? Mère de qui émane par ailleurs une sorte de tristesse troublante. Simple fatigue de fin de grossesse, du déménagement ? Ou bien autre chose ? Cela restera mystérieux. Mais au moment de la découverte de la mise en scène de Laure, c’est elle qui va agir, sans prendre le temps de consulter son mari, et avec une certaine brutalité. Une attitude masculine, directe, visant avant tout l’efficacité. Il faut tout dire, et clarifier les choses au plus vite, pour ne pas rendre un peu plus tard la situation ingérable. Même si sa position peut se justifier, il manquera le temps de l’écoute. On peut se dire qu’elle aussi règle là quelque chose. Elle tranche dans le vif. Tranchant alors le cou aux interrogations de sa fille sans les affronter…Se joue-t-il quelque chose d’un évitement de la castration ? Ce qu’elle dit à sa fille c’est « ça ne me dérange pas que tu joues au garçon » Est-ce innocent ? Est-ce cela que cette petite fille a besoin d’entendre ? A quoi Laure peut-elle alors se référer pour faire la femme ? Met-elle en scène cette absence ? Cette absence chez le modèle maternel du jeu avec les attributs de la féminité, absence aussi de discours sur cette question ? De cette absence Laure fait-elle un manque ? Elle bouche le trou avec une naïveté maladroite et touchante, allant jusqu’à porter un faux pénis en pâte à modeler. Laure modèle, par manque de modèle, un, une micha-elle… provoquant au final un petit scandale qui montre à quel point elle a besoin que quelque chose soit dit de cette affaire de sexuation qui ne va pas toujours de soi.

*Un film de Céline Sciamma

Quand on demande aux cliniciens « d’exposer » des « cas cliniques » pour rendre compte de leur pratique auprès des financeurs… par Patricia Martineau

Rendre compte d’une activité, assurément ce n’est pas de cela que relève la clinique. Il s’agit davantage de venir témoigner d’une pratique auprès de nos patients. Etant devenu un CSAPA nous sommes donc sensés « prendre en charge» toute personne addictée. Sans doute serait-il opportun de nous arrêter sur ce terme employé à tout va et par tout le monde. Petit retour sur le terme addiction. En droit médiéval inspiré du droit romain, l’addiction est une contrainte par le corps d’une personne qui se trouvant dans l’impossibilité de s’acquitter d’une dette, est alors mise par le juge à la disposition du plaignant .Ici la dimension du corps est prévalente, à savoir que l’addiction implique une contrainte par le corps.et un rapport à l’objet en continu. A ce sujet rappelons à propos des addictions dites sans substance, notamment à internet ou aux jeux en réseau et autres, qu’elles sont à différencier des autres addictions dans la mesure où dans ce cas le corps est hors circuit, c’est-à-dire n’est pas contraint. Il y a une spécificité des addictions que nous perdons de vue en tant que soignants en admettant que nous recevons des « usagers » de produits divers et variés, usagers de drogues notamment, mais là encore pourquoi ne serions-nous pas tous des usagers ? Des usagers des transports en communs, des usagers de l’alcool…. ? Sur quoi allons-nous fonder notre clinique ? Pourquoi ne serions-nous pas tous addictés, en quoi et de quelle place enseignerions nous à nos patients « le bon usage » du produit là où il serait nécessaire qu’ils lâchent l’objet afin d’introduire la dimension du manque.

Repérage. Le petit d’homme au début ne peut qu’être dépendant, totalement dépendant de sa mère ou de toute autre personne qui s’y substitue. Il lui est même fondamentalement aliéné. « (…) dans la relation primitive de l’enfant avec sa mère, la frustration en elle-même n’est pensable que comme le refus du don en tant qu’il est lui-même symbole de quelque chose qui s’appelle l’amour ».[1] La mère est pour l’enfant « puissance de don ». Par exemple, l’objet de la succion, le sein,  quant à ce dernier, aucune nourriture ne peut « satisfaire » la demande du sein. Il devient alors plus précieux au sujet que la satisfaction même de son besoin, dès lors que cette satisfaction ne se voit pas menacée. La condition de l’existence du sujet est la perte d’un possible. Il y a toujours un manque du fait que nous sommes vivants. La faille du sujet ne peut jamais être comblée et plus on tend à l’emplir plus le vide se fait ressentir. Si le lait de la mère nourrit l’enfant, il échoue à  assurer la présence de la mère. Ceci relève du nouage des registres réel, symbolique et imaginaire. Le petit d’homme est avant toute chose serf du langage telle est sa dépendance originelle, il est un parlêtre. La relation à l’objet n’est pas immédiate et ce par le simple fait que le sujet est un être parlant. La jouissance n’a pas à voir avec les aléas divers du plaisir, elle concerne le désir inconscient. Elle ne peut être conçue comme la satisfaction d’un besoin apportée par un objet qui le comblerait. Ainsi L’addiction -s’adonner à – témoigne d’une contrainte par le corps, d’où le danger d’y associer une liste d’objets ou de situations infinies. C’est pourquoi la psychanalyse va s’intéresser à la relation, au rapport au produit plutôt qu’à la liste des objets. Car « peu importe le produit pourvu qu’on ait l’ivresse » ! Ceci nous permet d’aborder la question de la Jouissance. Celle de l’alcoolique comme du toxicomane est Autre, il n’est pas question  de la jouissance phallique. Mais avec l’alcool de retrouver toujours de manière assurée une jouissance toujours à portée de main. « À chaque fois ça marche ». La seule chose qui échoue, qui échappe, c’est l’ivresse, celle du début, puisqu’elle ne peut plus être atteinte, mais peu importe, la quête se poursuit. Car ceci est toujours plus assuré pour l’alcoolique que de se risquer à s’engager dans une relation sexuelle avec un autre. La question de la sexualité demeure inexorablement évincée, évitée, même souvent après les années d’abstinence. En ce qui concerne le toxicomane, de quoi jouit-il ? Certains utilisent le terme de « jouissance de la seringue ». Terme impropre pour qui a une oreille suffisamment aiguisée pour entendre ce dont il est question. Lorsque le toxicomane fait part de sa jouissance, il nous le dit ; il jouit « de se faire un trou ». Curieuse affaire qui la encore nous amène, devrait nous amener en tout cas à ce que le réel au début de la vie doit être troué, et que ce qui va venir border ce trou est le corpus des signifiants, le nouage du symbolique au réel du corps.

Alors, nous pouvons toujours nous féliciter de prendre en charge « toutes » les addictions, dans une position de toute-puissance, en ce qui me concerne, l’exercice de ma pratique clinique que ce soit lors d’entretiens téléphoniques, d’accueil avec ou sans rendez-vous, de soutien psychologique voire de psychothérapie n’est guidée que par un seul fil éthique « La psychanalyse guérit de l’ignorance mais pas de la connerie » Ainsi que Jacques Lacan l’avançait. Et ce afin que peut-être chaque patient puisse trouver non seulement sa vérité de sujet, mais aussi la voie de son désir.

 

[1] Jacques LACAN in Le Séminaire Livre IV « La relation d’objet » Ed du Seuil.

Un fou devant la cour d’assises par Jean-Pierre Rumen

Billet d’humeur du 5 mars 2009.

Zubert G. parle de façon lente et hachée, le plus souvent à côté du micro. Le reste du temps, il est prostré, le regard dans le vide, mais semble écouter les débats, avec l’aide du cocktail de cinq médicaments (neuroleptique, anxiolytique, sédatif, etc.) qu’il prend quatre fois par jour. Zubert G., 34 ans, diagnostiqué comme schizophrène depuis l’âge de 22 ans, a été condamné à dix ans de réclusion criminelle par la cour d’assises du Var – qui ne l’a pas jugé irresponsable -, à Draguignan, jeudi 13 novembre, pour l’incendie d’une cellule ayant entraîné la mort de son codétenu.

C’est donc ce genre de mise en scène qui est censée permettre au justiciable de renouer avec la responsabilité. En quelque sorte de le guérir puisqu’il serait, sous la seule influence du procès de saisir l’enjeu et la nature de celui-ci. le procès ferait de lui-même sortir de l’aliénation. C’est sous l’influence de ce spectacle que les familles des victimes seraient à même de « faire leur deuil ». Expression imbécile travestissant la notion de « travail de deuil ». Une chose est certaine, si ce genre de sottises continue, c’est que le deuil à faire, et pour tous, sera celui de la civilisation.

Le Monde du 14.11.08

Le traitement du cancer chez l’enfant : de la parole au choix – Thèse d’anthropologie par Marie Bonnet

POUR UNE ANTHROPOLOGIE LACANIENNE.

Décembre 2008
Analyse anthropologique et écoute psychanalytique à partir d’une étude de terrain de 30 mois (2004-2007) dans un service hospitalier d’oncopédiatrie universitaire à Marseille du Professeur Jean-Louis BERNARD. Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Thèse dirigée par Monsieur Yannick Jaffré, anthropologue, directeur de recherche au CNRS.

Vous pouvez télécharger la thèse Marie Bonnet sur le site du Comité de protection des personnes Sud-Méditerranée II.

Au cours des trente dernières années, l’oncopédiatrie a été marquée par d’importants progrès médicaux mais aussi par une plus grande autonomie octroyée à l’enfant malade. Cette évolution s’inscrit dans un contexte de montée en puissance des droits de l’enfant, mais aussi d’influence rétroactive de la psychanalyse sur les pratiques soignantes, et d’une attention accrue aux questions éthiques soulevées par l’inclusion des enfants dans des essais cliniques. Ainsi, l’évolution de la place de l’enfant dans la société trouve sa traduction dans le discours et les pratiques biomédicales. C’est cette place de l’enfant gravement malade à l’hôpital que cette thèse vient questionner.
Le fil de lecture, tiré de l’enquête de terrain et guidé par la recherche de la parole de l’enfant, a été tissé au gré de la progression de l’enfant dans sa trajectoire de malade. L’étude a été menée à partir d’une observation participante dans le service d’oncologie pédiatrique de l’hôpital d’enfants de la Timone à Marseille, mais aussi à partir d’un travail spécifique avec d’anciens patients, ou par l’étude de blogs de mamans d’enfants soignés à la Timone.
Le travail présenté est avant tout un témoignage des situations difficiles vécues dans un tel service par les enfants gravement malades, leurs parents et les soignants. Par l’approche interdisciplinaire qui a été privilégiée, le travail a pris une dimension d’anthropologie clinique générant par lui-même des effets. Au moyen de ce que la psychanalyse nomme le transfert, les données inconscientes ou refoulées par les personnes ethnographiées ont été parties prenantes de ce travail.
La thèse vient confirmer l’efficacité symbolique du pouvoir de nomination dont le médecin est investi dans les premières phases de la maladie. Toutefois, pour atténuer la brutalité de l’annonce du cancer, les acteurs usent les uns envers les autres de formes d’évitement discursif, comme gage de stabilité de l’organisation des relations.
La thèse propose ensuite une lecture du soin comme métonymie de la maladie. L’enfant se conçoit malade du moment où il est soigné. En outre, la manière dont les soins sont pratiqués et vécus va constituer la mémoire de l’enfant sur sa maladie. C’est par exemple dans la prise en charge de la douleur, et notamment par la forme de narration associée aux « bonshommes douleurs », que les soignants nouent avec les enfants des relations de confiance. La ritualisation des soins institue pour sa part une fonction de contenance pour l’enfant malade et facilite sa progression dans sa trajectoire.
Dans ce contexte, le fait de conférer à l’enfant une autonomie déléguée, au moyen d’une participation aux choix thérapeutiques, vient le confronter à des choix impossibles. On voit alors apparaître des situations de « double bind », ou des figures de « nourrissons savants » qui constituent autant d’artefacts susceptibles d’altérer les éléments de contenance évoqués précédemment. Si le soin fait métonymie de la maladie, devoir choisir entre deux traitements, n’est-ce pas devoir choisir entre deux maladies ? Ainsi, la lecture sur le terrain des effets des nouvelles pratiques vient mettre en lumière un paradoxe : la recherche trop poussée d’autonomie déléguée peut mettre l’enfant dans une situation de plus grande vulnérabilité.
En revanche, la parole adressée à l’enfant sur la maladie apparaît plus fructueuse si elle vise à alimenter sa narrativité, immédiate ou différée. Des cas cliniques illustrent le travail réalisé avec des patients guéris devenus adultes. Le corps est affecté par le langage, par « les mots qui n’entrent pas dans la tête » et qui font maladie psychique quand la maladie biologique semble pourtant vaincue. Par contraste, ces signifiants qui n’ont pas été donnés, conduisent l’enfant devenu adulte à les chercher pour les intégrer dans une narrativité. La narration effectuée par ces adultes auprès de l’anthropologue a aidé à la recomposition de leur identité. Ainsi, le dialogue noué entre l’ancien patient et l’anthropologue a acquis une dimension clinique : le travail de mise en mots, fonctionnant comme une relecture de la trajectoire, a été riche en effets de sens et de liens.
La conclusion de cette thèse ouvre sur un questionnement méthodologique. Etre psychanalyste en même temps qu’anthropologue est-il un mode d’enclicage comme un autre ? En démontrant que l’approfondissement des rapports en dyades avec les sujets ethnographiés ne fait pas obstacle à la triangulation de l’information et à la compréhension des interactions, la thèse donne aussi à entendre ce qui peut en être d’une anthropologie lacanienne.

La psychanalyse : principes et indications par Joëlle Szymanski-Khalil

LA CURE TYPE

La psychanalyse est une pratique de parole qui a des effets de langage.

Le patient doit parler librement, dire tout ce qui lui vient à l’esprit sans rien retenir. Dire à l’analyste ce dont on souffre apporte déjà un apaisement, mais l’analyse n’est pas une catharsis destinée à quiconque aurait subi un traumatisme ou vécu une enfance difficile.

En séance, une à trois fois par semaine, durant parfois plusieurs années, le patient est allongé pour pouvoir associer plus librement. C’est la règle fondamentale des associations libres qui lui permet de découvrir les origines profondes de ses souffrances psychiques et de les dépasser.

La psychanalyse consiste à remonter le fil de sa vie, petit à petit, en le prenant par le bout qui vient pendant chaque séance : un souvenir, un rêve, une anecdote. Et on associe : à quoi ça nous fait penser, à quoi ça nous renvoie, quelles émotions cela suscite… Les mots réveillent la mémoire et amènent progressivement à la conscience les fantasmes et les scènes du passé qui ont déterminé nos destins. Mais l’analyse n’est pas seulement une remémoration.

On découvre à quel point on est conditionné par des choses d’apparence infime, des choses de l’enfance, des paroles qui nous ont été dites, et l’on revient dessus jusqu’à ce que leur charge pathogène soit réduite. On travaille sur les identifications, (à qui ? pourquoi ? comment ?), sur les satisfactions (pourquoi tenons nous à ce symptôme qui nous gâche la vie ?). On découvre la répétition dans le symptôme : toujours le même ratage de la vie, dans le métier ou dans le couple, et on part à la recherche de notre désir.

Au début de sa pratique, Freud pensait qu’il suffisait d’expliquer au patient le sens caché de ses symptômes pour le guérir ; puis il a compris que la guérison ne survient que si le patient est actif, s’il comprend lui-même l’origine de sa souffrance, c’est pour cela qu’il doit tout dire, sans rien retenir, sans trier les pensées et les images qui lui viennent à l’esprit.

Le travail de l’analyste consiste seulement à aider le patient à dire qui il est dans sa souffrance.  L’analyste n’établit  pas de relations de cause à effet, il ne propose pas une autre version de l’histoire du sujet, il déchiffre les symptômes qui, pris  isolément, semblent irrationnels comme l’ont été les hiéroglyphes avant d’être déchiffrés. (Les vautours, les bonshommes debout ou assis, ne veulent rien dire s’ils sont pris séparément ; le signe « vautour » ne trouve sa valeur signifiante que s’il est pris dans l’ensemble du système auquel il appartient.)

Comme les hiéroglyphes, les symptômes et les rêves parlent un langage codé car ils dissimulent les désirs que nous préférons taire. (Nous réalisons nos désirs dans nos rêves, et nous nous en punissons dans nos névroses.)

Il est difficile d’accepter l’assimilation des symptômes névrotiques à un langage articulé, pourtant c’est bien une analyse de langage qui les résout.

Le cas de Mme Cécilie, patiente de  Freud, est un bon exemple pour montrer le lien entre symptôme et symbolisation : elle souffre de douleurs fulgurantes au front depuis qu’une parente redoutée l’a dévisagée d’un « œil perçant » ; elle présente des névralgies faciales depuis que son mari lui a adressé des paroles offensantes qui lui ont donné un « coup en plein visage ». La psychanalyse ne traite pas le symptôme, mais ce que le sujet en dit, les représentations qu’il en a.

Le récit d’un rêve de  « L’homme aux loups » illustre à son tour les phénomènes subtils de langage dont il s’agit dans l’analyse:– « J’ai rêvé qu’un homme arrachait à une Espe ses ailes. » – « Espe […] qu’entendez-vous par-là ? », interroge Freud. – « Vous savez bien, cet insecte qui a des raies jaunes sur le corps et qui peut piquer… » – « Vous voulez dire Wespe » (« guêpe » en allemand) – « On dit Wespe ? Je croyais vraiment que l’on disait Espe… » – « Mais Espe, c’est moi SP, conclut le patient, S.P., les initiales de mon nom : Serguei Pankajeff. »

Ces exemples font comprendre que l’interprétation c’est uniquement l’équivoque signifiante, l’équivoque grammaticale, logique, homophonique qui permet de déplacer la césure, d’effectuer de nouveaux découpages, de faire apparaître de nouveaux sens comme dans un rébus. (Ex : Un de mes patients utilise le signifiant mal de façon redondante au cours d’une séance, je souligne cela et il déroule une chaine signifiante autour de mâle, ce que c’est qu’être un homme. Une patiente raconte qu’elle a dressé le couvert pour ses invités en se réservant pour elle un set de table transparent ; elle s’arrête sur ce signifiant et déroule une chaîne signifiante où elle est transparente, ce qu’elle associe aux événements qui entourent sa naissance…) Une analyse est faite pour qu’un signifiant maître (S1) ouvre une chaîne signifiante qui aboutira au « non-sens » de ce signifiant maître, dit Lacan.

Ainsi, après l’interprétation le sujet n’est plus le même : quelque chose a bougé dans l’ordre de ses représentations inconscientes, dans les combinaisons des signifiants  propres à sa vie, et il occupe une autre position subjective dans son rapport avec sa plainte.

A l’issue d’une analyse, le sujet a modifié sa position subjective dans son rapport aux autres et à la société par le jeu du langage.

 

Comment comprendre que la psychanalyse n’ait que des effets de parole ?

Ce qui caractérise l’être humain c’est qu’il parle. L’être humain est un « parlêtre » disait Lacan.

Le langage ne surgit pas comme ça. L’homme a à faire au langage dès avant sa naissance ; il est représenté dans un discours, dans un réseau signifiant, qui lui préexiste (la langue maternelle ou le discours de l’Autre) ; l’homme est parlé avant même sa conception et à plus forte raison dès sa naissance. (Cf. les fées qui se penchent sur son berceau ou celles qui prédisent sa naissance).

A sa naissance, l’homme est pris dans le réseau symbolique de la parenté et de la nomination, dans la chaîne symbolique inconsciente qui porte la mémoire familiale, dans l’Autre de  Lacan ; « l’inconscient, c’est le désir de l’Autre ».

Ensuite et pour vivre, le petit homme a besoin d’être reconnu, d’être parlé, et il va confondre les représentations de lui-même que les autres, sa famille, lui renvoient, il va confondre son image, son Moi, avec son être propre.

Le moi n’est pas renforcé par la cure analytique, il est au contraire déconstruit ; le patient fait choir les identifications aliénantes qui le constituent. (Freud : « Où Çà était, Je dois advenir »).

Cf. Serge Leclaire, « On tue un enfant » : la tâche la plus difficile à accomplir est de perpétrer le meurtre de l’enfant merveilleux du désir de l’autre.

La guérison c’est la  sortie de l’imaginaire aliénant, la sortie des filets du désir de l’autre, et l’accession à son désir propre. Un patient est guéri quand il n’a plus ses symptômes, et surtout quand il sait pourquoi il a eu besoin de les avoir. C’est la seule garantie pour qu’ils ne reviennent pas.

L’analyste n’est pas animé par le désir de guérir ; cela ne veut pas dire qu’il se moque de la guérison, (« la guérison vient de surcroit » disait Freud), mais son désir consiste à faire en sorte qu’il y ait analyse. ( L’analyste fait « sinthome » disait Lacan).

Vouloir guérir à tout prix supposerait que l’on sache ce qu’est la « normalité » ou que l’on veuille réduire le sujet au silence. (Introduction à la psychanalyse, Analyse finie et infinie)

La position analytique n’est pas non plus celle de la compassion, de la pitié, de l’aide samaritaine. Si le patient pleure, s’il est angoissé, parfois ça a des bons effets d’esquisser un petit sourire, si c’est bien fait, ça peut lui permettre de se décaler par rapport à sa souffrance.

Le but de la psychanalyse n’est pas d’amener le patient à lâcher son symptôme qui donne du sens à son existence, mais à troquer sa jouissance mortifère contre une force désirante.

Ex : Un patient deviendra comédien pour satisfaire son plaisir oral autrement que dans la boulimie. L’homosexuel qui ne songe pas à changer d’orientation souffre de l’écart entre son mode de jouissance et les idéaux sociétaux. L’analyse lui permet d’assumer sa jouissance et de donner la préférence à sa jouissance sur l’idéal.

Voici ce que n’est pas l’analyse :

Ernst Kris et les cervelles fraîches 1900-1957 (cf. Lacan : Les écrits, Les psychoses)

Un intellectuel était entravé dans sa profession, incapable de publier ses recherches, car hanté et culpabilisé par l’idée d’être plagiaire. Il disait en avoir eu la preuve en découvrant un jour ses idées dans l’ouvrage d’un de ses collègues. Kris s’est procuré et a lu l’ouvrage en question et lui a affirmé qu’il n’en était rien. Durant la séance suivante, le patient lui a raconté qu’en le quittant il était allé au restaurant manger des cervelles fraîches, ce qui est un acting out.

L’acting out c’est ce qui se produit quand on aborde quelque chose dans la réalité et non dans le symboliqueKris a voulu montrer au patient qu’il n’était pas plagiaire et celui-ci lui a répondu dans la réalité de manière incongrue; tout ce que Kris a pu dire n’a rien changé au problème du patient. En privilégiant l’axe imaginaire, Kris a provoqué une réponse sauvage à une intervention sauvage. A l’inverse, l’attention flottante préconisée par Freud sert à privilégier l’axe symbolique, comme dans l’une des 5 psychanalyses :

L’homme aux rats

L’homme aux rats était un grand obsédé, jeune, de formation universitaire, un officier de réserve, qui a demandé conseil à Freud dans une histoire de remboursement de l’envoi d’une paire de lunettes. Le « capitaine cruel » lui avait demandé de payer la somme à un certain lieutenant A. ; le patient savait parfaitement que le lieutenant B avait déjà remboursé la postière qui avait avancé les frais d’envoi. Pourtant le patient se sentait contraint d’obéir, alors qu’il ne le voulait pas. Il s’est présenté à Freud après avoir entendu le « capitaine cruel » faire la description d’un supplice oriental qui consiste à attacher un homme nu sur un seau contenant des rats affamés ; les rats s’enfoncent lentement dans l’anus et le rectum du supplicié. L’homme aux rats racontait le supplice avec une jouissance évidente dont il n’était pas conscient et il était obsédé par la crainte que ce supplice soit appliqué à la dame de ses pensées et à son père, s’il ne payait pas sa dette.

Or, son père était déjà mort depuis huit ans et la dame en question repoussait ses avances depuis plusieurs années. L’homme aux rats n’avait pas fait le deuil de son père, il avait refoulé sa mort si souvent souhaitée. Ses craintes traduisaient donc son agressivité refoulée envers son père et envers la femme aimée.

Lacan a complété l’analyse de Freud en retrouvant dans le symptôme obsessionnel de « l’homme aux rats », les histoires qui ont précédé sa naissance : une dette frauduleuse de son père, militaire, cassé de son grade pour forfaiture, un emprunt qui a permis à celui-ci de couvrir sa dette, la question obscure de son remboursement à l’ami qui lui est venu en aide, et un mariage qui lui a redonné une position tout en trahissant un amour. Toute son enfance, l’homme aux rats avait entendu parler de cette histoire; il ne s’agit pas d’un événement traumatique qui fait retour du refoulé ; c’est l’histoire familiale dramatique qui reparaît dans le symptôme sous une forme méconnaissable ; le sujet la reproduit sans en avoir conscience car elle est transposée comme une écriture dans une autre langue ou en d’autres signes.

L’INCONSCIENT

La théorie de l’ICS est l’hypothèse fondatrice de la psychanalyse. Elle nous apprend que nous ne sommes pas le centre de nous-mêmes, qu’il y a en nous un autre sujet, l’inconscient. « C’est une nouvelle qui n’est pas bien acceptée ! », dit Lacan.

L’inconscient, c’est l’organisation qui gouverne nos pensées, nos désirs, nos actes. Il surgit comme incongru dans le discours conscient que nous croyons maîtriser, ou de manière énigmatique et contre notre volonté dans les rêves, lapsus, oublis, symptômes que l’on appelle formations de l’inconscient. Ce n’est qu’à travers ces formations de l’ics, à travers le retour du refoulé que nous avons accès à l’inconscient, cad au refoulé.

La notion de refoulé est difficile à comprendre car on imagine le refoulement comme une pression  contre un couvercle de cocotte minute.

Refouler ne signifie pas refuser de prendre conscience de quelque chose, d’un instinct sexuel par exemple qui voudrait se manifester sous forme homosexuelle. Ce n’est pas une tendance qui est refoulée, ce n’est pas son homosexualité que le sujet refoule, mais la parole où cette homosexualité joue un rôle de signifiant ; c’est une vérité qui est refoulée, elle devient inconsciente et va s’exprimer dans les formations de l’ics, en langage chiffré.

La vérité n’est pas perdue ; c’est la clé du nouveau langage dans lequel elle s’exprime désormais qui manque. C’est là qu’intervient le psychanalyste. CF. La Science des rêves,la Psychopathologie de la vie quotidienne,  Le mot d’esprit et l’inconscient.

Le terme inconscient fait croire qu’entre le conscient, « ce que nous croyons dire » et l’inconscient, « ce que nous ne savons pas que nous disons quand nous parlons », existe un bord qui les sépare et qu’ils sont répartis de chaque côté de ce bord. Il n’en n’est rien, les manifestations de l’inconscient dans le discours conscient sont en continuité, comme l’envers et l’endroit d’une bande de Moebius ; le passage de l’un à l’autre ne nécessite aucun franchissement de bord. C’est pourquoi le refoulement est inséparable du retour du refoulé.

Lacan a posé l’existence d’un sujet de l’inconscient qui travaille notre parole et nos actes alors que nous pensions les commander. Il appelle sujet divisé ce sujet qui semble s’opposer à lui-même et l’écrit $. Cela ne signifie pas qu’il y a un sujet de la conscience et un double obscur, mais que c’est dans sa pensée et dans ses actes, que le sujet est divisé, clivé.

Il n’est pas possible de séparer, même après une cure psychanalytique, le sujet conscient du sujet inconscient, c’est le même et un autre dans le même temps. Nous aurons toujours un ics !

Freud : L’inconscient c’est la mémoire, c’est même l’oublié ! Dans sa première théorie de l’appareil psychique (cf. lettre 52), Freud présente un appareil qui se comporte comme un bloc magique devant toute perception nouvelle et qui en garde les traces mnésiques.

Dans cet appareil, la même excitation est fixée de façon différente dans 3 couches de la mémoire et les différentes sortes de traces de l’expérience constituent la vie psychique inconsciente.

CS                                                ICS                                                    PCS                        CS

 

W————————-Wz———————Ub————————–Vb——————–Bews

Perception   signes de la  perception    souvenirs de concepts   représentations  de mots

Simultanéité causalité

Représentations à     représentations de la représentation

 

pas de sens                         orientation

pas de contradiction        implique la succession

pas d’ordre dans le temps dans le temps

condensation déplacement permettent le passage d’une représentation à l’autre.

-W : (Wahrnehmung = perception) C’est dans la cs que nous avons d’abord à faire aux perceptions, aux impressions, à la jouissance du corps ; les neurones dans lesquels naissent les perceptions n’en gardent aucune trace car si toutes les traces de l’excitation subsistaient dans la conscience, la capacité du système à recevoir de nouvelles excitations serait réduite. Perception et mémoire, perception et ics s’excluent.

-Wz : (Wahrnehmungzeichen=les signes de la perception) Dans l’ics, au premier niveau, les perceptions s’inscrivent sous forme de signes de la perception, de représentations ; ils sont associés selon des coïncidences temporelles, selon la simultanéité. Donc ici pas de sens, pas de contradiction et pas d’ordre dans le temps.

-Ub : ( Unbewusztsein=l’inconscient) Au niveau de la deuxième inscription inconsciente, les représentations s’ordonnent selon des relations causales, et se transforment en souvenirs de concepts. Vorstellungrepresentanz= représentations de la représentation.

Les associations de causalité impliquent la succession dans le temps, donc une orientation.

-Vb (Vorbewusztsein=le préconscient)  La troisième inscription, est une réécriture avec des représentations de mots, Wortvorstellung.

Les représentations inconscientes sont soumises aux lois du déplacement et de la condensation qui sont des modes de passage d’une représentation à une autre. Dans le travail du rêve la condensation accumule sur un seul élément une suite de pensées,  et le déplacement centre des pensées sur un élément de moindre importance apparente.

-Les traces mnésiques ics ne sont pas des images de la chose, mais des signes sans qualité sensorielle particulière qui peuvent être comparés à des lettres.

-Les contenus des perceptions sont associés pour être conservés et les combinaisons d’inscriptions et de retranscriptions peuvent se faire à l’infini.

-En s’inscrivant l’expérience subit de nombreux remaniements. On ne retrouve plus l’expérience vécue, mais une série de fantasmes qui déterminent la vie psychique.

-L’inconscient avec ses représentations ne peut accéder à la conscience qu’en passant par le préconscient qui lui en permet ou interdit l’accès. Les représentations refoulées par la censure restent inconscientes et sont à l’origine des névroses ( L’hystérique souffre de réminiscences).

Lacan

Pour Lacan qui a dégagé la position primordiale du signifiant par rapport au signifié, (le signifiant ne représentant pas le signifié) et souligné l’importance des symboles, dans l’appareil psychique de Freud :

– Les signes de la perception qui peuvent se lire sont des signifiants!

-Condensation et déplacement équivalent à deux opérations langagières : condensation à métonymie (boire un verre alors qu’on en boit le contenu = lien de proximité), déplacement à métaphore (la bouche d’un fleuve, le cœur d’une forêt = substitution d’un signifiant à un autre).

Elles ne sont pas ordonnées par le temps, et ne connaissent pas la contradiction.

-La trace de l’expérience vécue s’associe avec d’autres traces, d’autres signifiants, en un enchaînement de signifiants qui crée des effets de signification qui n’ont plus rien à voir avec l’événement perçu dans la réalité.

-L’écriture de l’Ics est de l’ordre du jeu de lettres. Les mots sont traités comme des choses par homophonie et assonance ; ils valent par leur tissage et leurs connexions littérales comme en poésie

-L’inconscient est constitué d’un matériel dépourvu de signification.

-L’inconscient est structuré comme un langage, un langage qui a ses lois, sa syntaxe et ses caractéristiques.

-La jouissance est transplantée du corps vers le langage.

-Les formations de l’ics ont bien une forme d’écriture chiffrée. Les phénomènes dont il s’agit dans l’analyse, sont bien langagiers.

 

LE TRANSFERT

Le mot « transfert » vient du latin et signifie translation, déplacement ; il implique le mouvement ( T. de fond, de prisonniers, de marchandise..)  Au sens juridique : placer une personne dans un autre statut.

Le transfert est un phénomène qui s’établit de manière automatique, constante, inévitable, indépendamment du contexte, dans toutes relations, quelles soient professionnelles, amicales, ou sociales. C’est le moteur de toute psychanalyse comme de toute psychothérapie.

Pas de thérapie ou d’analyse sans transfert ! C’est un phénomène inconscient qui consiste en la reviviscence d’affects : le sujet n’a aucune conscience du fait que ce qu’il éprouve dans l’instant, il l’a éprouvé autrefois dans une situation similaire ; il ignore que cet affect n’a rien à voir avec la réalité du cadre dans lequel il se trouve.

En psychanalyse,  transfert désigne le lien qui s’instaure entre un patient et son psychanalyste au cours d’une cure. L’analyste  est dédoublé entre ce qu’il est et ce qu’il incarne pour le patient ; il doit en tenir compte pour entendre son patient. Il n’y a pas d’analyse sans transfert.

Freud

Au début, il était désorienté quand ses patientes se jetaient à son cou, puis il en a fait, petit à petit, un outil essentiel de la relation analytique.

L’analyste est aimé ou haï par le patient qui transfère sur lui des désirs qu’il éprouvait pour son père ou sa mère. Il revit ainsi symboliquement des pans de son enfance et ses souvenirs enfouis émergent. Le transfert est une forme de remémoration qui fait partie du matériel de l’analyse. (A cause du transfert, le patient peut aussi vouloir montrer à l’analyste qu’il est guéri, supposant que c’est ce qu’il attend de lui ; il peut encore résister, rejouer, au lieu d’associer librement.)

Le patient ne dit pas qu’il se rappelle avoir été insolent et insoumis à l’égard de son père, mais il se comporte de cette façon à l’égard de l’analyste ; il répète dans la cure ce dont il ne se souvient pas ; l’analyste n’est pas pris pour le père.

L’analyste accepte le jeu du transfert, ( il ne dit pas  « je ne suis pas votre père » !) mais renvoie l’analysant à son énonciation afin qu’il dépasse la relation imaginaire.

Un analyste doit avoir fait une analyse pour ne pas se croire concerné, pour comprendre que quelque chose se joue ailleurs, et non dans l’« ici et maintenant » ; c’est ainsi qu’on évite la « folie à deux ».

Le transfert a aussi un aspect dialectique qui constitue le véritable moteur de la cure ; au-delà de toute demande de guérison, le patient demande à être aimé, mais il l’ignore. Puis il va penser que si l’analyste accepte de l’écouter, c’est qu’il est digne d’intérêt et d’amour ; il entre en analyse comme en se pensant aimé.

C’est le désir de l’analyste qui permet la mise en place de cette relation amoureuse platonique qu’est le transfert. Mais c’est parce que le psychanalyste ne répond pas à la demande ponctuelle d’amour que le transfert est ouvert à l’analyse. C’est ainsi que l’analyste peut agir progressivement dans le sens inverse du transfert pour détacher l’analysant de l’idéal qu’il incarne et lui éviter de terminer son analyse en étant identifié à lui.

Freud et la découverte du transfert

Breuer avait constaté que sa patiente, « Anna O. » allait bien quand il lui faisait une visite quotidienne, tandis que sa symptomatologie s’aggravait quand il ne passait pas la voir.

Le cas « Anna O. » 1880 à 1882

Bertha Pappenheim, âgée de 21 ans, souffrait depuis deux ans de paralysies et contractures gênantes pour boire et manger et de graves troubles de la vue et du langage, en particulier perte de sa langue maternelle. Elle paraissait parfois d’humeur sereine et d’autres fois très excitée.

Breuer pris l’habitude de lui rendre visite régulièrement et gagna sa confiance. La patiente prit l’habitude de lui raconter tous les désagréments de sa pénible journée ; elle se sentait momentanément soulagée.

Un jour, Anna O raconta dans les moindres détails l’apparition de l’un de ses symptômes qui disparut ainsi. Très intelligemment, elle se mit à raconter l’apparition de chacun de ses symptômes et la souffrance disparaissait comme par enchantement. Breuer réussît en moins d’un an à délivrer Anna O de la plupart de ses symptômes et donna à cette méthode qui combinait l’hypnose à la parole spontanée le nom de « méthode cathartique », tandis qu’Anna O la nommait « talking cure » (« cure par la parole ») ou de « chimney sweeping  » (« ramonage de cheminée »).

Anna O était tombée malade alors qu’elle soignait son père atteint d’une grave maladie à laquelle il devait succomber. Tous ses symptômes relevaient d’un conflit psychique entre son désir de sortir et de s’amuser comme toutes les jeunes filles de son âge, et le devoir de veiller son père malade, sa mère  étant absente à cette époque.

 

Pour revenir au transfert, Breuer était tellement absorbé par ce cas que sa vie de familiale en pâtit. Partagé entre son devoir de médecin et les remords d’inquiéter  malgré lui sa femme, il décida de mettre un terme à la cure de la jeune fille dont l’état s’était considérablement amélioré. Mais le soir où il annonça sa décision à Anna elle fut prise d’affreuses douleurs évoquant des douleurs d’accouchement : Accouchement hystérique d’un enfant conçu de façon imaginaire lors d’un traitement inconsciemment vécu comme un accouplement fantasmatique avec le médecin ; Breuer n’avait rien vu venir. Breuer « se débarrassa du bébé » en racontant l’histoire à Freud ; il présenta Anna comme une grande malade détraquée et garda les détails sur la fin du traitement !

Dans le cas Dora, Freud était encore embarrassé du transfert. Il l’a mis de côté, pour se centrer sur les symptômes, les rêves, les actes manqués, les associations, la sexualité infantile de sa patiente au lieu de le prendre en compte pour qu’il fasse partie du matériel de la cure.

Le cas « Dora »

Dora, Ida Bauer, était née à Vienne dans une famille juive ; elle avait présenté dès son enfance des « troubles nerveux », en particulier des difficultés respiratoires. Quand son père a contacté Freud, elle souffrait de dyspnée, de toux nerveuse, d’aphonie, de dépression et d’humeur asociale, déclenchées par une situation qui  met en scène 4 personnes : son père, un homme talentueux admiré par Dora, sa mère plus effacée, préoccupée de tâches ménagères, Madame K que Dora admire et Monsieur K.

Dora avait refusé de passer quelques semaines comme prévu dans la maison des K au bord d’un lac et ne s’en était expliquée qu’au bout de plusieurs jours : Monsieur K. avait osé lui faire une déclaration. En fait il avait dit que sa femme n’était rien pour lui et elle l’avait giflé. Dora avait demandé à son père de rompre avec les K., mais comme celui-ci entretenait une relation amoureuse avec Madame K., il avait accusé sa fille d’avoir imaginé la scène rapportée.

Durant sa cure avec Freud,Dora raconte un événement antérieur : quand elle avait 14 ans Monsieur K. l’a serrée contre lui et embrassée, elle en a ressenti un profond dégoût et s’est enfuie. (L’hystérique  ressent du dégoût là où il y a excitation sexuelle.)

Freud  a insisté pour que Dora reconnaisse son désir inavoué pour Mr. K. et provoqué l’arrêt du traitement. Il avait été mis à la place de Mr.K et ne s’en était pas rendu compte ; il n’était donc plus en mesure de lui faire comprendre ce qu’elle mettait en acte ; elle s’est vengée de Freud, comme elle voulait se venger de Mr.K. L’élucidation du transfert est indispensable pour éviter les passages à l’acte ou acting-out.

 

Lacan : L’analyste est le « sujet supposé savoir » !

Pour Lacan, il y a transfert parce qu’il y a une supposition de savoir qui est aussi une dialectique. Si le patient s’adresse à l’analyste, c’est qu’il lui confère le pouvoir de savoir ce dont il souffre alors qu’il l’ignore. Plus l’analyste est silencieux, plus il est crédité de ce pouvoir.

Le fait d’avoir à parler devant le silence d’un autre – un silence qui n’est fait ni d’approbation, ni de désapprobation, mais d’attention – est ressenti comme une attente, comme l’attente de la vérité  susceptible d’apaiser ses souffrances. Le patient veut découvrir ce qu’il suppose que l’analyste sait.

Le transfert, c’est l’amour qui s’adresse au savoir, c’est un appel au maître, au père, au lieu où serait garantie la vérité au nom de quoi nous parlons. La cure analytique a pour but de défaire cette attente d’une complétude du symbolique. Elle conduit le sujet à prendre acte qu’il y a un trou dans le symbolique que nul Dieu ne viendra jamais combler. (incomplétude de l’Autre.)

En face, le psychanalyste sait qu’il n’est que « supposé-savoir » et que le savoir est chez le patient. Il suppose que, dans ce que dit le patient, dans son inconscient il y a un savoir sur son symptôme.

Psychose (On a trop longtemps soutenu qu’il n’y avait pas de transfert chez les psychotiques et que ceux-ci étaient inaccessibles à tout abord psychanalytique. Certes, la cure type n’est pas pour eux, mais une prise en charge analytique peut les aider.)

Si le transfert a à voir avec l’amour, celui engagé par le psychotique n’est pas métaphorique, le psychotique aime réellement comme l’indiquent les fréquentes issues érotomaniaques ; il peut aussi haïr réellement d’où les moments intrusifs et persécutifs ; les moindres gestes ou propos peuvent produire des effets destructurants  majeurs. Le psychotique peut passer de la confiance absolue à la méfiance radicale. Il résiste mal au transfert.Le fait qu’une analyse puisse déclencher une psychose est bien connu ; c’est évidemment fonction des dispositions du sujet mais surtout d’un maniement imprudent du transfert.

Le psychotique est le « sujet supposé savoir », l’analyste devient le « secrétaire de l’aliéné ».

M. Czermak : Patronymies

Il donne des exemples de maniements du transfert psychotique :

-l’érotomanie d’un jeune homme sur sa thérapeute qui disait habituellement « Je pars en vacances » et qui dit  « je pars en vacances, rappelez moi en septembre » = déclenchement de la psychose, il n’a pas résisté au transfert.

-Celui qui croit rassurer son patient en lui disant :« Je veille sur vous » ; le patient voit son thérapeute partout, entend sa voix à la radio, à la télé = syndrome de Frégoli chez un psychotique qui n’était pas repéré

-Une psychotique délirante persécutée par son mari et qui menaçait depuis 20 ans de divorcer. Quand l’interne lui dit qu’il est scandaleux de vivre avec un homme qu’on dénonce constamment, elle va se plaindre au chef de service et quelques années plus tard elle continue de se plaindre de son mari et de décrire la vie conjugale qui devrait être la sienne. « Il n’y a que les psychotiques pour faire des vrais couples, des couples en rapport, vraiment unis. »

 

Perversion Pour la psychanalyse, cette notion ne se rapporte pas uniquement aux comportements sexuels ; elle désigne la problématique de personnes qui jouissent de repérer et de toucher chez l’autre la faille, le point d’angoisse. Les pervers peuvent mettre à mal ceux qui s’avisent de les prendre en charge s’ils ne les ont pas repérés comme tels. Dans certaines situations, à défaut de paroles qui font acte, ils peuvent les mener par le bout du nez, car ils jouissent de mettre l’autre en incapacité de faire quelque chose pour eux.

P. Declerck (Les naufragés) donne de nombreux exemples de ces situations où la personne clochardisée jouit de se mettre à nu devant le soignant ou le travailleur social, de mettre à nu le réel de son corps souffrant ou la proximité de la mort, et de toucher ainsi à l’angoisse de l’autre.

INDICATIONS : les principes

 

L’analyse n’est pas réservée à tel ou tel type de pathologie ou de symptôme, pas non plus réservée aux seuls névrosés comme on la longtemps pensé.

Proposer le recours aux médicaments, à telle ou telle thérapie, à la psychanalyse, implique l’adhésion à une certaine vision de l’homme. Donner des antidépresseurs à une personne en deuil au lieu de l’aider à parler, c’est croire ou faire croire aux patients que toute souffrance relève de la pathologie, c’est retirer à l’homme sa qualité d’humain car il n’y a pas de vie humaine sans conflits, sans douleurs et sans épreuves à traverser.
Réduire la souffrance à une série de symptômes, assortis d’une prescription, c’est nier la subjectivité, c’est récuser l’idée que chaque être est unique : on ne soigne pas une angoisse comme on répare une voiture.
Assimiler le psychisme à un réseau de neurones, c’est confondre l’homme avec un ordinateur, en oubliant que ce dernier n’accédera jamais à la capacité de penser.

La psychanalyse est en opposition avec les idéaux pragmatiques et consuméristes contemporains (être adapté, efficace, sûr de soi, capable de gérer ses émotions) ; elle invite à ne pas se contenter du prêt à consommer, à se poser des questions, elle dérange « le bon ordre ».

On a tout dit sur l’analyse, tout et son contraire, qu’elle a pour but d’adapter le sujet à sa vie ou à ses véritables besoins, d’en faire un père parfait, un époux modèle, un citoyen idéal, soit quelqu’un qui ne discute  plus de rien, qu’elle est un moyen de se libérer de toute contrainte, de s’abandonner à tous ses désirs, qu’elle nous modifie, nous dépossède d’une partie de nous-mêmes, etc. On la dit longue, coûteuse, moins efficace que le Prozac…

Elle dure longtemps, c’est vrai, mais chacun décide d’arrêter quand il le veut. Certains le font dès qu’ils sont débarrassés de leurs symptômes, c’est leur droit. Si l’on va jusqu’au bout, c’est long, car quand c’est trop douloureux, le psychisme se protège. Mais l’analyse a une fin.

La psychanalyse coûte cher ; elle coûte une somme d’argent qui est le symbole du prix à payer pour s’en sortir. La psychanalyse suppose un engagement, car elle n’est pas une partie de plaisir. La parole ne suffit pas : dire : “Je soutiens telle cause”, et ne jamais donner un euro, c’est contradictoire. On paye l’analyste aussi pour ne pas être en dette envers lui. Nous avons fait un travail avec lui, nous l’avons terminé, nous pouvons le quitter.

Payer l’analyse ne signifie pas qu’elle soit un objet de luxe. Le prix est décidé avec l’analyste, il n’est pas lié seulement aux revenus, mais au sens qu’il a pour chacun. (pour tel le prix est cher et pour tel autre non). Et puis il y a des psychanalystes à l’hôpital ou en CMP !

Les personnes qui ont fait une psychanalyse ne sont pas débarrassées à tout jamais de toute souffrance. Elles disent seulement comment elles vivent avec elles-mêmes après avoir fait le dur travail de découvrir qui elles étaient.

La psychanalyse ne guérit pas. On guérit ce qui est guérissable.

Le symptôme est ce qui échappe à l’organisation du moi. Il y a symptôme quand le sujet dit que « ça, ça n’est pas moi », et qu’il dit vouloir s’en débarrasser. Dans un premier temps, ça le gêne, il veut s’en débarrasser, dans un second temps, souvent, le symptôme fait partie de lui, il l’aime car il est une solution à son angoisse ; il ne veut plus s’en débarrasser. On ne peut pas dire que le sujet résiste, simule, manipule; ce symptôme peut être ce qu’il a de plus précieux : une identification, un lien à l’autre (après le décès d’un être cher)…

Le symptôme peut aussi procurer une satisfaction substitutive et faire plaisir (Inhibition, Symptôme, Angoisse : la névrose obsessionnelle). Dire que c’est une satisfaction substitutive ne signifie pas que c’est moins de satisfaction. Freud montre que l’on n’arrive pas à les distinguer et Lacan que finalement toutes les satisfactions sont substitutives d’une qui n’existe pas.

Nous allons en analyse pour nous débarrasser de nos symptômes mais, paradoxalement, nous tenons à ces symptômes, parce que c’est la seule chose que nous connaissons de la vie, du monde, du rapport aux autres et à nous-mêmes. La réaction thérapeutique négative tient à l’inconscient du patient, comme pour toute thérapeutique.

Tout acte de soin se confronte à la répétition, à l’instance d’une étrange satisfaction, que Lacan nomme jouissance…

Joëlle SZYMANSKI-KHALIL

Psychologue – Psychanalyste

Membre de l’Association lacanienne internationale

Et dans la psychose… le désir par Bernard Moullé

En cette rentrée de 2005, comme nous discutions à l’Ecole de Nancy du programme des séminaires publics pour cette année, je me suis aperçu qu’à propos du désir qui était le thème des interventions déjà présentées ou en gestation, il n’était pas question de la psychose. Alors, bêtement j’ai posé cette question « Qu’en est-il du désir dans la psychose ? »
Et j’ai essayé de me mettre au travail …
Je me suis aperçu alors que dans les présentations de malades auxquelles je participe depuis 13 ans, chaque mois à Paris, ce n’était pas en terme de désir qu’était élaboré le trait du cas.
Pourtant c’est en terme de fantasme et de désir que Freud aborde la question de la paranoïa.
Nous allons le suivre dans le commentaire qu’il fait de Schreber où il part de l’homosexualité et du narcissisme. Mais il s’attache essentiellement à différencier Névrose et Psychose et à faire ressortir le trait distinctif de la paranoïa qui tient au mécanisme de formation des symptômes. Ce mécanisme fait intervenir :
– la projection
– le refoulement
– le délire
Tout au long de son œuvre, Freud en inventeur de la psychanalyse, a posé des questions qu’il a laissées ouvertes. C’est ce que Lacan appelle des « pierres d’attente».
A partir de la grammaire freudienne du délire, Lacan va démontrer qu’il s’agit là d’une aliénation verbale. Puis il va situer la régression narcissique comme relation spéculaire et replacer le délire dans le circuit de la parole (Schéma L). Il continue d’autre part à suivre son fil qui est celui du signifiant. Partant de la parole du psychotique il démontre qu’il s’agit dans le délire de la décomposition de la fonction du langage.
Une autre pierre d’attente est la Ververfung freudienne que Lacan traduit par forclusion dont il fait le mécanisme distinctif de la psychose. Ce qui est forclos est un signifiant dont l’absence affecte tout le système signifiant. Cette absence se mesure à des effets bien précis que la clinique nous enseigne.
Nous terminerons sur ce que nous en livre Marcel Czermak et qu’il appelle la« déspécification des pulsions. »

Pour Freud (1) la cause occasionnelle de la maladie de Schreber fut une poussée de libido homosexuelle portée dès l’origine sur Flechsig, son médecin bienfaiteur qui l’avait guéri huit ans plus tôt. La lutte contre cette pulsion libidinale produisit le conflit générateur des phénomènes morbides. Mais pourquoi cette explosion se produit-elle après sa nomination comme président de la Cour d’Appel de Dresde ?
Freud s’il pose la question ne peut y répondre en l’absence de données biographiques plus précises. Il évoque la frustration de Schreber de n’avoir pas eu l’enfant désiré et sa crainte de voir sa lignée s’éteindre, ce qui aurait pu favoriser son fantasme d’être une femme, le replaçant par régression dans l’attitude féminine qu’il avait eue envers sons père dans ses premières années.
Mais ce complexe paternel n’est pas caractéristique de la paranoïa pour Freud. Le trait distinctif de la paranoïa est à rechercher dans la forme particulière que revêtent les symptômes. Cette forme tient au mécanisme qui les constitue :
« Ce qui est essentiellement paranoïaque dans ce cas c’est que le malade pour se défendre d’un fantasme de désir homosexuel, ait réagi précisément au moyen d’un délire de persécution de cet ordre. » (2)
Freud a constaté avec surprise par l’expérience de nombreux cas de paranoïaques rapportés par Jung et Ferenczi que « dans tous ces cas, la défense contre un désir homosexuel était au centre même du conflit morbide. » (2) Ce n’était pas ce que Freud attendait car « l’étiologie sexuelle n’est justement pas du tout évidente dans la paranoïa. » (2) Seule domine une frustration sociale. Mais à y regarder de plus prés ce qui blesse est lié aux composantes homosexuelles de la vie affective. Le délire met régulièrement en lumière la relation entre vie sociale et désir érotique.

Le Narcissisme.
Freud intègre ces données dans ses dernières théorisations, notamment celle du narcissisme qu’il situe entre l’auto-érotisme et l’amour objectal et définit ainsi :
« L’individu en voie de développement rassemble en une unité ses instincts sexuels qui, jusqu’à là, agissaient sur le mode auto-érotique, afin de conquérir un objet d’amour, et il se prend d’abord lui-même, il prend son propre corps, pour objet d’amour avant de passer au choix objectal d’une autre personne. » (3)
Sur le corps propre, ce seraient les organes sexuels qui exerceraient l’attrait primordial. Ainsi l’étape suivante conduit au choix d’objet doté des mêmes organes génitaux. Vient ensuite le choix d’objet hétérosexuel. Ces aspirations homosexuelles que l’on trouve au cours de ce processus se retrouvent ensuite employées à étayer les instincts sociaux. Les frustrations ou bien une intensification de la libido peut l’amener à revenir à des stades antérieurs de fixation.

Mécanisme de formation du symptôme.
Au centre de ce mécanisme Freud met la projection qu’il définit ainsi :
« Une perception interne est réprimée et, en son lieu et place, son contenu, après avoir subi une certaine déformation parvient au conscient sous forme de perception venant de l’extérieur. » (4)
Vous entendez qu’il n’y a aucunement une projection de l’intérieur vers l’extérieur. Freud le précise plus loin avec cette formule essentielle :
« Il n’était pas juste de dire que le sentiment réprimé au-dedans fût projeté au-dehors ; on devrait plutôt dire : « ce qui a été aboli au-dedans revient du dehors. » (5)
En 1924 dans « La perte de réalité dans la névrose et la psychose » Freud articule deux phases dans la névrose et la psychose. Pour la psychose dans le premier le moi se coupe de la réalité, dans le second il reconstruit une nouvelle réalité. A propos de Schreber il distingue deux moments : le refoulement et le délire qui correspondent à ces deux phases.
Deux phases :
1) Refoulement.
Par refoulement la libido se détache de personnes ou de choses auparavant aimées. Le point de fixation se trouve au stade du narcissisme. La régression parcourt le chemin qui va de l’homosexualité sublimée au narcissisme.
Dans « Névrose et Psychose », en 1924, Freud propose de trouver une alternative au terme de refoulement : « quel peut-être le mécanisme, analogue à un refoulement, par lequel le moi se détache du monde extérieur? » (6)
Il y a là, comme dans ce qui a été cité plus haut au sujet de la projection, ce que Lacan a appelé des « pierres d’attente chez Freud » qu’il saura utiliser.

2) Le Délire.
Freud le dit clairement : la formation du délire est une tentative de guérison, une reconstruction. Le processus de guérison supprime le refoulement et ramène la libido aux personnes même qu’il avait délaissées. Il s’accomplit par la voie de la projection.
L’hypothèse de Freud fait du fantasme de désir homosexuel : « aimer un homme » le centre du conflit dans la paranoïa de l’homme.
Il note qu’il est curieux de constater que « les principales formes connues de paranoïa puissent toutes se ramener à des façons diverses de contredire une proposition unique :
« Moi (un homme) je l’aime (lui, un homme) » ; bien plus, qu’ elles épuisent toutes les manières possibles de formuler cette contradiction. » (7)
La phrase : « Je l’aime (lui, l’homme) » est contredite par :

a) le délire de persécution qui proclame très haut :
« Je ne l’aime pas, je le hais. »
Pour le paranoïaque cette contradiction ne peut devenir consciente sous cette forme. Pourquoi ? Et là, Freud pointe un des caractères fondamentaux de la paranoïa :
C’est que « le mécanisme de la formation des symptômes dans la paranoïa exige que les sentiments, la perception intérieurs, soient remplacés par une perception venant de l’extérieur. » Nous avons là les bases de la xénopathie.
Par « projection » « je le hais » se transforme en « il me hait. » Le sentiment interne qui est à l’origine apparaît comme conséquence d’une perception extérieure :
« Je ne l’aime pas, je le hais, parce qu’il me persécute. »
Ce persécuteur était auparavant un homme aimé.

b) l’érotomanie
« Ce n’est pas lui que j’aime, c’est elle que j’aime. »
La nécessité de la projection transforme cette proposition :
« Je m’en aperçois, elle m’aime. »
L’érotomanie part de la perception venue de l’extérieur : « elle m’aime. »
« Ce n’est pas lui que j’aime, c’est elle que j’aime parce qu’elle m’aime »

c) Le délire de jalousie.
Chez l’homme : « Ce n’est pas moi qui aime l’homme, c’est elle qui l’aime. »
Il soupçonne la femme d’aimer tous les hommes qu’il est lui-même tenté d’aimer. La projection n’est pas nécessaire puisque le changement de sujet fait que la perception intérieure est remplacée par une perception extérieure.
Chez la femme : « Ce n’est pas moi qui aime les femmes. C’est lui qui les aime. »
Freud rajoute qu’à une proposition qui comprend trois termes on pourrait croire qu’il n’y a que trois manières de la contredire : « Le délire de jalousie contredit le sujet, le délire de persécution le verbe, l’érotomanie l’objet. » (8) Mais il y en a une quatrième qui rejette entièrement cette proposition :
« Je n’aime pas du tout. Je n’aime personne. » C’est identique à : « Je n’aime que moi. » Ce qui donne le délire des grandeurs.

Lacan : l’aliénation verbale.
Lacan dans le séminaire III aborde la question du délire comme il apparaît, c’est-à-dire comme une parole. Comme telle elle est à situer à partir des quatre lieux du schéma L (S, A, a, á ).
En reprenant les propositions Freudiennes sur la constitution des délires paranoïaques, Lacan fait semble-t-il un lapsus (les différentes versions donnent la même chose sauf celle de J.A. Miller) :
« Cette distinction de l’Autre avec un A de l’autre avec un a, c’est dans cet écart, c’est dans l’angle ouvert de ces deux relations que toute la dialectique du désir doit être située, car la question est :

1)     « est-ce que le sujet vous parle ?
2)     de quoi parle-t-il ? » (9)

Le sujet psychotique parle de quelque chose qui lui parle. La structure de cet être qui parle au sujet et dont le sujet témoigne est ce dont il s’agit dans la paranoïa. L’aliénation dans la psychose est à un autre niveau que l’aliénation imaginaire habituelle, il ne s’agit pas simplement d’identification.
La structure de cet être qui parle au sujet c’est le S tel que l’analyse l’entend, cet inconscient qui parle dans le sujet au-delà du sujet et même quand le sujet ne le sait pas ; ça en dit plus qu’il ne croit. C’est un S + .
Mais ça ne suffit pas pour caractériser la psychose. Comment ça parle, quelle est la structure du discours paranoïaque ?
C’est pour répondre à cette question que Lacan reprend les hypothèses de Freud mais il le fait en situant le message, son auteur et son porteur et le lieu du code (A).
Au niveau du message la proposition « je l’aime » revient au S en tant que signification selon les trois formes du délire apportées par Freud c’est-à-dire selon trois formes d’aliénation à l’autre dans le délire.
Lacan part du délire de jalousie : « c’est elle qui l’aime ». On fait porter le message par un autre, par un petit autre : c’est l’ego qui parle par l’alter ego qui dans l’intervalle a changé de sexe. C’est une aliénation invertie.
Il ne s’agit pas d’une projection comme celle, névrotique que l’on retrouve dans la jalousie ordinaire et qui consiste à imputer à l’autre ses propres désirs d’infidélité. Freud a bien fait la différence.
Ce n’est pas le même mécanisme que celui-là, psychotique, où c’est l’alter ego auquel le sujet délirant s’est identifié par une aliénation invertie, c’est-à-dire sa propre femme (par exemple), que ce sujet délirant fait la messagère de ses sentiments à l’endroit, non pas même d’un autre homme, mais d’un nombre d’hommes indéfini, car le délire de jalousie est indéfiniment répétable.
Dans le cas du délire d’érotomanie (« ce n’est pas lui que j’aime, c’est elle qui m’aime ») c’est une aliénation divertie car un certain message parvient mais ce n’est plus à celui auquel il s’était adressé que le délirant érotomane s’adresse. Cette aliénation divertie du message s’accompagne d’une dépersonnalisation de l’autre, d’un « autre tellement dépersonnalisé qu’il est grandi aux dimensions même du monde. »
Dans le délire de persécution c’est beaucoup plus proche de la dénégation. C’est une aliénation convertie : l’amour est devenu haine. L’altération profonde de tout le système de l’autre : sa démultiplication, le caractère extensif en réseau des interprétations sur le monde, montre la perturbation proprement imaginaire portée à son maximum.
Lacan repère donc le délire en distinguant quatre places dans le circuit de la parole (Schéma L) :

S:      le sujet qui parle qu’il le sache ou non.
á:       le petit autre imaginaire, l’autre en tant que le sujet est avec lui dans la relation imaginaire et que cet autre est à la racine, la base de
a :      son moi individuel.
A:      l’Autre avec un grand A

C’est de ce lieu que le sujet reçoit son message sous forme inversée.
Le message du sujet : « Tu es mon maître » est une nomination qui reconnaît et institue l’Autre absolu.
Le sujet, S s’entend le dire en a.
En retour il s’y fait reconnaître en recevant cette réponse en S (elle est constituée en A) :
« Je suis ton élève. »

C’est à partir de la distinction de ces quatre places que l’on peut commencer à faire la différence entre névrose et psychose.
« Je viens de chez le charcutier »
C’est une présentation de Lacan : un délire à deux. Une fille et sa mère se font hospitaliser en même temps. La fille en sortant de chez elle, dans le couloir, rencontre ce « vilain homme marié » qui était l’amant de sa voisine. Elle se plaint qu’il lui a dit un gros mot, mais ce gros mot, elle ne veut pas le répéter. Elle avoue cependant qu’elle a dit quelque chose : « Je viens de chez le charcutier. » Il aurait dit « Truie. » Elle entend là son message. C’est bien son propre message mais non pas reçu sous forme inversée.
Lacan fait remarquer que certains malades qui se plaignent d’hallucinations auditives faisaient manifestement des mouvements de la gorge et des lèvres, c’est-à-dire les articulaient eux-mêmes.
« Truie » a été entendu dans le réel. Qui parle ? C’est la réalité constituée, selon la remarque précédente, de sensations et de perceptions. Quand l’Autre parle ce n’est pas simplement l’autre de la réalité, l’individu qui articule. L’Autre est au-delà de cette réalité.
Quand une marionnette parle, ce n’est pas elle qui parle, c’est quelqu’un derrière. La patiente ne dit pas que c’est quelqu’un d’autre derrière le personnage du voisin qui parle : elle en reçoit sa propre parole, mais non pas inversée. Sa propre parole est dans l’autre qui est elle-même, le petit autre, son reflet dans le miroir, son semblable. « Truie » est donné du tac au tac.
Que la parole s’exprime dans le réel, veut dire qu’elle s’exprime dans la marionnette. Il n’y pas d’Autre au-delà du partenaire.

Schéma L :    á : le monsieur dans le couloir
A : pas de A
a : ce qui dit « je viens de chez le charcutier »
S : c’est de S que l’on dit : « Je viens de chez le charcutier »
a (la patiente qui parle) reçoit son message de á. Ce qu’elle dit concerne cet au-delà qu’elle est elle-même en tant que S et dont elle ne peut parler que par allusion.
Il n’y a que deux façons de parler de S :
-Soit de s’adresser à A et d’en recevoir le message sous forme inversée
-Soit d’indiquer son existence sous la forme de l’allusion.
Elle est paranoïaque en tant que A est exclu. Dans le délire, A étant exclu, tout ce qui concerne le sujet est réellement dit au lieu de l’autre. Le circuit se ferme donc sur les deux petits autres qui sont la marionnette en face d’elle, qui parle et dans laquelle résonne son message à elle, et elle-même qui, en tant que moi, est toujours un autre et parle par allusion.
Elle ne sait pas ce qu’elle en dit. Elle ne sait pas qu’elle dit, que c’est un cochon découpé qui vient de chez le charcutier. A cet autre à qui elle parle, elle dit :
« Moi la truie, je viens de chez le charcutier. Je suis déjà disjointe, corps morcelé, délirante et mon monde s’en va en morceaux comme moi-même. » (10)
Qui a parlé en premier ? C’est « Truie » qui conditionne « Je viens de chez le charcutier. » Ce n’est plus l’allocution « Je viens de chez le charcutier » qui serait articulée et construite comme la réponse à un message venu de l’Autre (comme nous l’avons vu pour la parole pleine). Depuis le petit autre, c’est au contraire « la réponse (« Truie ») qui présuppose et induit tout à la fois l’allocution. » ( selon Joël Dor) (11)

Régression narcissique.
Ce à quoi se limite le circuit de la parole dans le délire c’est ce circuit imaginaire que Lacan a caractérisé comme relation spéculaire.
La régression narcissique de la libido que Freud situe comme première phase de la psychose n’est pas à comprendre dans le registre chronologique. Pour Lacan elle est topique et consiste en cette relation imaginaire, source de la tension agressive qui serait sans issue si ne s’y superposait un ordre symbolique, un ordre de la parole, celui de ce qui s’appelle le père, non pas le géniteur mais le nom du père.
La régression narcissique de la libido provoque un changement de plan dans le délire :
« Le désir qui avait à se faire reconnaître se situe sur un plan très fondamentalement changé par rapport à ce qu’il s’agit de reconnaître, il y a transfert de plan. »
« Le retrait de la libido des objets représente une désobjectalisation de ce qui va se présenter dans le délire. »
Dans la névrose le retour du refoulé se fait au lieu même où il a été refoulé (dans le symbolique) mais sous un masque : le désir refoulé, nous dit Freud se fait représenter par un substitut qui s’impose au moi par le retour du compromis, dans le symptôme. ( Névrose et Psychose). Ce compromis Lacan l’appelle duplicité du signifiant : un conflit passé inconscient est le signifiant dont le signifié est le conflit actuel.
Dans la psychose, le désir refoulé fait retour mais ailleurs, dans un autre lieu, transcrit dans un autre registre, le registre imaginaire, mais sans masque. Il est exclu du compromis symbolisant de la névrose et se traduit par un déchaînement imaginaire. Le désir est lisible mais sans issue. Nous l’avons aperçu dans l’exemple précédent (et nous y reviendrons pour conclure).
Mais cette différence entre névrose et psychose n’est pas suffisante car la psychose n’est pas simplement le développement d’un rapport imaginaire au monde.
Lacan propose de la situer au niveau de l’aliénation verbale et c’est la parole du psychotique qui nous l’enseigne.
D’abord, le sujet psychotique dit qu’il y a de la signification. Il ne sait pas laquelle, mais elle vient au premier plan, elle s’impose à lui. Cependant elle ne renvoie à rien si ce n’est à une signification essentielle par laquelle le sujet est concerné.
Le langage délirant a une saveur particulière. Certains mots prennent une densité qui se retrouve parfois dans la forme même du signifiant : néologisme (par exemple « galopiner »).
Schreber cite des mots clés originaux dits par les rayons divins : « adjonction de nerfs. » Ce sont des mots pleins qui se différencient pour Schreber lui-même des mots du langage commun. Il les écrit entre guillemets. La signification de ces mots ne s’épuise pas dans le renvoi à une autre signification (comme c’est le propre de la signification). C’est une signification irréductible. Le mot fait poids en lui-même. C’est une signification qui renvoie avant tout à LA signification en tant que telle.  C’est une énigme pour le sujet.
Dans ce phénomène il y a deux pôles, deux formes qui signent le délire :
1) L’intuition délirante : elle est pleine, comblante. Le mot y apparaît dans son originalité.
2) La formule : c’est la forme que prend la signification quand elle ne renvoie plus à rien : la ritournelle.
Tout au long de ce séminaire de 1955 à 1956, Lacan va détailler et examiner ces décompositions de la fonction du langage dans le phénomène délirant.
Chez Schreber par exemple, le phénomène des phrases interrompues met au grand jour la fonction de la phrase qui trouve sa signification avec sa ponctuation.
Ce qui caractérise le psychotique c’est que son rapport au signifiant est profondément altéré. Alors que pour la névrose la chaîne des signifiants et le flux des signifiés (schéma de Saussure) tiennent par quelques points de capiton qui font une boucle, une unité signifiante et assurent la signification, cela ne tient pas pour le psychotique. Le signifiant rencontré le laisse dans la plus complète perplexité. Signifiant et signifié suivent des chemins séparés.
Les psychoses démontrent ceci : dans un préalable (logique) à toute symbolisation il est possible qu’une part de la symbolisation ne se fasse pas.
Dans une étape antérieure à la dialectique de la névrose qui est celle du refoulement et du retour du refoulé, il y a quelque chose de primordial pour l’être du sujet qui n’entre pas dans la symbolisation et qui est, non pas refoulé mais rejeté, forclos et qui, au sens freudien est rejeté de l’intérieur et va reparaître à l’extérieur, dans le réel. (Le réel se définit d’être différent du symbolique).
Il y a dans la psychose quelque chose qui ne fait pas l’objet d’une Bejahung primitive (admission) mais tombe sous le coup d’une Ververfung.
Il va y avoir une dichotomie entre ce qui aura été admis, soumis à Bejahung et qui aura divers destins et ce qui aura été rejeté (Verworfen) et qui en aura un autre. Mais il y a un profond fossé entre ce qui a été admis dans la symbolisation primitive et ce qui en a été rejeté.
Les phénomènes psychotiques démontrent que pour produire de tels effets, ce qui manque est un signifiant primordial qui tient la clé de la signification. Ce signifiant, Lacan ne le nommera qu’après tout ce cheminement, à la fin du séminaire sur les psychoses. Ce signifiant c’est ce qui s’appelle « être père » que Lacan nomme « Nom-du-père ». C’est justement sa fonction de permettre la nomination. Nous notons que c’est au moment où Schreber est nommé Président de la Cour d’Appel qu’il commence à délirer.
Le Nom-du-père est produit par la métaphore paternelle qui met un nom à la place du signifiant phallique. Elle consiste en un jeu de substitution dans la chaîne signifiante.
D’après Marc Darmon :
Le sujet identifie dans un premier temps l’inconnue X, la cause du désir de la Mère, au phallus auquel il s’identifie alors. « La métaphore paternelle est l’opération par laquelle un Nom vient se substituer à cette première symbolisation. » (13). Il y a élision du Désir de la Mère. Alors, le sujet peut renoncer à être l’objet du désir de la mère, à s’identifier au phallus et s’identifier au père. Il peut y renoncer dans la mesure où il y gagne une traite sur l’avenir, une promesse qui oriente son désir et le rend possible. La formule indique que si le signifiant phallique est présent dans l’Autre, c’est à l’état de refoulé.
Le Nom-du-Père vient symboliser ce phallus originairement refoulé et instituer un objet cause du désir.
C’est cette métaphore qui permet au sujet d’accéder à la signification phallique et règle son désir. Son absence a des effets bien particuliers dans la psychose : par exemple l’automatisme mental.
Quand  de l’Autre vient l’appel d’un signifiant qui ne peut être reçu, le sujet se trouve en face d’un trou. Il perd la sécurité significative coutumière et pour ne pas se déshumaniser il présentifie le menu commentaire de la vie (ce que Lacan a appelé la phrase symbolique) qui fait le texte de l’automatisme mental. Il est accompagné par le commentaire perpétuel de ses gestes et de ses actes. Le langage parle tout seul.

Une solution ? La métaphore délirante.
Par l’interprétation délirante le sujet psychotique tente de pallier  ce défaut dans le symbolique. Mais il doit alors soutenir lui-même la signification en lieu et place du signifiant phallique qui fait défaut. C’est ce que fait Schreber qui assume d’être la femme de Dieu en acceptant l’éviration. Lacan résume cette métaphore délirante en ces termes : « Faute de pouvoir être le phallus qui manque à la mère il lui reste la solution d’être la femme qui manque aux hommes. »
Vous pouvez constater que Schreber est bien loin d’un choix d’objet homosexuel et de lutter contre des désirs homosexuels. Il s’agit d’un « pousse à la femme » dans la psychose.
Pour le psychotique le défaut de cette métaphore paternelle qui règle le désir humain rend son désir problématique.

Qu’en est-il de son objet ?
Ce qui est forclos c’est le signifiant « Nom-du-Père » et son signifié la castration. La castration étant rejetée nous avons affaire à un sujet non divisé qui se trouve confronté à l’autonomie de l’objet qu’il reçoit directement de l’extérieur.
Que le sujet psychotique ne soit pas divisé par la castration, Lacan dans l’Ethique de la Psychanalyse, le reprend sous ce terme d’ « Unglauben », d’incroyance que Freud a employé pour qualifier le rapport du paranoïaque à la réalité psychique. La chose, comme dans le discours de la science, y est rejetée au sens de la Verwerfung. Ce n’est pas le contraire de la croyance mais c’est un mode propre du rapport de l’homme à son monde et à la vérité.
Dans le séminaire XI il l’explicite par la solidification de S1 et de S2 qui s’holophrasent : « Cette solidité, cette prise en masse de la chaîne signifiante primitive, est ce qui interdit l’ouverture dialectique qui se manifeste dans le phénomène de la croyance. » (14) Dans la paranoïa « règne ce phénomène de l’Unglauben. Ce n’est pas n’y pas croire, mais l’absence d’un des termes de la croyance, du terme où se désigne la division du sujet. »(15)
Du fait de cette absence de division subjective, de cette holophrase entre S1 et S2, il n’y a pas de chute de l’objet. Nous allons en mesurer les conséquences dans la clinique que nous rapporte Marcel Czermak dans son livre « Patronymies ». (16) :
« Je suis arrivée ici parce que j’avais un ami que je voulais voir. De ce fait-là, il m’avait proposé de venir le voir devant sa porte, le soir, en déposant un petit paquet et c’est ce que j’ai fait depuis deux ans, chaque soir. Malheureusement, il ne m’a jamais ouvert la porte » raconte Coco.
A travers la porte, la voix de son ami lui a dit : « Bouffe, la Goulette, tâche de ne pas oublier, gifle, gifle » puis, « J’ai mal au ventre » et enfin « L’œuf, je ne pourrai le solutionner. » « Comme il m’avait dit Bouffe la Goulette, explique-t-elle, je m’étais dit : je vais lui apporter un peu de nourriture. Je mettais des gâteaux, je mettais des petites choses dedans pour remplir le paquet… » Ici, elle est lui, l’autre.
Qu’attend-elle de son ami ?
« Je veux me marier religieusement » dit-elle. Lui ne le veut pas et le lui a signifié clairement à deux reprises.
« Si j’ai pas voulu écouter ses deux lettres, c’est parce que j’avais d’abord envie de continuer à aller à sa porte, voir ce qui se passerait. »

L’objet.
Si la plupart des objets de la pulsion sont là, Marcel Czermak souligne que cette patiente « ne les met pas en jeu à la manière d’un névrosé mais qu’elle est à la fois voix, regard, fèces, etc. Elle est elle-même objet a. »(17)
Quinze ans auparavant, Coco avait fait un épisode anorexique passé inaperçu, qui a pour Marcel Czermak, dans l’après-coup, valeur de phénomène élémentaire de la psychose. C’est vraisemblablement le refus d’un nouvel ami qui lui a fait perdre l’appétit. Car elle veut se marier à l’église et sa demande ne supporte pas de refus. Elle ne dit rien ni du désir ni de l’amour.
« Je-veux-me-marier-religieusement », est une holophrase et a la fonction d’un objet à saisir et à incorporer. Sa demande est sans au-delà (puisque la castration est impossible). Elle est fondue avec elle-même, Coco. «  La demande D, elle, devient objet a qu’elle est. On pourrait dire que a demande. » (18)
Un autre patient, Hard, illustre aussi cela. Les couleurs lui formulent un message : elles lui ordonnent de boire ? C’est son regard, objet a qui commande.
Marcel Czermak formule: « Alors que dans la névrose, la pulsion, acéphale,  contourne l’objet et le manque, ici dans la psychose, à la fois l’objet est saisi et il transforme le sujet en objet. » (19)

La poussée.
Pour le névrosé c’est une excitation interne. Pour le psychotique c’est un impératif reçu d’une voix extérieure qui dicte un passage à l’acte.
Marcel Czermak qui a passé en revue les quatre termes de la pulsion qui selon Lacan, le rappelle-t-il, ne peuvent apparaître que disjoints, ces quatre termes, la poussée, le but, l’objet et la source sont ici, dans la psychose confondus.(nous n’avons cité que l’objet et la poussée).
Il en conclut qu’ il ne s’agit pas de pulsion dans la psychose.  Il s’agit plutôt d’un passage à l’acte.
Les ronds R et I sont indistincts car S a sauté. En conséquence il y a confusion des objets, les orifices du corps sont interchangeables, il y a confusion du sujet et de l’autre.
« Cette confusion des objets, des orifices, des registres n’est qu’une autre manière de dire l’impossible de la métaphore paternelle dans la psychose. » (20)
L’objet a n’est plus soustrait par la découpe phallique induite par l’opération du Nom-du-Père. Or, ce qui spécifie une pulsion c’est l’objet chu. Dans la psychose les pulsions sont donc « déspécifiées ».
Marcel Czermak cite l’exemple de l’oralité déspécifiée dans la psychose : c’est celle de l’Autre, d’un lieu atemporel et féroce. Il y a ces patients qui mangent indifféremment leurs excréments, des mégots, des pierres, des épingles à nourrice, qui boivent leurs urines ou des détergents. La pente des psychoses est qu’il n’y a plus qu’un trou unique qui aspire et recrache : le trou dans l’Autre.
« Il n’y a plus de S(A), plus de $ à a, plus de $ à D » (21). Les objets sont libérés, le sujet s’équivaut à l’objet qui s’équivaut à une demande impérative.
« Le psychotique ne joue pas. Il est jouet et joué ».
C’est ainsi que Marcel Czermak spécifie les rapports du psychotique et de l’objet.
Ceci nous permet de mesurer les effets de l’impossibilité de la métaphore paternelle dans la psychose. A entendre ces patients nous pouvons en recevoir le plus vif enseignement sur la constitution de la structure et ce qui règle le désir de chacun de nous.

Bernard Moullé

Bibliographie
1 .  Rey A.(sous la direction de), Dictionnaire historique de la langue française , Dictionnaires Le Robert,  2000.
2.   Freud  S., La Dynamique du Transfert , 1912,  La Technique PsychanalytiqueP.U .F., 1977 . (p.52)
3.  Lacan  J., La Direction de la Cure et les principes de son pouvoir , Les Ecrits, Paris, Le Seuil, 1966.( p. 587 )
4.  Freud  S., Observations sur l’amour de transfert , 1915,  La Technique Psychanalytique, P.U.F.,1977.(p.121)
5. ibid (p.124)
6. ibid (p.122)
7. ibid (p.123)
8. ibid (p.124)
9.  ibid (p.129)
10.  Jeanvoine M.,  L’espace-temps du transfert, Séminaire 2002-2003, Association Lacanienne Internationale, Inédit.
11. Lacan J.,  Séminaire XI , Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse,Le Seuil, 1973.(p ;243)
12. ibid (p.241)
13. Bergès J., Balbo G., Psychothérapies d’enfant,enfants en psychanalyse, érès, 2004.(p.34)
14.Lacan J., L’acte psychanalytique,(1967-68)Association Lacanienne Internationale, Publication hors commerce, 1997 .(p..87)
15.  Jadin J.M.., Côté Divan, Côté Fauteuil, Albin Michel, 2003.
16. ibid (p.238)
17.  ibid (p.242)
18. ibid (p.243)
19. ibid (p.243)
20..Lacan J., Séminaire I, Les Ecrits Techniques de Freud, Le Seuil, 1975.(p.127)
21.ibid (p.127)
22. Lacan J.,  Le symbolique, l’imaginaire et le réel, 1953, Bulletin de l’Association Freudienne,n.1
23.  Darmon M.,  Essais sur la topologie lacanienne, éditions de l’Association Lacanienne Internationale, 2004.(p.353 à358)
24. Lacan J.,Le symbolique, l’imaginaire et le réel, opus cité, (p.13)
25. Lacan J. Les Ecrits Techniques de Freud, opus cité, (p.255)
26. Freud S., Die Traumdeutung, P.U.F., 1967.(p. 478, 479)
27. ibid (p.464)
28. Lacan J.,Les Ecrits Techniques de Freud, opus cité,(p.269,270)
29. Freud S., Fragment d’une analyse d’hystérie, I905, Cinq Psychanalyses, P.U.F., 1970.(p.86)
30.  Allouch J., Lettre pour Lettre , Erès , 1984.(p.165 et 166)
31.  Moullé B., Dessin et latence de l’écriture,  Confluences, Décembre 2000.(p.13)
32. Jadin J-M., Côté divan, côté fauteuil, opus cité
33. Lacan J.,  Les Ecrits Techniques de Freud, opus cité, p.270